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Anturgle

ANTURGLE

Ritual ambient metal, France

Avril 2017

Nouveau venu sur la scène underground Anturgle tape fort avec Oursgaard, un album au style particulièrement personnel et original. Loin des normes et de tout velléité de succès, Anturgle publie sa musique directement sur internet, sans besoin d'intermédiaire entre lui et l'auditeur (dont il se fout assez largement d'ailleurs).

Si vous voulez tenter le coup :

La prose du bougre est encore pire que sa musique, vous êtes prévenus.

1 – Peux-tu nous présenter ton projet ?

Anturgle est mon exutoire favori afin d’essayer tout et n’importe quoi au niveau musical. Je reste dans le metal, mais ajoute volontiers d’autres styles proches ou des breaks et structures inattendus, y compris si le rendu final sonne moins bien. Sans être du metal écolo, Anturgle se veut proche à la fois du côté « raw nature » et du côté « Do It Yourself » : pas de chichi, je fais ça dans mon grenier ou dans la nature, avec un enregistreur bas de gamme, et je garde souvent les premiers jets, même s’il y a des soucis de rythmes ou de fausse note. Anturgle n’est pas fait pour être écouté ailleurs qu’en forêt avec une bonne bouteille et un feu digne de ce nom (si t’as du sauciflard, t’es le plus heureux des Hommes).

2 – Pourquoi avoir choisi ce patronyme ?

Anturgle ? Parce qu’il ne signifie rien, ne fait référence à rien même, s’il se rapproche de l’anagramme de « nature » (qu’on prononcerait pendant un étranglement) et qu’il est difficile à dire et à retenir.

Tyson ? Cela me semble évident… Le côté montagne et froid se marie bien à la mythologie nordique. Tyr est celui qui a osé mentir à Fenrir afin de l’enchaîner en sachant qu’il y perdrait sa main. Vu comment je joue de mes instruments, cet aspect manchot me va bien ! Tyr représente le Ciel et la justice, celui qui tuera le Chien (Garm) lors du Ragnarok (pas le festival, bande d’incultes…) : j’y vois le symbolisme d’une nature normale qui lutte contre la connerie et les apparences artificielles.

3 – Quelles sont tes influences (musique, films, bouquins, alcool…) ?

Comme tout un chacun je kiffe à écouter du Jul, Slipknot (c’est pareil) ou encore du Bob Marley. Et je ne peux camoufler ma demi-molle nostalgique à l’entente d’un Booba ou d’un bon Goldman

Tu crois quoi, sérieux ?

Burzum, Drudkh, Ulver (la trilogie du loup hein, pas la soupe électro) et Wardruna sont mes influences musicales pour Anturgle, même si je m’en éloigne volontairement bien souvent afin de ne pas être qu’un copieur influencé.

Darkthrone est évidemment génialissime et je renâcle peu sur certains titres d’Immortal. Il m’arrive d’écouter d’autres trucs mais qui ne sont pas des influences pour mon projet.

Coté bouquin : il existe plein de trucs sympas, mais concernant l’influence je vais rester sur Le Nom de la Rose d’Umberto Eco et l’ensemble de l’œuvre de Terry Pratchett (OK et quelques Pif et Hercule bien évidemment, ça s’entend direct au premier riff).

Alcool ? Mais c’est mal l’alcool non ? A part l’absinthe, le Birlou et le bon whisky (je reste fumé plus que iodé car je suis une princesse à l’intérieur je pense, même s’ils font maintenant un très bon whisky armoricain). Mais je déconseille de jouer bourré : sur le moment c’est génial mais la descente est violente.

4 – Comment procèdes-tu pour composer (processus d’écriture, matériel…) ?

Tu prends les gammes pentatoniques communes. Tu trouves les demi-tons black associés qui se trouvent à coté. Tu joues TOUT en aller-retour. Tu fais la rythmique binaire avec un accord de Mi. Tu harmonises à la tierce ou à la quinte pendant les refrains. Tu bosses le son. Tu remixes les hiatus et tu compresses certaines parties. Et hop, le tour est joué.

Dernière étape, tu effaces tout et tu fais ce qui te semble juste et bon en fonction du temps et de l’envie.

Pour le matos : une gratte (7 cordes comme ça j’économise des parties de basse parfois), une pédale (je sais à quoi tu penses, mais non), une batterie électronique pourrave qui sort le son une fois sur deux et un ampli qui n’est pas fait pour ça. Tu ajoutes quelques percussions hétéroclites, un violon cassé et c’est parfait ! Reste l’enregistrement : en extérieur parfois c’est dur, mais ça donne du corps.

5 – De quoi tes textes traitent ils ?

De la soumission à l’urbanisme, de la sophistication des apparences, de l’inutile complexification de nos vies sous prétexte de longévité ou de confort, bien souvent au détriment de la plénitude, du bonheur simple et de sa comparse si souvent honnie qu’est l’oisiveté.

De la critique de la violence au profit d’un mutisme qui se déguise en tolérance modique. Parfois je parle aussi de caca.

Et de la difficulté de trouver un mode d’essuyage correct en montagne. Ce qui remet tout le reste en question et l’Homme à sa juste place.

Les textes sont un mélange de français, anglais et norvégien sur Oursgaard. Ce sera davantage en anglais sur le prochain album. De toute manière, je considère la voix comme un instrument : il est détonant et marque davantage par son cri énervé ou miséreux nuançant l’émotion (comme dans les chansons basées sur le récitatif plutôt que le tempo) que par les paroles qu’on ne lit que rarement.

6 – L’underground, est-ce un choix ou une nécessité ?

Bonne question ! Du coup ça m’étonne…

Au début, une nécessité, par cause de mauvaise connaissance des instrus, de la théorie musicale et du matos. Maintenant, par choix : je préfère écouter, et du coup créer, des sons nouveaux et osés (tu parles…). Après tout si on veut du studio consensuel qui fait bouger la tête des hommes et le boule des femmes, il y a le choix. Ce n’est pas mauvais, le studio et la cohérence. J’en consomme encore parfois. Mais c’est juste que j’en ai ras la truffe !

L’underground permet de faire ce que tu veux, en toute humilité. En revanche il risque de te confiner dans la facilité et à l’irrespect des auditeurs. Que des points positifs en somme !

7 – Anturgle en tête d’affiche du Hellfest, c’est pour quand ?

En effet, ils me harcèlent à chaque réitération de leur événement… Ça en devient gênant parfois, lorsque tu les vois espérer très fort, avec leurs petits yeux de cocker tout vides et leurs lèvres blanches, tellement plissées d’espoir que j’imagine leur muqueuse anale dans le même état par solidarité.

Je me dois malheureusement de décliner leur aimable offrande à chaque fois.

Parce que les festivals, je suis navré de te l’apprendre, c’est comme un camping sauvage en montagne (zik, bouffe, picole) ; l’amusement et la beauté en moins… L’organisation et les mouvements pantelants d’une foule que je ne connais pas, ça les rend pathétiques et ça me rend malade. Mais je critique pas hein, allez-y… Payez-les, ils ont besoin d’argent les artistes et les vendeurs de buvette… C’est bien de donner du fric aux mecs qui tentent de se rénover n’importe comment pour se payer une autre BMW… Bientôt on verra des featuring dégueulasse genre Metallica et Lady Gaga ou encore une bonne coop entre Soad et Renaud !

Bon, je suis injuste exprès, parfois y a des artisans honnêtes qui peuvent survivre grâce à ça… C’est juste que j’aime écouter la musique seul ou en compagnie restreinte, face à un feu ou en reluquant un mont enneigé plutôt qu’en face de Danois saouls et de Suédois en cuir clouté.

8 – D’ailleurs quels objectifs as-tu à terme pour Anturgle ?

Oursgaard, fils du vent, est le premier d’une trilogie élémentaire. Va suivre un album plus axé feu et métal, Raserianfaal, en 2017 et je ferai ensuite un grand virage coté eau et ritual metal pour Skaaldr en 2018, si tout va bien. La plupart des riffs sont en poche, c’est le temps qui manque. Ensuite… On verra…

9 – As-tu d’autres projets qui pourraient intéresser nos lecteurs ?

Je finis donc un album Feu et Metal, Raserianfaal, courant 2017. Mais je ferai une coupure Anturgle après cela pour me consacrer à un revival (ou presque, car ce qui n’est pas né n’a pu mourir et ne peut renaître…) avec d’anciens alcolytes sur Thuyone, mais pour le moment c’est flou.

Plus concret, je vais collaborer avec Strigx sur un projet sorti de son scalp rasé trop souvent surmonté d’une cagoule. L’attribut vestimentaire complète bien souvent une silhouette un peu brève et des idées de même attribut.

On va donc faire de l'« historic metal », projet qu’on nomme, pour le moment, Khronik, et qui traitera, en une dizaine de pistes, de la seconde guerre mondiale dans un style probablement drone (c’est lui qui m’a dit, moi je connais pas le drone en tant que zik).

10 – Ta photo promotionnelle est pour le moins mystérieuse. Tiens-tu à ce point à ton anonymat ou est-ce dû à un physique particulièrement repoussant ?

J’ai une photo « promotionnelle » ? Tu me l’apprends !

J’ai un avatar sur Bandcamp, mais je ne vends rien. Chez Howling Griffons Music, on fait ce qu’on veut !

Sinon, oui je suis moche, mais surtout je suis mauvais en photo. Du coup y avait un contre-jour dégueulasse et on apercevait dans le coin inférieur droit un TV magazine spécial diététique ainsi qu’une photo de Sœur Sourire dans un cadre en forme de chat du plus mauvais effet. J’ai dû porter des coupes franches à cette photo tout en respectant une deadline extrêmement stressante parce que c’était l’heure de manger.

Pour de vrai : tu piges toi ceux qui montrent leurs faces sur un album ou pour de la promo ? Je trouve ça du dernier vulgaire, comme si ta gueule était une plus-value ou pire le centre de ce que tu proposes. Pour vivre heureux vivons masqués. En cela, je suis solidaire aussi bien de Daftpunk que de Stupeflip.

11 – La future collaboration de Lady Gaga et Metallica va-t-elle (selon toi) enfin mettre un terme à la mauvaise réputation du metal ou est elle symptomatique de la dégénérescence de cette scène ?

Ah ? Mais… Wait… Ça existe vraiment cette merde ? Je pensais vraiment pas…

Metallica c’est un vrai groupe tu veux dire ? Putain, je pensais que c’était un coup des publicistes genre le Sex Pistols des années 90 et 2000 quoi !

La réputation du metal ? Bah, tout fut rock, hard, metal, heavy... Jusqu’à arriver à une putain de ramification complexe et inutile afin de désigner des types de sons et des types de gens. Je crois pas que Metallica représente le « metal ». Si c’est le cas, c’est auprès d’un public de bambis qui n’ont de metal que leur froc qu’ils ont payé bien cher chez leur recéleur de peaux tannées en Asie…

Il arrive au metal ce qui arrive à tous les courants artistiques : les anciennes idoles s’accrochent à tout, l’argent les mettant à l’abri du ridicule, leur réputation d’antan les préservant de la suspicion de viol artistique. Évolution ? Dégénérescence ? Quelle importance ? En tout cas ça ne vaut pas le coup.

De même que les mecs qui kiffaient Cypress Hill ont beaucoup vomi lors du featuring de Larusso avec B Real, voilà que le « metal » a aussi ses vendus, mais cela fait longtemps...

Au moins, ils me font marrer deux minutes, c’est déjà ça !

Si tu veux savoir où va le metal, il ne faut plus regarder les gros groupes, mais les émergences, même si je ne suis pas certain que cela soit réjouissant. Mais si le metal se détache de la portée des gros groupes, il pourrait redevenir un courant, en partie du moins, authentique, et animé par des gens plutôt que par des labels. On laisserait de côté la systématisation et la classification au profit du plaisir d’écouter un truc cool et honnête (tout en dépeçant un bébé phoque). Je rêve d’un monde où n’importe quel abruti immature et sans talent aurait la possibilité de nous brusquer les esgourdes via le net. Je vois pas pourquoi on laisse ce marché de la médiocrité uniquement aux slammeurs et autres rappeurs bordel !

Sargon