Metal extrême et avant-garde, France
31/05/2015
Face aux labels abondants, se prostituant tels des super-marchés du Metal proposant un énième clone de Cradleborgirmesshugahpica, certains labels UG font preuve de flair et d'originalité, prenant des risques pour proposer des albums différents. Et des albums différents, le label DEAD SEED en produit. Que ce soit d'un point de vue musical, qu'au niveau des formats. Découvrez donc ce nouveau vivier à groupes hors-paire avec cette interview.
1- Ta première prod est le Live Xenoglossy de Christicide. Quel souvenir gardes-tu de cette première prod, sortie il y a 5 ans déjà? Cela constituait-il un premier départ ou un simple prémisse ?
Cette première prod était plus un simple prémice. Au départ, j'ai fondé Dead Seed pour avoir une structure me permettant d'organiser des concerts en Auvergne pour et avec des groupes que nous apprécions, à côté de ça je tenais aussi une distro pour aider à diffuser les démos de ces groupes. La cassette Live Xenoglossy est sorti pour coïncider avec la tournée de Christicide / Malhkebre (qui aurait dû se faire avec Inkisitor également). Le line up du groupe avait considérablement changé depuis le premier album, il y avait de nouveaux morceaux mais aucune sortie avec cette nouvelle formation.C'était donc l'occasion de sortir quelque chose d'actuel avec un nouveau titre qui était à paraître sur l'album Upheaval Of The Soul. On a reçu le master du concert quelques jours à peine avant le début de la tournée, et nous avons du copier nous-mêmes toutes ces cassettes sur plusieurs postes simultanément afin de les avoir à temps. Ce fut assez laborieux, à l'ancienne, ce qui en fait une pure sortie DIY. Et malgré ses imperfections,j'en garde un bon souvenir d'autant qu'elle capture une aura particulière de cette époque du groupe.
2- Au passage, peut-on espérer voir une réédition de cette fameuse tape?
Non, cette tape était une sortie limitée à l'occasion de la tournée et il faut la laisser dans son contexte.J'opterai plutôt pourun autre album live et de meilleure qualité.
3- Tu as sorti deux Lp's. Je te laisse le soin de présenter ces prod, et nous expliquer ce qui t'a motivé à sortir des LP, le vinyle ne constituant pas la solution de facilité.
J'ai sorti MHÖNOS Humiliati qui a été pressé en double vinyle.C'est officiellement la première production du label, mais aussi leur premier album en tant que groupe à proprement parler (le premier album “Miserere Nostri” était au depart un projet solo de Frater Stéphane). Ensuite est paru en vinyle ABORYM Generator, c'est le quatrième album studio d'ABORYM, sorti initialement sur CD en 2006chez Season Of Mist.Le vinyle est le support physique que j'affectionne le plus et il me semblait naturel à ce que ces chefs d'oeuvre se retrouvent sur ce format. Après il faut savoir qu'on ne fait pas du vinyle juste pour “faire du vinyle”, on accorde une attention particulière tant sur le son que sur l'aspect physique de la sortie, de façon à ce que la pochette soit une réelle prolongation et mise en valeur de son contenu.
4- Un mot sur Mhönos, qui m'est totalement inconnu ?
MHÖNOS est un groupe vraiment unique, tout comme le reflète son line up puisque la formation comporte 2 percussionnistes, 4 bassistes et désormais Necropiss de The Arrival Of Satan au chant. Ce qu'ils font est incomparable, je ne connais aucun groupe dont la musique et ce qui en émane ressemble à ce qu'ils font. C'est un hybride de doom et de drone sur fond de percussions ritualistes, le tout avec des influences très vastes allant du Black Metal à de la musique tibétaine. Leurs performances live sont d'ailleurs une expérience à vivre au moins une fois.J'ai invité le groupe à jouer sur une date et je leur ai par la suite proposé de sortir Humiliati en vinyle. Cet album a vraiment été le déclic pour commencer le label, dès sa première écoute j'ai tout de suite su que c'était l'album parfait pour notre première sortie, car il illustrait totalement la ligne de conduite du label, tant par son esthétique que par son originalité. Il faut savoir que la version vinyle comprend une version alternative de l'album en version CD, plus de la moitié de l'album a été réenregistré et réarrangé pour offrir quelque chose de spécial au format. C'est un album exceptionnel et qui deviendra avec le temps une référence en matière de doom / drone.
5- Tu as édité en vinyle le chef d'oeuvre de ABORYM, Generator. Comment es-tu parvenu à obtenir les accords nécessaires, et surtout, pourquoi ce choix (pourtant évident)?
Le groupe a été très satisfait par le travail fait sur l'album Live in Groningenetnous avons naturellement poursuivi la collaboration en rééditant Generator sur vinyle.C'est aussi un album que j'ai toujours voulu avoir sur ce format.
6- Par la suite, c'est le premier live officiel de ABORYM, datant de l'époque où Attila était au chant. Pourquoi le choix de cette période particulière ?
Le groupe cherchait un label pour éditer un album live enregistré lors d'une de leurs rares dates de la tournée européenne. Etant fan de longue date du groupe, lorsqu'ils m'ont proposé de le sortir,ce fut un réel honneur,et j'ai accepté sans hésiter.
7-L'actu immédiate du label, c'est la sortie d'une tape, en collaboration avec Nuclear war now !. je te laisse le soin de présenter cette sortie particulière où le contenant semble avoir une importance particulière.
La dernière sortie est le split avec DARVULIA et SEKTARISM, deux groupes proches et réunis pour la première fois sur un split conceptuel autour de thèmes comme la peste, la maladie et son rapport à la sorcellerie. Nous avons sorti l'édition cassette sous forme d'un coffret limité et NWN!a sorti l'édition vinyle. Les deux groupes ne sont plus à présenter, toutefois DARVULIA dévoile ici une facette moins connue du groupe, en proposant un morceau plus expérimental, incorporant du drone et de l'ambiant. Il y a une raison à ce choix et à cette atmosphère particulière retranscrite sur l'enregistrement, mais c'est aux lecteurs d'en tirer leurs propres conclusions.
8- Tes sorties restent très ancrées dans l'avant-garde ou tout du moins le non traditionnel. Comment choisis tu les groupes appelés à rejoindre les rangs de ton label ?
C'est la première fois qu'on qualifie nos sorties d'avant-gardistes et quelque part tu n'as pas tort. Mais je pense qu'on est tout simplement à contre courant, nos sorties étant très actuelles. Aussi, un point important à clarifier est que nous ne sommes pas un label avec une étiquette restreinte au “Black Metal” mais un label dédié aux arts sombres au travers de la musique, et ce quel que soit son style. On se contrefout des modes actuelles du metal extrême.Quand une oeuvre nous parle et nous plaît sincèrement, on ne se pose pas la question à savoir si elle correspond aux attentes du public, on la publie en souhaitant que le public soit réceptif à ce que nos artistes ont à offrir. Et si ce que nous proposons est à contre courant, c'est d'autant mieux car les auditeurs trouveront quelque chose de différent chez Dead Seed. Concernant le choix des groupes tout se fait au feeling, il n'y a pas de cahier des charges à remplir, on cherche avant tout à travailler avec des artistes authentiques,s'exprimant avec un style unique et propre à eux.Il faut que ça transmette des émotions, que ça nous déstabilise, peu importe le genre.
9- Quelles sont les sorties à venir ? Conserveras-tu la même ligne directrice ?
La prochaine sortie est l'album Knefall de GRIBBERIKET, c'est une formation norvégienne de doom aux accents désespérés, alcoolisés et crasseux, le tout incorporant des éléments black, folk et noise. Le CD est prévu pour juin et le vinyle paraîtra peu de temps après.La ligne directrice des prochaines sorties restera identique, tout en privilégiant la qualité à la quantité.
Lien écoute: https://soundcloud.com/deadseedproductions/gribberiket-knefall
10- Tu fus membre de feu Christicide.as-tu d'autres groupes ou projets ou te consacres-tu à Dead Seed?
C'est exact. Pour le moment je consacre la plupart de mon temps à Dead Seed.Il est probable que de nouveaux projets voient le jour mais il est encore trop tôt pour dévoiler quoi que ce soit.
11-Membre actif de la scène Dark/Black depuis pas mal d'années, quel regard portes tu sur son évolution et son devenir ?
Je ne suis plus aussi assidu sur l'actualité de la scène que j'ai pu l'être à une époque, il se passe beaucoup trop de choses, il y a tellement d'informations qu'on passe facilement à côté de l'essentiel. Mais ce qui est sûr,c'est que la scène n'a jamais été aussi active qu'à présent et il y a encore beaucoup d'artistes qui arrivent à renouveler le genre et à maintenir une scène de qualité, notamment en France.
12- Revenons à Dead Seed: tu as produits des tapes, des vinyles, des CD... y a t il des formats que tu affectionnes plus que d'autres ?
J'ai une préférence pour le vinyle mais je consomme la musique sous tous ses supports, qu'ils soient physique ou digital.Chaque format a son charme, ses qualités comme ses défauts, qui peuvent par ailleurs contribuer à l'écoute.
13- Les vétérans de VON ont sorti avec leur dernier album une bande dessinée, comme l'avait fait en leur temps Proton Burst ou Furia. Éditer un enregistrement avec un autre média (film, livre, BD, performance..) est-il dans l'ordre des choses pour toi ou préfères tu te consacrer au support audio ?
Certains de ces médias ont déjà été évoqués.Si cela permet d'amplifier ou de prolonger l'expérience,et que son contenu est justifié et cohérent, oui.
14- Alors que labels, distro et activistes de l'underground jettent l'éponge ou disparaissent dans l'indifférence la plus totale, n'est-ce pas une sorte de masochisme que de se lancer dans une telle activité ?
Oui et non, Il y a des activistes qui apparaissent pour aussitôt disparaitre à peine quelques mois plus tard, mais il y a aussi beaucoup de structures qui s'en sortent très bien. Tout dépend de la manière de s'y prendre, on a débuté avec une petite liste de CD's et de démos cassettes, il n'y avait pas plus de 10 références. Puis on a commencé à recevoir de plus en plus de disques,tout en restant sélectifs sur ce qu'on distribuait afin de proposer un choix et des styles cohérents. Le premier pas en tant que label a été le double LP de MHÖNOS, c'était évidemment un risque financier de le sortir sur ce format puisque le groupe,tout comme nous,n'était pas très connu,mais on tenait à proposer quelque chose d'audacieux, quitte à prendre des risques. Et cet album a été très bien reçu à sa sortie, les retours ont été plus qu'encourageants ce qui nous a d'autant plus motivés à poursuivre l'expérience.Honnêtement, je trouve la scène underground saturée et aseptisée, tant en matière de groupes que de labels,tout le monde veut se faire sa petite place, avoir son propre groupe, son propre label. Dans l'ensemble c'est bien qu'il y ait des gens actifs mais il faut aussi savoir faire le tri sur ce qui est à diffuser ou pas. Si tu enregistres chaque riff que tu composes ou si tu édites tout ce que tu reçois dans ton courrier, tu ne contribueras pas à maintenir la qualité de ta scène, et au bout d'un moment tu vas désintéresser le public.Parfois c'est même à se demander si certains labels n'éditent pas des CD's dans le seul but de créer une “monnaie d'échange” contre des prods d'autres labels...Du coup c'est de moins en moins évident parmi tant de choix pour de jeunes groupes ou petites structures de qualité de se démarquer ou rester viable. Il en va de même pour toutes les scènes. Les auditeurs sont blasés et ne savent plus vraiment où regarder hormis les structures qui existent depuis plusieurs années. Quand ils achètent un disque de Black ou de Doom, ils espèrent entendre autre chose qu'une énième copie diluée de Darkthrone ou Electric Wizard..Pour revenir à la question 8, je pense que l'art devrait toujours être avant-gardiste ou à contre-courant, par exemple si tu prends la scène Black Metal norvégienne des années 90, tous ces groupes qui émergeaient proposaient quelque chose qu'on n'avait jamais (ou très peu) entendu auparavant, c'était une scène totalement novatrice et on ressentait même une certaine concurrence et un désir de chaque groupe de se démarquer des autres.Maintenant tout cela s'est normalisé.Tous les jours sortent des albums de BM et quasiment tous se ressemblent, ils sont composés de manière tout a fait scolaire et dénués d'atmosphère, alors qu'initialement c'est un style basé sur des émotions et sensations fortes, du ressenti que tu vas ensuite traduire en musique.Ca doit être fait non pas par une technique à appliquer mais avec les tripes. Pour conclure j'ai envie de te dire que c'est un retournement de situation causé par les labels eux-mêmes. Les gens ont envie de s'impliquer d'avantage dans la scène, alors qu'au final rien que le fait qu'ils se bougent pour aller aux concerts ou qu'ils se procurent les disques font d'eux des activistes à part entière, et c'est même tout à leur honneur car il ne faut pas oublier que ce sont eux qui permettent aux différentes structures et labels d'exister.
16- Qu'est-ce qui te motive à sortir des prods et de les promouvoir ?
C'est avant tout une passion que nous avons pour la musique et les arts sombres.Il y a l'envie de contribuer au développement d'un groupe et aussi un besoin de partager, de faire connaître ses oeuvres.
17- Te remerciant pour tes réponses, je te laisse conclure, si tu penses que certains points méritent des développements que j'auraisomis ?
Merci à toi pour cette interview.
Quelques adresses
Site & webstore: www.deadseedproductions.com
Facebook : https://www.facebook.com/deadseed.official
Soundcloud : https://soundcloud.com/deadseedproductions
Bandcamp : https://deadseedproductions.bandcamp.com/