Black Metal, France
12/12/2021
Diablation scelle le retour de Vicomte Vampyr Arkames et de V. Orias qui prête allégeance à un black metal dans la grande et ténébreuse tradition. Le fruit interdit de leur union s'impose comme un des meilleurs albums que le genre ait enfantés cette année. Tous les deux ont accepté de répondre aux questions de la Horde Noire.
1) Diablation est présenté comme le fruit de l'alliance de vous deux, V. Orias et Vicomte Vampyr Arkames. Pouvez-vous revenir sur la genèse du projet ?
VVA : DIABLATION est né d’une envie commune et inassouvie de donner naissance à un monstre musical empli de noirceur, de détresse, de solitude où l’esquisse d’une lueur de lumière ne pourrait être qu’une illusion. Il a fallu deux décennies pour, qu’à nouveau, le monde du métal noir soit l’antre dans laquelle nous souhaitions composer les mélodies et écrire les textes forgeant aujourd’hui l’âme d’Allégeance. Car cet art doit être pur, honnête, vrai : le temps a donc, comme le sang, coulé pour que 2020 soit l’année de la Renaissance Obscure.
VOA: Pour ma part, il y avait ce sentiment de manque, une sorte de frustration, je me disais presque que si je devais mourir demain, je partirais sans avoir fait l’album que je voulais
2) Comment définiriez-vous votre collaboration ? Comment vous répartissez-vous les rôles au sein du groupe ?
VVA : Une Symbiose. J’ai rencontré VOA en 2001 lors de l’enregistrement de l’Empire des Sens d’AD INFERNA. Depuis, nous n’avons plus besoin nécessairement d’échanger pour comprendre ce que nous avons mutuellement à faire. Comme s’il mettait en musique mes mots avant même que je les ai écrits.
VOA: La première fois que j’ai rencontré Arkames, c’était au Excess Studio en Hollande lors de l’enregistrement de L’empire. On s’était évidemment parlé avant, mais 5mns après son arrivée, il a commencé à enregistrer sa voix, je n’avais aucune idée de ce qu’il allait faire, et par manque de temps, il fallait directement faire les prises. J’étais du côté de la console avec Hans, l’ingé son et c’est à ce moment là que j’ai réalisé à quel point tout allait changer. Il y a quelque chose d’objectivement fascinant dans la façon dont on travaille, il sait ce que j’ai en tête, et je sais ce qu’il attend, c’est lisse, ça fonctionne parfaitement.
3) Le groupe pourrait-il exister si l'un de vous deux le quittait ?
VVA : Je ne le pense pas. L’histoire des dernières décennies montre également que nous nous sommes attendus pour revenir au métal noir. Après, seul l’avenir nous dira !
VOA: Non, et je pense qu’aucun d’entre nous n’oserait dissocier Diablation.
4) Où en est votre implication au sein de Ad Inferna ?
VVA : Ad Inferna s’est éteint. Momentanément ou éternellement, je ne puis le dire aujourd’hui. Seulement, nous avons exprimé à travers lui tout ce que nous pouvions laisser transparaître. Il était temps de laisser son œuvre à jamais figée à ceux qui l’apprécie. A noter qu’une partie des albums ne seront, à notre demande, pas rééditée et que l’idée de sortir une version vinyle de L’Empire des Sens est possible. Reste à trouver le bon label pour cela et concomitamment, échanger avec le line-up d’origine pour obtenir l’accord de tous.
5) Que représentait pour vous le black metal quand on vous l’avez découvert ? Croyez-vous que le genre possède encore ce goût de soufre ? N'a-t-il pas perdu une part de son aura à une époque où il tend à être dénaturé ?
VVA : le Black Métal a et aura toujours, pour moi, le goût du sang, de la haine et de la mort. Tout le reste n’appartient pas du Black Métal. La dilution de l’essence originelle de cet art noir est une des raisons qui a motivé le fait que je quitte la scène en 2002.
Je n’ai donc rien suivi ni écouté de nouveau quasiment depuis cette époque. Plus je me tiens loin du monde des humains y compris des scènes métal quelles qu’elles soient, mieux je me porte. Je conserve mes très rares amis et connaissances et cela s’arrête là. Je garde l’image, mes souvenirs, mes ressentis des années 90 intacts, ils m’évitent d’avoir à contempler et subir ce qui peut se dérouler de nos jours.
VOA: Pour ma part, j’ai toujours eu du mal avec les étiquettes. Il y a 20 ans de ça, les magazines et la presse en général te donnaient leur propre classification et tu étais préjugé et écouté avec cette définition qui te collait à la peau. C’est moins évident aujourd’hui et le terme de “métal noir” nous définit mieux, même si c’est une simple traduction, elle est symbolique. L’aura dont tu parles est très personnelle mais elle est toujours là, elle renait chaque fois que des albums sincères et honnêtes voient le jour.
6) Votre premier album sous cette bannière se nomme Allégeance. Une allégeance est un serment de fidélité. A qui ou à quoi obéissez-vous ?
VVA : Fidélité à la part sombre qui vit en soi qui nécessite d’être regardée dans les yeux chaque jour dans un premier temps. Réaliser ce travail d’introspection pour découvrir qui nous sommes véritablement, y compris les parties les plus obscures de nos êtres et finir par les tolérer pour (sur)vivre avec. Certains mettraient sur ces pans ténébreux de l’esprit, des termes tels que Satan ou Lucifer. Et si cette allégeance n’était finalement que le fait de s’incliner devant soi-même et d’une certaine façon synonyme d’auto-réconciliation ?
« Appelle moi
Sataniste
Luciférien
Quelque soit le terme
Cela n'y change rien
Je renie ton dieu
Je renie les tiens
Je suis mon maître
Je suis le chemin. »
7) Pouvez-vous développer le fil rouge de cet album ?
VVA : Je pourrais te donner la vision conceptuelle et des textes. Tout d’abord, Allégeance n’a pas une histoire mais des histoires. Celle évidente offerte à l’auditeur de vivre la fin du monde, initiée dans « Aigle du Mal, Aigle de Sang » et qui s’achève avec « La Nuit Obscure de l’Ame (Partie 2) ». Mais dans la quasi intégralité des morceaux j’insère des parties de ma vie, des morceaux de mon âme que seuls qui prendront le soin d’écouter minutieusement pourront discerner. J’aborde aussi des sujet connexes comme la nuit noire de l’âme, thème passionnant qui m’a touché au point d’y consacrer deux titres. Enfin, redonner ses lettres de noblesses au métal noir éternel et inaliénable a guidé mes pas tout au long de la conception des paroles.
8) Peut-on appréhender Allégeance comme jetant les bases de Diablation ?
VVA : Oui, Allégeance pose les fondations d’un temple où les rites musicaux de VOA et mes incantations vocales vont s’employer, dans les mois et années qui viennent, à y bâtir le trône où le Métal Noir Ancien pourra y siéger de manière glorieuse et immaculée. DIABLATION est et sera un des piliers du métal noir Français dans la plus pure des traditions.
VOA: Nous continuerons par la suite à faire ce que nous avons au fond de nous et je pense que nous avons encore beaucoup de choses à dire.
9) Rose Hreidmarr apparait sur le titre ‘Ego Daemonium’. On peut penser que cette participation s'est faite très naturellement et aisément. En l'invitant sur ce titre précisément, que souhaitiez-vous exprimer ?
VVA : A notre sens, la contribution d’une personne extérieure au groupe devait avoir une très forte valeur ajoutée. De plus, seul un acteur important avec une dimension historique dans le black métal pouvait partager le texte d’'Ego Daemonium' avec moi. Hreidmarr était donc bien celui à qui je pensais. La collaboration s’est réalisée de façon parfaite.
Ce featuring est donc la rencontre entre deux chanteurs et frontmen qui ont marqué de manière forte le Black Métal Français depuis les années 90. L’autre idée, à travers les mots prononcés en s’identifiant en tant que descendants du Diable, rejoint le thème évoqué précédemment : aborder les notions intrinsèquement liées au « bien » et de « mal » luttant au sein même de l’homme et non une projection systématique de ces conflits intérieurs sur des entités tiers telle une solution de contournement pour ne pas accepter qui nous sommes réellement.
10) L'album est proposé en écoute intégrale sur la chaîne youtube Black Metal Promotion. Que pensez-vous de ces chaînes qui diffusent des albums entiers ? Ne craignez-vous pas que cela favorise le piratage ? D'une manière générale, quel est votre regard sur le téléchargement illégal et le fait de trouver des albums gratuitement sur le net souvent même avant la sortie des albums ?
VVA : A l’exception de groupes tellement confidentiels qu’ils partageraient leur musique uniquement dans un cercle très fermé, hermétique sans aucune notion financière, je ne vois pas comment éviter l’aspect mercantile, la diffusion non souhaitée sur les différents réseaux et le piratage inhérent à cela. N’ayant pas opté pour l’option 1 citée précédemment, je ne peux m’offusquer des pratiques commerciales ou frauduleuses existantes aujourd’hui.
Le black métal n’est pas et ne peut être une source de revenu quelle qu’elle soit. Ainsi la seule chose qui m’importe est la diffusion de notre message véhiculé d’une part par la musique d’Orias et d’autre part par mes textes. Tout le reste n’est que futilité à mes yeux.
Répandre et propager la noirceur, la désolation, la tristesse infinie de DIABLATION, voilà notre mission.
VOA: Nous vivons dans une époque étrange, tout est dominé par le digital, rares sont les gens qui attendent la sortie d’un CD, tout est gratuit et à portée de main. Ce qu’il se passe actuellement dans la musique était inévitable, nous n’avons même pas de jugement à porter, c’est comme ça. Et pour cette raison, je pense que des “Black Metal Promotion” sont essentiels et aident à la diffusion en évitant le chemin de piratage. Après, je n’ai pas vraiment d’avis sur le côté commercial, c’est le travail des labels, pas des musiciens.
11) Qu'attendez-vous de la sortie de Allégeance ?
VVA : Nous n’attendions honnêtement rien, ne sachant pas quel accueil le public réserverait à DIABLATION. Les premiers retours et chroniques sont très très bons et cela est vraiment enthousiasmant, notamment pour le suite que nous allons commencer à dessiner dans les mois qui viennent.
12) Diablation se produira-t-il sur scène ?
VVA : Probablement jamais. Ma vision du métal noir est simple et ancrée dans son essence même. Le métal noir n’est pas un spectacle, ne nécessite pas que l’on se dévoile ni s’affiche. C’est l’accomplissement d’un acte de mort, d’une certaine façon : cette offrande est personnelle, intime, irréversible et ne peut se mettre en scène de manière répétitive, orchestrée perdant ainsi, à mon sens, toute authenticité. Cette vison est la mienne et chacun est bien évidemment libre de procéder comme il le souhaite. En tout cas et à aujourd’hui, cela scelle toute option de concert et autre manifestation de ce type.
13) Qu'est-ce qui caractérise d'après toi l'essence de Diablation ?
VVA : La solitude, amie fidèle du misanthrope que je suis. C’est un isolement volontaireactépour échapper à un monde inspirant dégoût et écœurement.
VOA: L’essence de Diablation est bien présente et évidente dans ce qu’il ressort d’une écoute complète de Allégeance, il faut juste prendre le temps d’aller jusqu’à la dernière phrase qui conclut l’album pour s’en rendre compte.
14) Diablation s'inscrit dans une certaine tradition française de l'art noir, poétique et ténébreuse, noble et sinistre. Qu'en penses-tu ?
VVA : Oui, parfaitement ! L’usage de la langue Française dans mes paroles y contribue de manière importante. La capacité que VOA à concevoir des symphonies élégantes, envoûtantes et nobles, décuple cette appartenance. Je suis, en effet, ravi et très fier que nous apportions notre contribution à cette culture, à notre échelle et de manière si particulière. C’est intéressant d’imaginer, qu’autant d’années après avoir commencé à écrire intégralement enFrançaisdes albums de Black Metal, nous évoquions ensemble, en ces mots,le fait que tout cela soit une forme d’art. Peut-être un jour serons-nous reconnus en tant que tel par le plus grand nombre ?
15 ) Qu'avez-vous pensé du nouveau Seth ?
VVA : Rien, ne l’ayant pas écouté. Je ne crois pas avoir entendu plus de 10 albums de métal daté d’après fin 1999. Pour moi, Seth est mon histoire jusqu’en 2001 et j’en parle avec plaisir et fierté. Après cette date, le groupe ne me concerne simplement plus. Je pourrais, en revanche te dire que j’ai découvert très récemment « Sur les falaises de marbre » de Glaciation et que j’ai vraiment pris plaisir à savourer cet opus !
VOA: Je ne l’ai pas écouté mais je le ferai très certainement. Hormis leur tout premier opus qui est sorti lorsque j’étais chez Season of Mist, je n’ai vraiment pas suivi la suite.
16) Y-a-t-il une question que vous auriez aimé que je vous pose ?
VVA : Quel est ton morceau préféré d’Allégeance et pourquoi ? Terrible question en fait car j’aime l’ensemble des morceaux que renferme Allégeance. L’album est homogène et composé avec une graduation voulue. J’adore tout particulièrement les fins de « Des Ruines de la Solitude Éternelle » et surtout de l’incroyable « Éloge du Mysticisme Impérieux ». Difficile de choisir mais « L’Ordre Hermétique des Âmes Noires » pourrait être l’élue. Je la trouve particulièrement impactante, sans répit et parfaitement construite. Je vote donc pour elle avec les mots finaux suivants : « Et je vois les ténèbres envelopper d’un linceul funèbre l’univers pétrifié ».
VOA: Placé dans le contexte de l’album, sans aucun doute “L’Ordre Hermétique des Âmes Noires”, je trouve que sur une écoute globale, c’est elle qui ressort par sa puissance et son équilibre. En single, peut-être certainement “Ego Daemonium” pour sa richesse.
17) Je vous laisse le mot de la fin...
VVA : Je te remercie pour cette interview et adresse mes salutations à celles et ceux qui, chaque jourplus nombreux, manifestent leur soutien et allégeance à DIABLATION. Je finirais par cet extrait des paroles de « Éloge du Mysticisme Imperieux » :
Prête allégeance
Tu seras épargné
Le trône est mien
Et ne sera partagé
Un nouveau millénaire
Obscure apparaît
A mes côtés
Vous règnerez