Sludge, Canada
20/08/2021
Installé au Québec mais composés de trois Français, Seum bétonne un sludge doom robuste qui fleure bon le cannabis. Comment ? Tu ne connais pas ? Alors ouvre les mirettes pour lire cette interview que le bassiste Piotr nous a accordée et les esgourdes pour t'en prendre plein le caisson !
1) Seum est un trio canadien dont les membres sont français, il me semble. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Salut Childéric, c’est bien ça, nous sommes 3 français expatriés au Québec depuis quelques années. Nous nous connaissions déjà de vue en France ou nous faisions partie de la même scène metal Parisienne (Gaspard chantait dans Lord Humungus, Fred était batteur dans Uluun tandis que je jouais de la basse dans Mlah!) mais nous avons vraiment fait connaissance après avoir bougé au Canada: Gaspard et moi nous sommes retrouvés par hasard à un concert de Monolord et de la tout c’est fait naturellement.
2) Comment jugez-vous la vie au Québec comparée à celle de la France ?
Malgré la langue en commun, le Québec est assez différent de la France, on est vraiment en Amérique du Nord, "Européanisée" mais en Amérique du Nord quand même. Il y a du pour et du contre: l'état d’esprit est plus à l'entrepreneuriat ici qu’en France, ça nous aide beaucoup avec le groupe, tu as l’impression que tout est possible. La vie quotidienne est plutôt paisible avec un accès rapide à la nature, c’est peut-être parfois même un peu trop paisible ? En revanche, l'hiver est infernal mais tout le monde est d'accord là-dessus, les Québécois de souche aussi. Mais si tu aimes les bières et la nature, je te recommande vraiment de venir en visite... en été!
3) Puisque qu'on parle du Québec, vu de France, cette terre apparaît surtout fertile en groupes de black metal. Qu'en est-il de la scène doom, sludge etc ?
Généralement la scène metal est foisonnante, la ville est définitivement rock: tout le monde est tatoué, le gros rock est joué à fond dans les voitures au feu rouge… En ce qui concerne le Doom, Sludge, le groupe le plus connu à l'international est Dopethrone, il ont plusieurs albums à leur actif et tournent aux 4 coins du monde régulièrement, c’est le plus gros groupe. Dans des styles un peu différents tu as aussi Mountain Dust qui a tourné récemment en Europe ou Lochness. Je ne peux également que te recommander Katö, un groupe dont on est proches, ils viennent de sortir leur nouvel album Québec Gold et jouent un rock lourd sludgisant chanté en Québécois qui peut se mesurer sans problème aux meilleurs groupes du genre.
4) Il n'y a pas de guitare dans Seum. Comment monte-on un groupe sans gratte ? C'est un choix délibéré ou le résultat de diverses circonstances ?
Ne pas avoir de guitare et n’utiliser que de la basse est un choix délibéré qui fait partie intégrante du son du groupe. Je suis un grand fan de Shrüm que j’ai découvert au début des années 2000, un groupe qui n’avait pas besoin de guitare pour sonner lourd et j’ai toujours voulu monter un projet un peu similaire. D’un point de vue technique, on a passé pas mal de temps à faire des recherches sur le son au début: quels effets utiliser, comment obtenir un son épais riche en médiums qui ne soit pas lassant à la longue. Au final je joue en simultané sur deux amplis, basse et guitare et je switche de l’un à l'autre au besoin tout en combinant avec différents effets.
5) Ceci dit, la musique que vous forgez tous les trois n'a pas vraiment besoin de guitare pour faire beaucoup de bruit... La basse de Piotr se suffit déjà elle-même…
Merci, ça veut dire qu’on a bien travaillé! On cherche vraiment à ce que l’absence de guitare ne se ressente pas à l'écoute.
6) Seriez-vous pourtant tentés un jour d'accueillir un guitariste dans vos rangs ?
Pas vraiment, encore une fois le son basse/batterie est vraiment à la base de Seum. A la rigueur on pourrait envisager une collaboration ponctuelle, inviter un guitariste sur un morceau pour un solo par exemple.
7) Avant d'enregistrer Winterized, vous vous êtes fait remarquer par une reprise de Prince. Ce n'était pas un peu osé ?
On voulait reprendre une chanson, un artiste qui sort de l’ordinaire. On a tous pas mal d’experience dans la musique (j’ai monté mon premier projet en 1996!) et l'idée avec Seum est de se détacher de “ce qui se fait” et faire ce qu’on veut. On est tous des grands fans de Prince et on trouvait que c'était plus intéressant de reprendre un morceau hors-métal plutôt qu’une énième reprise de Black Sabbath par exemple - même si on adore Black Sabbath, entendons-nous bien! On a même poussé le vice jusqu'à reprendre une chanson relativement peu connue du répertoire de Prince. La reprise a été plutôt bien accueillie mais on espérait un peu plus de retours notamment par rapport au clip qu’on a tourné pour le morceau et diffusé en avant-première en collaboration avec New Noise pour lequel on s’est bien pris la tête.
8) Il y a eu aussi le split 7' avec Fatima. Comment s'est nouée cette association ?
Comme nous venons initialement de la scène Parisienne, on connaît et apprécie Fatima depuis des années, on a partagé de nombreuses scènes ensemble et le projet s’est fait très naturellement: on a eu l'idée et en un coup de fil c'était réglé. En ce qui concerne le côté physique de la sortie (vinyl gravé à l'unité accompagné d’une pochette pop-up 3D assemblée à la main) par contre la ca a été un défi logistique et technique. Entre la gravure des vinyls aux Etats-Unis, les impressions en Pologne et le montage de la pochette en France, ça a été un vrai tour du monde. Disons que le confinement nous laissait plus de temps à consacrer au projet, pas sur qu’on se soit chauffés autant en temps normal, d’autant plus qu’on a vendu les vinyls à perte. Les retours ont été supers bons et les 33 exemplaires sont tous partis en moins de 24 heures. Encore merci à Gorka Uztarroz, l’artiste à l'origine de la pochette, on peut dire que ça a vraiment été un split à 3.
9) Chacun y reprend un titre de l'autre. Pour quelle raison avez-vous décidé de reprendre 'Saliva Bath' ? Parce que cette chanson était la mieux à même d'être adaptée à votre style ?
Pour plusieurs raisons, déjà c’est un bon morceau, très efficace avec une structure rock et un gros break final. On sentait que la chanson allait bien sonner, et ce même avec notre son minimaliste. On a gardé la première partie de manière assez fidèle à l'original, par contre on a vraiment ralenti le break pour le rendre le plus sale et oppressant possible.
10) Comment se déroule la composition chez Seum ?
Je maquette les morceaux en basse/batterie de mon côté puis je les partage avec le reste du groupe. A partir de là on peaufine les batteries avec Fred et Gaspard ajoute le chant par-dessus.
11) Abordons maintenant Winterized. Je n'ai pas trop pigé le rapport entre la pochette et le titre. Vous pouvez m'éclairer ?
Bien sûr! La pochette est un clin d'œil à la marque de café cheap Canadienne Tim Hortons qui est vraiment une institution et un symbole local ici au même titre que la tour Eiffel en France. Avec le couvre-feu à Montréal on s’est retrouvés obligés d’enregistrer l’album à des heures pas possibles, on arrivait au studio vers 6h du matin, autant te dire qu’on est devenus de gros clients de Tim Hortons. Par ailleurs, ces cups font vraiment partie du décor hivernal au Canada, il y en a partout par terre, dans la neige à moitié fondue, écrasés. La pochette est donc une référence à la session d’enregistrement et à l'hiver Canadien plus généralement.
12) Vous y reprenez les Ramones, un groupe cette fois-ci à priori plus proche de vous. C'est bien dans le punk rock que vous vous enracinez…
Ca reste un peu plus varié suivant les membres: je viens effectivement du punk et du hardcore mais Gaspard a beaucoup plus d’affinités avec le Black Metal et Fred a une faiblesse pour le Slam et le Death technique. Autant on se retrouvait pour Prince, autant j’ai dû pousser pour qu’on reprenne les Ramones! Mais je trouve qu’il y a une mélancolie dans Pet Sematary qui fonctionne bien au ralenti. Par ailleurs, on a un peu modifié le texte de la chanson pour en faire un morceau plus actuel et en référence directe avec ce qu’on a vécu à Montréal l’hiver dernier, la fameuse Red Zone ou toute rencontre/sortie était interdite: I don’t want to be buried in a Red Sematary, I don’t want to live my life again.
13) D'ailleurs, il y a dans votre musique un caractère très bourru, méchant mais néanmoins accrocheur. Qu'en pensez-vous ?
Merci, c’est ce qu’on cherche effectivement à faire, des vraies chansons: agressives mais bien structurées, avec des riffs qui s'enchaînent naturellement, des refrains, etc... Je pense qu’on sait faire des morceaux accrocheurs, courts et efficaces. Là on cherche de plus en plus à travailler sur des chansons plus longues, inclure des ambiances différentes, faire des morceaux plus narratifs avec des montées en intensité un peu comme Winter of Seum sur notre album.
14) Le titre de l'album fait référence à une technique employée dans l'industrie du cannabis. Est-ce que tout l'album tourne autour de la dope ?
On est consommateurs mais on voudrait pas non plus être uniquement assimilés à la drogue. La winterization c’est l’extraction de l’huile la plus pure grâce au froid extrême mais dans le cas de l’album, c’est littéralement nous qui nous sommes fait “winterizés”: l’hiver dernier on était vraiment saoulé par la météo glaciale, le Covid, la vie en général (Gaspard a eu un accident de voiture, moi j’ai perdu mon emploi) et ca a clairement nourri notre musique, on a extrait de la pure essence de Seum. :)
15) D'une manière générale, quel était votre but avec ce premier album ?
On voulait franchir un cap. Notre premier EP “Summer of Seum” s’est fait de manière très spontanée, on l’a enregistré en live, on avait peu d’attentes et les retours ont dépassé toutes nos espérances. Pour ce premier album, on voulait conserver ce côté brut et immédiat qui avait l’air d’avoir plu tout en proposant de meilleures chansons avec un gros son pro et le tout au sein d’un projet cohérent. Deux mois après la sortie du disque, il semble que le but a été atteint: les chroniques et retours sont bons, on a fini classés dans les Dooms-Charts de Juin et on a même signé avec le label Electric Spark pour ressortir l’album en vinyl. Ça nous fait vraiment plaisir d’autant plus que de la pochette a l’enregistrement, on a tout fait nous-mêmes. Hâte de passer à un nouveau projet à présent!
16) Une fois que la vie aura repris son cours habituel, peut-on espérer vous voir jouer sur une scène française ?
Tout à fait! On a reçu d’excellents retours en France et on est en contact avec des organisateurs en France, Suisse, Belgique et Hollande. Si jamais le Covid ne nous remet pas un coup j'espère que nous aurons l’occasion de nous rencontrer bientôt et peut-être même encore en 2021.
17) Pour terminer, y-a-t-il une question que vous auriez voulu que je vous pose ?
C’est parfait, on a dit tout ce qu’on avait a dire! :) Merci beaucoup pour ton intérêt et ton soutien. Rapide message à tes lecteurs, n'hésitez pas à nous suivre dans nos aventures Nord-Américaines, on prépare un nouveau projet pour la fin de l'année, restez à l'écoute, longue vie à la Horde Noire!
La Horde Noire remercie Seum et plus particulièrement Piotr pour avoir pris le temps de répondre à cette interview.