La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Exposition de Rosinski

Bandes dessinées

La scène peut paraître incongrue, au Palais de Beaulieu, mais dans le cadre d'un salon dédié à l'économie elle ne surprend finalement pas tant que ça. Rosinski est harcelé par un visiteur qui tient à lui commander une toile ; sans même attendre une réponse, l'hypothétique client parle déjà de prix et d'exigences. Voilà Rosinski pris au même piège que son héros, le Comte Skarbek, un artiste qui affronte des commerçants d'art mal intentionnés. Que fait d'ailleurs cette exposition dédiée à l'album en plein salon économique au Palais de Beaulieu ? L'implication du scénariste Yves Sente n'est peut-être pas étrangère à ce mélange : il a lui-même longtemps ?uvré dans les hauts étages des éditeurs avant de descendre auprès des artistes. C'est pour répondre aux désirs de son ami Rosinski qu'il a imaginé cette histoire entre les arts et la justice d'un XIXe siècle très romancé.
'Je suis passionné par cette période' explique Rosinski, 'et j'ai toujours eu l'ambition de lui dédier un volume. J'avais parlé de cette envie à Yves, qui m'a offert ce scénario. Le récit me permettait en plus de rendre hommage à plusieurs de mes peintres favoris.' Rosinski est connu pour ne pas limiter son talent aux petites cases. Il a déjà exposé à plusieurs occasions. 'Je ne me considère pas comme un peintre. Mon travail est toujours l'extension de ce que je développe en bande dessinée.' Il est vrai que, si le style du dessinateur est d'une grande maîtrise, il n'en reste pas moins plus expressif qu'impressionniste, mieux mis en valeur dans la dynamique d'un récit.
La Vengeance du Comte Skarbek est une ?uvre en deux volumes dont le premier vient de paraître. Malheureusement, comme l'illustrent les planches exposées, Rosinski n'a pas pu tirer parti du cadre romantique de l'histoire. On ne retrouve que rarement dans cet ouvrage le dynamisme et l'envergure qu'on lui connaît. Sente fait hélas partie de ces scénaristes 'jacobsiens' qui pensent que la bande dessinée doit raconter des histoires complexes. Les dessins de Rosinski s'en trouvent ici souvent réduits par les impératifs de dialogues laborieux. Le début d'un récit enchassé lui permet de jouer de ses influences romantiques ; plus loin une page consacrée aux prémisses d'un viol est l'occasion d'un peu plus d'efficacité graphique. On est loin pourtant des envolées qu'a pu s'autoriser l'illustrateur, et on reste sur notre faim, qu'on espère bientôt calmée par un nouveau Thorgal. 'Encore un peu de patience' sourit Rosinski. 'C'est en travail.' Dans un coin, Cosey admire la justesse des couleurs, et se félicite peut-être d'être resté son propre scénariste?

Antoine Bianchi, avr 04, MM mag