Bandes dessinées
Juifs Arabes
Farid Boudjellal
Editions Futuropolis
2006
L'un est un arabe musulman, l'autre un juif rigoureux, les deux habitent en France et ne sauraient vivre sans se détester et se chamailler, alternant équitablement petites victoires et piteuses défaites. Farid Boudjellal met en scène les affrontements d'Ismaël et Israël, pas toujours uniquement verbaux, avec beaucoup de talent, d'humour et de justesse. La situation israélo-palestinienne est au centre de leurs bagarres et les questions de religion y occupent aussi une place majeure : la religion peut, selon les circonstances, être un motif de dispute ou un facteur d'union contre la laïcité et les droits des femmes. Les deux compères ennemis reçoivent alors, dans ce dernier cas, l'aide d'un curé qu'on croirait sorti de Saint Nicolas du Chardonnet. Sans oublier les épouses, l'une couverte d'un foulard et l'autre dissimulée par une perruque, deux victimes du machisme monothéiste qui cèdent aussi au fanatisme religieux. Cependant, la jeune génération, dans son ouverture et son intelligence, soumet les pères à un déchirement cruel : Ysa, la fille du fanatique du shabbat, et Mohamed, le fils de l'allumé en djellaba, sont amoureux ! Et le fond de l'infamie est atteint quand Mohamed avoue sereinement son athéisme...
Les planches de Farid Boudjellal amusent par les situations cocasses où les deux pères sont piégés, poussent à l'hilarité quand les gnons s'invitent à la table des négociations, touchent quand les deux jeunes paraissent de modernes, et non tragiques, Roméo et Juliette. L'auteur n'économise pas les moqueries et les deux religions y sont rejointes par la troisième, la catholique. L'intelligence des situations ridiculise leur bigoterie, range à égalité chacun des camps sans minimiser la souffrance du peuple palestinien, fustige le Hamas comme Tsahal, rapproche la violence de l'un de celle de l'autre et, sagement, le dessinateur ne répondra pas à la question de savoir qui a commencé le premier car tel n'est pas l'objet de l'ouvrage. Rire de la folie des hommes, à défaut de les soigner, n'est pas moins utile.