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Historiquement correct - Pour en finir avec le passé unique

historiquementcorrect

Livres Essais

Jean Sevillia
Ed Perrin
2003
455 p.

Après son essai très remarqué sur "Le terrorisme intellectuel de 1945 à nos jours", Jean Sevillia a reçu énormément de courriers. Cet élan de sympathie et cette soif de vérité lui ont donné l'envie de lui concevoir une suite, en étudiant cette fois des thèmes historiques souvent évoqués aujourd'hui de manière tronquée.
Partant du Moyen Age, sa plume parcoure l'histoire européenne et française en passant par tous les thèmes qui fâchent, de la féodalité à la Guerre d'Algérie. Comme à son habitude, il s'appuie sur une documentation de première main, abondante et bien référencée. Pour chaque thème, il rappelle d'abord la trame historique générale, puis confronte les faits objectifs du passé (résultats de la recherche scientifique récente, souvent objective) aux mythes forgés par les idéologues intellectuels français, et servis dans les manuels scolaires.
Et ses conclusions, implacables, tombent : il y a un décalage flagrant entre l'histoire savante, pondérée par définition, et l'histoire médiatisée, sélective et orientée: cette discipline est tellement déformée au service des idéologues de gauche et parfois aussi de droite que son utilisation est fausse jusqu'à en être malhonnête. Certains y traquent le racisme dans un Moyen-Age "obscurantiste", le sexisme sous l'Ancien Régime, le fascisme au XIX°S....En jugeant le passé à l'aune du présent, C'est le triomphe de la représentation fausse, du manichéisme simplificateur et de l'anachronisme militant.
Mais qui écrit l'histoire? Il nous rappelle une évidence : le traitement de l'Histoire n'est pas innocent. Les rois et empereurs faisaient déjà écrire leur panégyrique. L'histoire républicaine du XIX°S. nourrie par Voltaire, puis l'histoire marxiste des années 1950 (Braudel, Lévêque, Vovelle...), et le "droit-de-l'hommisme" de l'école post-Annales depuis les années 1970 ont chacun façonné l'Histoire à leur image. Pourquoi tant de haine envers le passé? Pourquoi diaboliser des sociétés entières, des peuples et des grands personnages? Pour atteindre en fait, par procuration, le citoyen "lamba". Ces courants ont chacun nourris des générations d'écoliers de leur idéologie, au lieu de livrer des matériaux historiques bruts permettant aux futurs citoyens de se forger leur propre opinion. Heureusement, quelques francs-tireurs reconnus émergent (Chenu, Tulard, Lacoste) et proposent des éclairages plus sereins des faits.
Et toutes les conclusions de Sevillia sont bonnes à entendre :
- la féodalité est qu'un régime politique comme un autre, né de la désagrégation de puissance publique, et qui a porté la période la plus faste du Moyen-Age, avec les renouveaux agricole, urbain, commercial, et artistique. Il a même fait disparaître l'esclavage vers l'an 1000.
- les 8 croisades européennes ne furent qu'une réplique des invasions arabes et turcs en "Terre sainte", déclenchée par l'appel à l'aide de l'empire byzantin, dont le territoire était très amputé par les envahisseurs musulmans. L'intolérance religieuse était donc partagée.
- les Cathares des guides touristiques actuels n'avaient rien de pacifiques religieux. A l'époque, ils sont perçus comme une secte dangereuse, même par les catholiques du Languedoc qui les ont éradiqués d'abord pacifiquement, puis militairement à l'aide de nobles venus du Nord.
- l'Inquisition n'est en fait pas un bloc. Mais il faut en retenir que ses victimes furent en nombre infime, et que le fonctionnement de sa justice présentait d'énorme garanties pour la personne jugée. Enfin, son action répondait aux aspirations d'unité religieuse du peuple d'alors.
- les guerres de religion du XVI°S sont le contre-coup de la faiblesse du pouvoir royal. Les protestants n'ont rien d'une minorité persécutée : les clans catholiques et huguenots sont tout aussi intolérants et violents l'un que l'autre. Rien d'étonnant, à une époque ou l'unité spirituelle était la norme. Mais c'est l'Etat et le petit peuple qui en furent victimes.
- la monarchie dite "absolue" des XVII°-XVIII°S. l'était bien moins que l'administration française actuelle, car le Français d'alors étaient protégés par de nombreux filtres (nobles, parlements, coutumes, privilèges, dialectes et religion) de l'arbitraire de l'administration royale. Les tentatives de réformes furent nombreuses mais toujours bloquées par les privilégiés, qu'ils ne faut pas confondre avec le pouvoir royal.
- les idées des Lumières sont en fait multiformes et parfois contradictoires : le racisme, la justification de l'esclavage, le mépris du peuple et l'intolérance religieuse ne sont pas exempts des textes de Diderot, Montesquieu et même du grand Voltaire !
- la décennie de Révolution française (1789-99) a été marquée par la violation continue des droits de l'homme qu'elle a pourtant proclamée, utilisant la violence sans vergogne : guerre contre l'Europe dès 1789, massacres ethniques (Chouans) et politiques ("suspects"), corruption, politique anti-religieuse, justice expéditive, coups d'Etat, enrôlements de force, régicide : La terreur de 1793 n'est pas une exception, elle confirme la règle...
- rappelons que la Commune de Paris en 1871 ne fut qu'un sursaut d'extrême gauche avant tout dirigé contre le pouvoir central de droite élu par le peuple ; ces lois sont directement inspirées de la Terreur de 1793.
- la législation sociale française du XIX°S est rarement issue des Républicains, qui ne furent d'ailleurs pas souvent au pouvoir à cette époque, et qui n'étaient de toute façon pas sensibles aux questions sociales : le catholicisme social militant fut minoritaire, mais aussi agissant que le socialisme. Il préférait le paternalisme plutôt que la stérile et dogmatique "lutte des classes" pour faire avancer les choses. Nous avons hérité de cette époque la culture (unique dans l'Europe) du conflit syndicats-patronat.
Vous l'aurez compris, les mythes et tabous sont lestement démontés par Sevillia. Son unique but n'est que de rétablir la vérité historique, sans passion, avec une plume fluide. Certes, ce livre n'est pas exhaustif. Mais la sonnette d'alarme est tirée : attention aux flics de la "pensée unique" : leur passé est également à sens unique!
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