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Islam et judéo-christianisme

ellul

Livres Essais

Eric Conan
PUF
112 P.

Toute sa vie, Jacques Ellul, disparu il y a 10 ans, aura professé l'anticonformisme. Juriste, historien, théologien, ce protestant peu sensible aux honneurs s'est rarement trompé. Allergique dès les années 30 au marxisme, qu'il connaissait bien, persécuté sous Vichy, « Juste parmi les nations » pour avoir sauvé des familles juives, il fut, dès les années 1950, l'un des critiques les plus pénétrants du progrès technique et l'un des inspirateurs de la préoccupation écologique. ATTAC lui a emprunté son slogan « penser global, agir local » - et Noel Mamère et José Bové en ont fait leur maître, au point, pour ce dernier, de qualifier la casse du Mc Donald's de Millau d'acte « ellulien ». Le nouvel ami de Tariq Ramadan va donc tomber des nues en lisant le dernier texte, écrit peu avant sa mort, en 1994, par un Ellul inquiet de l' « amour immodéré pour l'islam » qu'il sentait croître dans les milieux intellectuels et chrétiens.
Car ce critique impitoyable tant de la Raison occidentale que des institutions ecclésiales se gardait de la haine de soi et du relativisme culturel. Il ne comprenait pas la montée d'un discours démagogique sur le Coran au sein même des Eglises. Un discours sur l'équivalence : même dieu, mêmes valeurs, même salut. C'est en théologien, très bon connaisseur de l'islam, qu'il réagit dans ce lumineux texte qui dénonce « une réécriture de l'Histoire entièrement favorable aux peuples musulmans » et la fausseté d'expressions telles que « nous sommes tous des fils d'Abraham », « les religions du livre », « un imam, un rabbin et un prêtre partagent le même credo », « L'Europe a des racines autant musulmanes que chrétiennes », etc.
Jacques Ellul montre qu'il s'agit d'un œcuménisme à sens unique – l'islam défend la « fixité » de ses dogmes, y compris les moins sympathiques (le mépris pour le non-musulman), tandis que ceux du judéo-christianisme n'ont céssé d'évoluer – qui fait ‘impasse sur l'opposition entre « la promesse et l'ouverture de liberté » des Testaments, débouchant sur les droits de l'Homme, et la « contrainte et le définitif » du Coran, qui enlisent les pays à domination islamique.

L'Express 31/05/04