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L'Antechrist

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Livres Essais

Friedrich Nietzsche
1888
90 p.

Je crois qu'il faut commencer par un avertissement : « L'Antechrist » est un livre de philosophie et c'est toujours difficile de lire un livre isolé d'un philosophe surtout quand il s'agit de Nietzsche. Maintenant, je ne crois pas non plus qu'il faut BAC+35 pour ouvrir un livre, quel qu'il soit, pour autant qu'on ait un peu d'ouverture d'esprit et de curiosité. En plus, ce livre me paraît essentiel pour tout ceux qui mènent le combat (intellectuel évidemment) contre le christianisme.

Je ne suis pas un spécialiste de Nietzsche et je n'ai aucune idée de la place du livre dans son oeuvre. Alors, j'écris ce que j'ai compris et je vous invite à lire le livre par vous-même.

Il faut également signaler que la réputation de Nietzsche a beaucoup souffert du fait des nazis qui se l'étaient approprié sans vergogne et sans hésiter à détourner sa pensée. Ils ont bénéficié d'une aide précieuse dans la propre sœur de Nietzsche qui partageait leurs idées. Le phénomène est d'autant plus curieux que Nietzsche n'a pas de mots assez durs contre le nationalisme allemand et l'antisémitisme. Donc, si après avoir lu L'Antechrist , vous avez envie d'envahir la Pologne, vous avez raté un truc.

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Pour Nietzsche, le christianisme est une catastrophe parce que la vertu chrétienne est basée sur la faiblesse, la pitié et tout ce qui est bas dans l'homme. De ce fait, elle est contre-nature et opposée à la vie. Pour vivre et faire évoluer l'humanité, l'homme doit tendre vers la puissance mais le christianisme le maintient dans la fange parce qu'il donne la priorité aux plus faibles. Plutôt que de chercher le sentiment vital, les théologies se sont réfugiées dans un monde idéal et sans vie.

Pour mieux cerner le phénomène, Nietzsche remonte aux sources du christianisme et notamment à la figure de Jésus. Selon lui, Jésus n'est pas responsable du carnage parce qu'il n'est ni un héros ni un génie. C'était un homme bon, totalement exempt de dogmatisme et qui n'a rien à voir avec le concept de faute qui plaît tant aux Chrétiens. Le fameux Royaume des Cieux était juste une manière de vivre sa vie, c'est-à-dire sur terre, en soi, et pas dans un au-delà hypothétique.

Les successeurs du Christ, les apôtres, n'ont rien compris à sa pensée à cause de leur étroitesse d'esprit. Alors que le Christ s'opposait au mal, les apôtres ont vu dans sa mort un motif de vengeance contre le judaïsme et l'ordre social (Nietzsche utilise le terme français de ressentiment). Il suffit de voir avec quelle haine les évangiles attaquent les pharisiens. Alors que le Christ cherchait juste à donner l'exemple, sans aucune prétention à sauver qui que ce soit, les apôtres en ont fait une doctrine dogmatique dans un but de domination. Ils ont fait du Royaume des Cieux une espèce de tribunal supra-terrestre pour juger les hommes. Au final, le seul vrai chrétien est celui qui est mort sur la croix.

Le pire de tous, Paul, termina le travail avec le concept de l'immortalité de l'âme en imposant à l'homme l'obéissance terrestre par une récompense dans l'au-delà. C'est lui également qui a ouvert la voie aux prêtres. En mettant la « vraie » vie dans l'au-delà, les chrétiens ont tué le sentiment vital chez l'homme.

Le pire ennemi des prêtres est la connaissance. Pour la vaincre, ils doivent faire reculer le scepticisme (source de progrès) et enchaîner leurs victimes (les faibles) dans des convictions. Ils en ont créé trois : foi, amour et espérance. Grâce aux bons sentiments et aux exemples des martyrs, ils maintiennent l'homme dans une idée continue de malheur et de souffrance. Ils doivent l'empêcher de penser et de voir les vraies valeurs du christianisme : la haine de la vie et la vengeance.

La doctrine nihiliste et hostile à la vie des Chrétiens s'imposa malgré tout. C'est parce que le monde antique était exténué et qu'il s'était enlisé dans un besoin morbide de souffrance, opposé à tous les instincts de vie. Après sa victoire, le christianisme a perduré parce qu'il a empêché l'élimination naturelle des faibles et que les forces de vie, que les prêtres appellent infernales, ne peuvent pas s'exprimer. En laissant le pouvoir aux faibles, il a lancé l'humanité vers la décadence. Il a même réussi à entraîner l'Islam dans sa chute.

Pourtant, l'histoire a montré qu'il aurait pu disparaître. A la Renaissance, les forces de vie ont rongé le christianisme médiéval de l'intérieur et laissait entrevoir que la connaissance allait triompher de l'obscurantisme. Mais c'était sans compter sur Luther et le protestantisme.

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L'Antechrist fait partie des derniers livres de Nietzsche avant qu'il ne sombre dans la folie. Il a été écrit en 1888 et publié en 1895.

C'est un livre étonnant parce que non seulement il attaque le christianisme sur une base philosophique mais il fait preuve d'une virulence contre les Chrétiens, qui ferait rougir un groupe de black metal. Contrairement aux autres ouvrages de Nietzsche, « L'Antechrist » semble suivre un plan mais de manière assez large ce qui fait qu'on peut tout aussi bien le lire comme un texte complet que comme une juxtaposition d'idées.

Laissons le mot de la fin à l'auteur : « J'appelle le christianisme l'unique grande calamité, l'unique grande perversion intérieure, l'unique grand instinct de haine qui ne trouve pas de moyen assez venimeux, assez clandestin, assez souterrain, assez petit — je l'appelle l'unique et l'immortelle flétrissure de l'humanité... »

Tryphoninus