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La Conduite de la Guerre

La Conduite de la Guerre, William Langewiesche, 2006

Livres Essais

William Langewiesche
110 pages
2006

William Langewiesche est ce qu'on appelle un grand reporter, c'est-à-dire un journaliste sur le terrain, notamment dans les zones de guerres. «  La Conduite de la Guerre » traite justement des opérations américaines en Irak et mène le journaliste à s'interroger sur la stratégie américaine face aux insurgés.

Sa reflexion part d'un « fait divers » sur le front. A Haditha en 2005, le dernier véhicule blindé d'un convoi américain de ravitaillement saute sur une mine artisanale, déclenchée à distance. Le chauffeur, Miguel Terrazas, 20 ans, est tué sur le coup. Les deux autres occupants sont blessés. Le reste du convoi, une dizaine de marines commandés par un sergent de 25 ans, appelle des renforts puis s'enfonce dans les maisons alentour à la recherche des rebelles. Ils vont tuer 24 personnes, essentiellement des personnes âgées, des femmes et des enfants.

Les faits donnèrent lieu à une enquête interne qui mena à l'inculpation de plusieurs des hommes ainsi qu'à la mutation d'officiers, qui avaient dans un premier essayé de couvrir leurs hommes. Pourtant, pour Langewiesche, ce n'est pas la fin de l'histoire mais son commencement. Une partie des marines concernés s'étaient battus à Falloujah en 2004 et s'y étaient même illustrés. Alors pourquoi ces soldats ont été pris de folie meurtrière?

Les raisons principales sont connues: les Américains doivent se battre contre un ennemi sans visage, sans armée. Il n'y a pas de vrais combats mais simplement une vie routinière dans un camp retranché en attendant l'embuscade lors du ravitaillement ou d'une patrouille. Il y a aussi la population, où parmi les innocents, se cachent des insurgés. Mais en pratique la distinction n'est pas si simple et chaque nouvelle bavure augmente l'hostilité générale vis-à-vis des Américains.

En conclusion, l'armée américaine est en train de faire la dure expérience de la guerre contre la guérilla. Pourtant, ce type d'engagement n'est pas nouveau. L'auteur parle de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale ou des Afghans contre les Russes en 1980 mais on en trouve des traces beaucoup plus vieilles que ce soit la résistance espagnole à Napoléon ou même à l'époque romaine.

Et c'est justement l'argument de Langewiesche : c'est la conduite de la guerre par l'armée qui est responsable de l'enlisement et au final des massacres de civils. Les troupes sur le terrain ont été formées aux formes traditionnelles de combat mais pas à la guerre insurrectionnelle.

Cela a eu pour conséquence immédiate de froisser la population locale. Dès leur arrivée, les Américains ont commis, sans même s'en rendre compte, des affronts graves vis-à-vis de la culture locale et se sont aliénés une partie grandissante de la population. L'armée a bien essayé de réagir en informant ses soldats que tous les Irakiens ne sont pas des terroristes et qu'il faut être « poli » avec la population, le mal est fait et surtout, ces commandements sont impossibles à appliquer sur le terrain et la situation se dégrade de plus en plus.

Deuxième problème: l'armée américaine doit pour protéger son image dans une guerre largement controversée dans l'opinion publique américaine, éviter de présenter des pertes trop lourdes. Alors, les soldats sont retranchés dans des camps fortifiés et c'est la technologie qui fait tout. On en arrive à la situation où pour éliminer un homme en arme caché dans une palmeraie, l'armée préfère lancer un missile depuis un avion.

Langewiesche en conclut que l'armée américaine s'est enlisée dans un guerre qui sera sans fin à moins qu'elle ne parvienne à adapter sa stratégie à son adversaire. Mais cela demande un investissement en temps et certainement en vie humaines américaines considérable. Tant que ce ne sera pas le cas, de nouveaux civils vont mourir dont les proches iront grossir les rangs des rebelles. Mais depuis, une partie des troupes américaines a été rapatriée.

Le livre a été publié aux Editions Allia et est disponible pour la modique somme de trois euros.

Tryphoninus