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Le satanisme et la magie

Livres Essais

Voici deux synthèses tirées du livre " LE SATANISME ET LA MAGIE " (par Jules Blois,
Editions Jean de Bonnot) qu'ils m'a parue intéressante de vous livrer, à vous, chers lecteurs amateurs d'histoire et d'occultisme...

L'excuse criminelle et scientifique du Sabbat

Les anciens sorciers furent les anarchistes du passé. Eux aussi détestaient le prêtre, le roi le riche. Eux aussi préparaient en ces occultes cérémonies les bombes des maléfices. Ils empoisonnaient surtout, détruisaient cependant avec plus d'ampleur, savaient répandre dans les campagnes la poudre qui tue les moissons, ensevelir sous les érables la charge magique dont les troupeaux dépérissent. Et ils s'en prirent surtout à la tendre race des enfants (celles qui, ne gardant pas les crapauds, a refusé l'initiation), décimèrent plus radicalement, plus religieusement que les anarchistes modernes, frappèrent la race avant tout, partout, sachant que, quoi que fasse l'homme, il sera toujours l'homme, le vil, l'égoïste, le déprédateur du patrimoine d'autrui, la honte du monde ! Cela devient pour eux un but mystique de débarrasser l'univers de cette lèpre humaine, gagnant la bonne nature, corrompant la terre faite pour être libre et qui s'avilit d'être l'esclave nourrice.

Les animaux, sur qui l'homme appesantit son joug, ne sont plus dignes du soleil. Leur abaissement mérite la mort, afin qu'un autre funeste exemple ne gagne pas les bêtes indépendantes et maudites. Les objets inanimés ne méritent guère plus de pitié. Il faut amonceler les ruines sur les ruines. La Ruine seule est belle, douloureuse, digne de Satan, habitée par ses fidèles, les parias de la société, les vagabonds et les hiboux. Les cimetières son pardonnés, à condition que la tombe opulente meure elle aussi, que les morts pauvres aient leurs coudées franches, que hors de la terre remuée, ils puissent s'évader en vampires, tuer, tuer encore même après avoir été tués, ou servir à l'œuvre meurtrière par leurs os mis en poudre, l'essence de leur nourriture extraite du cadavre inutile, l'offrande, au Dieu des morts, de la mort exaltée jusqu'à l'assassinat.

L'anarchiste confus et intraitable se doublait aussi d'un savant superstitieux et trouble.

Qui sait si, en un coin du sabbat, loin du ménétrier, loin de la foule funéraire, beuglante, dansante, banquetante, quelque Agrippa, quelque Paracelse, mêlés à des grands seigneurs attentifs, épeurés sous leurs masques, ne profitait pas de ce spectacle inouï pour rénover la science, devancer nos découvertes, même les plus futures ? Les sorciers voyageant dans les airs, c'est la direction des ballons trouvée par le Diable. En tout cas il est bien l'inventeur du parapluie: "Haut le coude, Quillet," disait la voyageuse mouillée par l'ondée, et le démon galant allongeait sur cette tête chère l'ombrelle de sa queue, parodie su dais.

Qui sait si ce branle cosmique, faisant communier aux mêmes forces des organismes divers, ne trahissait pas, sous le manteau comme dilué des apparences, l'identique et naturelle extraction ? La lente évolution des espèces apparaissait à ces précurseurs de Darwin, leur involution aussi, l'origine de l'homme en l'animal, le retour de l'homme vers cet animal qu'il fut et dont il conserva en les affinant les instincts ?

A la fumée des chaudières et bassins qui débordent de crapauds et de mandragores, Paracelse prophétisa la chimie au-delà de la nôtre, celle qui, secourue d'une physique encore inexplorée, fixera le rôle des forces cosmiques et vitales dans l'élaboration des éléments. Qui sait si ces obscurs poisons manigancés par les sorciers ne lui suggérèrent déjà les découvertes de Pasteur ? Si Brown-Séquard dans les obscénités sabbatiques ne s'annonçait point ? La thaumaturgie savante des siècles prochains surgissait en lueur fauve dans les atrocités et les démences. Satan fut peut-être le père douloureux et maudit d'un avenir de matériel bonheur.

Là gît le grand mystère, mystère d'où naissent la chirurgie, l'anatomie, la médecine des simples, et la médecine chimique, la science bienfaisante et redoutable des poisons (Car le Diable ne protège pas que les animaux et les gens décriés, mais aussi les plantes maudites, celles qui rendent fou, tuent et sauvent à la fois, selon les doses. Nos ordonnances déjà !). Mystère de la sorcellerie qui fait se coaliser contre elle tous les pouvoirs constitués: le roi, le pape, l'inquisiteur, le juge, le savant retardataire et officiel, le seigneur ou quiconque possède matériellement, moralement. Elle choque à la fois leur ignorance pudibonde, et leur culte du despotisme et de la servitude. Elle est l'éternelle ennemie de l'homme médiocre et gras qui a machiné sa destinée, a consolidé son lourd séant sur le cousin de la misère universelle, rit, boit, mange, crache, vomit, éclate d'obésité huileuse. Mais le coussin se hérisse en venimeuses têtes, les vieux membres des pauvres se révulsent et s'épointent en bois de justice. La sorcellerie ou l'anarchie ferment sous le triomphe grossier, et la lâcheté outrecuidante s'écroule tout d'un coup cul par-dessus tête parce que le coussin a fui, la chaise a sauté comme un cabri, le fluide de colère électrisa l'élément en sommeil. Satan est le grand révolutionnaire, le transformateur obstiné de la création.

Penta Bouc

SECTES SATANIQUES

Pendant le XV siècle, les sociétés sataniques se multiplièrent en France, ou plutôt par toute l'Europe, d'une manière prodigieuse. L'ordonnance de 1490 contre les magiciens, par suite de laquelle le prévôt de Paris en rendit lui-même une seconde avec un grand appareil en 1493, fit découvrir la profondeur de la plaie dans la capitale même de la France et dans les lieux de son ressort, car la zèle des délateurs ayant été excités par la promesse du quart des amendes, il arriva de tous côtés des révélations et des preuves convaincantes. Les officiers de la justice n'osèrent plus tolérer les abus par crainte de paraître de connivence. Les personnes étrangères aux désordres, mais qui les connaissaient, n'osèrent plus se taire par crainte de passer pour complices. Aussi les magistrats accomplirent pendant ce siècle et le suivant la plus épouvantable besogne qui se soit jamais vue.

Une lettre du pape Pie II au clergé du diocèse de Tréguier, à la date de 1459, prouve que la Bretagne était alors universellement infestée. "Il est parvenu à notre connaissance, dit le souverain pontife, que la plupart des habitants du duché de Bretagne se sont laissé surprendre aux séductions du démon. Il y a dans cette province, ajoute-t-il, une multitude de personnes qui se mêlent d'annoncer l'avenir, de guérir les maladies par la puissance des enchantements, ou de les faire naître. Non contentes d'exercer un tel métier, et de se livrer aux actions les plus répréhensibles, elles imposent à tout le monde le célibat, comme d'une nécessité absolue pour le salut." Ces paroles révélatrices nous font voir là ces mêmes gnostiques, qui existèrent dès les premiers âges du christianisme et en opposition avec lui. Et l'existence si répandue et probablement plus ancienne du gnosticisme en Bretagne y explique la présence des cacouacs: on y appela ainsi les cagnards et les autres membres des races maudites.

Le mal était venu en France par l'Italie, ou du moins c'était l'Italie qui l'entretenait et le ravivait. Les districts de Cômes, de Bergame, et de Brescia étaient infestaient au plus haut degré. C'était bien en effet des gnostiques, que ces magiciens auxquels le pape Léon X reprochait par la bulle Honestis les crimes de renonciation à Dieu, au chrême et au baptême, l'immolation de sensible, les maléfices et les sortilèges de toutes sorte. Lorsque Bernard de Retegno, envoyé comme inquisiteur en 1505 dans ces provinces par le pape Jules II, y eut établi son tribunal, il constata que les poursuites duraient déjà depuis plus d'un siècle et demi, sans avoir apporté remède au mal. Et le mal y était si grand, dit Spina, que l'inquisiteur et ses six vicaires eurent à faire le procès à plus de mille personnes par année, et en livrèrent plusieurs centaines aussi chaque année au bras séculier. Or il ne faut jamais perdre de vue que les inquisiteurs ne livraient au bras séculier que ceux des accusés qui avaient commis des crimes prévus par les lois civiles et qui se montraient incorrigibles, et qu'ils ne faisaient le procès qu'à ceux des pécheurs qui n'avaient pas profité des quarante jours de grâce pour prendre un billet secret d'indulgence et de rémission, ou qui en avaient abusé.

A ces grandes et universelles douleurs, la levée de boucliers des réformateurs vint adjoindre des maux les plus grands encore. La réforme était une idée qui courait dans l'atmosphère et qu'on respirait avec l'air, un mot qui se trouvait dans toutes les bouches, soit à bonne ou à mauvaise intention, mais enfin dans toutes les bouches. Réformer quoi donc ? Réformer l'Eglise dans son chef et dans ses membres, suivant le langage convenu, c'est-à-dire tout le monde, depuis le pape jusqu'au décroteur du village, par tout l'univers. Certes l'entreprise était grande, et d'autant plus difficile, que tout le monde voulait être réformateur, sans que personne voulût être réformé. Mais quoi encore: le dogme chrétien ? Toute réforme à cet égard était, est et sera toujours impossible, la moindre réforme l'anéantirait. Du moment qu'il serait réformable en un seul point, ce ne serait plus un dogme divin, mais un dogme humain, et dès lors ce ne serait plus le christianisme. Veuille ou non la superbe raison, pour peu qu'elle fasse brèche au dogme, il ne lui reste plus que des scories. Réformer les mœurs ? Il y avait ample matière, mais c'est justement ce que chacun demandait pour autrui.

Une question secondaire, celle de l'abus des indulgences, soulevée par l'ambition froissée d'un moine qui n'avait pas été chargé de prêcher les nouvelles qu'on produisait alors, fit éclater la mine. Ce fut une traînée de poudre qui s'embrasa en serpentant sur la face de l'Europe à partir de l'an 1518.

Et qu'on ne croie pas que le protestantisme émancipa l'humanité et vint la soustraire à la tutelle de Satan: c'est le contraire; qu'il réforma les mœurs en faisant disparaître les pratiques sataniques: c'est le contraire; qu'il supprima les procès pour cause de sorcellerie, qu'il régularisa les formes, adoucit la jurisprudence: c'est le contraire ! c'est le contraire! Jamais on ne s'occupa autant de Satan dans le protestantisme à ses débuts. Jamais la justice ne fut plus impitoyable, plus acharnée, plus brutale.

Et d'abord, Luther, le premier, mit Satan en relief. Tout ce qui s'opposait à sa manière si changeante de voir, était diabolique. Tous ses adversaires étaient des suppôts du diable. Il dit que le diable avait étouffé OEcolampade, ce qui scandalisa fort les Suisses. En 1533, il publia sa Conférence avec le diable au sujet de la messe.

Satan sortit donc des enfers, évoqué par le protestantisme, et tout fut proclamé satanique dans l'antique foi du chrétien: la messe et les sacrements, les cérémonies et la liturgie, les images et les saints, la hiérarchie céleste et terrestre, les livres, la théologie, tout enfin. Depuis le pape et les cardinaux, jusqu'aux donneurs d'eau bénite des églises, l'eau bénite elle-même et l'aspersoir, tout devint suppôt du diable et diabolique.

Les procès pour cause de sorcellerie ne tombèrent donc pas en désuétude dans l'église raisonneuse et émancipée. Loin ce là, animée d'une haine toute jeune et vigoureuse contre l'Eglise catholique et contre Satan, elle s'arma du glaive à deux tranchants, et fit une bien autre besogne que l'Inquisition. Nous en verrons tout à l'heure les preuves. L'inquisition ecclésiastique fut relevée par une inquisition laïque de juges séculiers, beaucoup plus âpres à la curée des sorciers. Et si quelqu'un y gagna, ce fut Satan, car son nom fut ainsi préservé de l'oubli, et des hécatombes de victimes humaines lui furent immolées.

Disons maintenant ce qu'étaient les pires réformateurs, les anabaptistes. Véritables suppôts de Satan, et gnostiques, atteints au plus haut degré de l'imprégnation démoniaque, il n'y avait plus pour eux ni raison ni raisonnement, ni sens ni pudeur, ni frein ni discernement. On en vit des troupes affecter les plus honteuses nudités, en faire ostentation, des bandes, des villages pratiquer comme moyen de salut la promiscuité bestiale, des corps entiers mêler du sang humain à leur breuvage, pour s'exciter par un pacte commun à l'extermination de tout ce qui ne pensait pas comme eux. Extermination, liberté de tout dire et de tout faire, communauté de tous biens et de toutes personnes, et le ciel pour récompense, telle était leur foi, leur morale, leur but.

Mais ces gens étaient-ils des brigands ? Nullement.. . . .

. . Lorsqu'il s'agissait de combattre ces excès les armes à la main, le devoir était tracé et le discernement facile. Lorsqu'il s'agissait de les réprimer judiciairement, c'était tout autre chose...
Source : "LE SATANISME ET LA MAGIE", par Jules Blois
Editions Jean de Bonnot

Kahlmah, mars 04