Poésie
Lorsque je fus couché, j'observai avec plaisir que mon lit était très large, et que des rêves n'ont pas besoin d'autant de place. Mais à peine avais-je eu le temps de faire cette réflexion qu'un sommeil irrésistible appesantit ma paupière, et tous les mensonges de la nuit s'emparèrent aussitôt de mes sens. Je les sentais égarés par de fantastiques prestiges ; ma pensée, emportée sur l'aile de désirs, malgré moi, me plaçait au milieu des sérails de l'Afrique et s'emparait des charmes renfermés dans leurs enceintes pour en composer de chimériques jouissances. Je me sentais rêver, et j'avais cependant conscience de ne point embrasser des songes. Je me perdais dans le vague des plus folles illusions, mais je me retrouvais toujours avec mes belles cousines. Je m'endormais sur leur sein, je me réveillais dans leurs bras. J'ignore combien de fois j'ai cru ressentir ces douces alternatives.
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Où trouverais-je des termes pour exprimer l'horreur dont je fus alors saisi ? J'étais couché sous le gibet de Los Hermanos. Les cadavres des deux frères de Zoto n'étaient point pendus, ils étaient couchés à mes côtés. J'avais apparemment passé la nuit avec eux. Je reposais sur des morceaux de cordes, de débris, de roues, des restes de carcasses humaines, et sur les affreux haillons que la pourriture en avait détachés.
Je crus encore n'être pas bien éveillé et faire un rêve pénible. Je refermai les yeux et cherchai dans ma mémoire où j'avais été la veille... Alors je sentis que des griffes s'enfonçaient dans mes flancs. Je vis qu'un vautour s'était perché sur moi et dévorait un des compagnons de ma couche. La douleur que me causait l'impression de ses serres acheva de me réveiller. Je vis que mes habits étaient près de moi et je me hâtai de les mettre. Lorsque je fus habillé, je voulus sortir de l'enceinte du gibet, mais je trouvai la porte clouée et j'essayai en vain de la rompre.