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Dieu et Nous seuls pouvons

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Romans, Nouvelles & Théâtre

Michel Folco
1991
+/- 300 p.

Été 1683, Raoul Boutefeux, Seigneur de Bellerocaille, dans l'Aveyron, doit faire face à un délicat problème. Pierre Galine, maître queux de son état, s'est rendu coupable d'un crime particulièrement violent. Il a certes été arrêté et condamné à mort rapidement mais, et c'est tout le problème, il n'y a personne pour l'exécuter. Les bourreaux des autres villes ne sont pas disponibles et personne dans le bourg, malgré la forte prime, n'est volontaire. C'est que les bourreaux souffrent d'un préjugé très défavorable (on les croit vaguement liés avec le diable) qui fait qu'ils sont détestés autant qu'ils sont craints.

Heureusement, le tourmenteur local a une idée et présente au Seigneur de Bellerocaille une prisonnier prêt à se charger de l'exécution de la sentence en échange de sa grâce. L'exécuteur d'un jour s'appelle Justinien Pibrac. Il a 20 ans et s'est fait capturer en même temps qu'une bande de brigands. Dans le doute, le juge lui a infligé 20 ans de galère. Mais Justinien affiche deux traits assez étonnants pour l'époque : il n'a pas de nez, arraché à la naissance et il sait lire. Commence alors l'apprentissage de ses nouvelles fonctions qui pourraient s'avérer moins temporaires que prévu.

Mai 1901. Hippolyte Pibrac est le dernier des Pibrac à avoir exercé la fonction d'exécuteur des hautes Ĺ“uvres : un décret de 1870 a concentré cette charge dans les mains du bourreau de Paris. Il affiche soixante bien sonnés mais il est encore vert et n'hésite pas à effrayer ses concitoyens par ses prétendues accointances avec le diable. Il vit dans la vaste demeure familiale avec Casimir son ancien valet d'échafaud en attendant des jours meilleurs (entendez l'abolition du décret qui l'empêche d'exercer). Il a deux fils, Léon qui a honte de lui et Henri qui veut s'installer en Californie avec sa famille.

Sur le chemin du départ, Henri et sa famille sont attaqués par des brigands sans scrupule. Toute la famille succombe à l'exception de Saturnin, cinq ans. Hippolyte et Casimir décident de retrouver eux-mêmes les criminels et comme les deux compères peuvent s'appuyer sur une expérience de sept générations dans la criminalité, ils vont mener l'affaire rondement. Reste ensuite à s'occuper de l'éducation de Saturnin.

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Comme vous l'aurez compris, « Dieu et nous seuls pouvons » vous offre deux histoires pour le prix d'une.

La première histoire nous plonge directement sous le règne de Louis XIV non pas à la Cour mais en province, imprégnée bien plus par la violence que par le bel esprit. L'auteur semble bien connaître la période en question et contrairement à d'autres romans d'aventure historiques, l'arrière-plan historique est bien plus qu'un simple décor destiné à créer un certain exotisme. C'est au contraire une partie intégrante de l'histoire.

Vient ensuite l'humour, noir évidemment. Dans une époque violente, l'humour doit être violent et ça commence dès les premières pages avec le forfait de Galine et se termine avec les péripéties rocambolesques de Justinien pour le détacher de sa potence.

C'est juste un peu dommage de devoir refermer les aventures du premier Pibrac après seulement 150 pages au moment où on a l'impression que l'histoire ne fait que commencer, preuve que le livre se lit sans peine. Si le genre vous intéresse, Michel Folco a écrit d'autres romans qui se passent dans une ambiance similaire mais un peu plus tard. (« Un loup est un loup » et « En avant comme en avant » par exemple).

La seconde histoire nous ramène au tout début du XXe Siècle. Ici également, on retrouve l'étrange alliage entre humour noir et précision historique. On retiendra la figure des deux vieillards, haute en couleur. Michel Folco a aussi pris soin d'ajouter comme personnages secondaires les descendants des personnages secondaires de la première histoire.

« Dieu et Nous seuls pouvons » est disponible chez Seuil et chez Points (P301). Pour être complet, signalons également que la première histoire a fait l'objet en 1993 d'une adaptation cinématographique (« Le Bâtard de Dieu ») par Christian Fechner

Tryphoninus