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Fahrenheit 451

Romans, Nouvelles & Théâtre

Ray Bradbury
1953
200 p.

Fahrenheit 451 est la température à laquelle le papier brûle. C'est le signe des pompiers du futur parce que leur mission n'est plus d'éteindre les incendies (les maisons sont ignifugées) mais de détruire les livres et les maisons où des livres ont été cachés. En effet, dans le futur, les livres sont interdits. Ils sont interdits parce qu'ils forcent les gens à réfléchir et donc les rendent malheureux.

Mais l'obligation n'est pas vraiment nécessaire dans les faits parce que le citoyen moyen n'a aucune envie de lire : en cinquante ans, la culture de masse a détruit toute forme de curiosité. Le but de la vie est d'économiser suffisamment pour couvrir les murs de sa maison d'écrans de télévision où passent des émissions insipides. Il y a bien une guerre qui couve au loin mais les gens n'y pensent pas.

Guy Montag est l'un de ces pompiers. Il est heureux dans son travail mais deux rencontres vont le faire douter. Une jeune fille tout d'abord qui lui pose des questions sur le monde qui l'entoure lui fait comprendre que sa propre femme a été complètement vidée de toute forme de vie consciente. Ensuite, au cours d'une mission, une vieille femme refuse de sortir de la maison enflammée par les pompiers. Impressionné par son courage, il se demande si un livre vaut la peine de se sacrifier.

Dans un mouvement irréfléchi, il vole un livre...

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Ray Bradbury est l'un des auteurs de science-fiction les plus connus. On sait moins qu'il a écrit le scénario cinéma de Moby Dick (de John Huston) et qu'il a écrit pour des émissions télé comme la « Quatrième Dimension » par exemple. Avec les « Chroniques Martiennes », « Fahrenheit 451 » constitue son roman le plus célèbre.

Il y a énormément de choses à dire sur ce livre, écrit en 1953 et qui prédit un monde cruellement proche du notre. Personnellement, j'ai préféré m'en tenir à deux thèmes : le censure et la mémoire. Chacun est libre d'en trouver d'autres.

Sur la censure, Ray Bradbury défend l'idée que la pire censure n'est pas celle imposée par les autorités mais au contraire celle qui vient des auteurs eux-mêmes. Le point de départ vient des minorités : pour ne vexer personne, l'auteur se met lui-même des freins : « N'allons surtout pas marcher sur les pieds des amis des chiens, amis des chats, docteurs avocats, commerçants, patrons, mormons, baptistes, unitariens, Chinois de la seconde génération, Suédois, Italiens, Allemands, Texans, habitants de Brooklyn, Irlandais, natifs de l'Oregon ou de Mexico » (trad. J. Chambon et H. Robillot). Il en résulte un consensualisme mou qui mène à la négation de toute culture. Ray Bradbury a développé ses idées dans un texte de 1979, « Il y a plus d'une façon de brûler un livre » (qui est joint au texte dans les éditions Denoël).

Sur la mémoire, Ray Bradbury décrit un monde où la vie est figée. Il n'y a pas de passé : tout de qui est mort disparaît immédiatement et les gens l'oublient tout aussi vite pour ne pas être malheureux. Cela signifie que rien ne passe d'une génération à l'autre. Il n'y a pas d'avenir non plus : la vie sera toujours la même, fade mais sans réel danger. Donc la seule connaissance admise est la connaissance purement technique : monter soi-même son téléviseur ou conduire une voiture.

Le livre a le mérite de forcer le lecteur à jeter un regard neuf sur le monde qui l'entoure et sur certains éléments de la vie quotidienne : pourquoi y a-t-il sept ou huit magasins de fringues pour une seule librairie ou un seul disquaire ? Pourquoi les séries télé sont presque toujours des séries policières ? etc.

« Fahrenheit 451 » est assez facile à trouver dans n'importe quelle librairie (tant qu'il en reste). Il est publié chez Denoël (Présence du Futur, n° 8) ou chez Folio par exemple.

Signalons enfin que le livre a fait l'objet d'une adaptation cinématographique de François Truffaut en 1978 ( cf. chroniquée sous Science-Fiction - Epouvante ).

Tryphoninus