La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

La Plus Grande Pente

La Plus Grande Pente, G. Arnaud, 1968

Romans, Nouvelles & Théâtre

Georges Arnaud
1961
190 pages

Evitons d'emblée les méprises. On ne parle pas ici de Georges Jean Arnaud ( L'Enfer du Décor , La Compagnie des Glaces , etc.), mais bien de Georges Arnaud, celui qui a écrit Le Salaire de la Peur . C'est important parce que le livre, en tout cas la plupart des nouvelles qui le composent, se place exactement dans la lignée du Salaire de la Peur avec ces Européens paumés en Amérique du Sud dans les années 50, qui ne savent même plus pourquoi ils sont là mais qui n'ont pas assez d'argent pour s'acheter un billet retour.

La nouvelle qui donne le titre au recueil est la plus longue (la moitié du livre) et certainement la plus intéressante. Elle a pour cadre la route qui descend de Caracas (capital du Venezuela) au port le plus proche. La route, quarante kilomètres de long, virevolte entre précipice et falaise. Tous les jours, plus de 200 camions l'utilisent pour ravitailler la capitale avec les biens venus du port.

Le problème n'est pas la montée, les camions chargés à mort, vont tous à la même vitesse, c'est la descente retour vers le port qui est dangereuse. Ceux qui seront en bas le plus rapidement auront le temps de faire une deuxième livraison. Et deux livraisons par jour, c'est le minimum pour vivre. Alors dans la descente, c'est la course des camions vides, tous les jours. Une erreur et c'est le précipice.

Malgré tout, les camionneurs, des gens du monde entier, se connaissent et il y a des règles tacites entre eux pour gérer la descente. Mais tout cela va être bouleversé par un nouvel arrivant, ou plutôt, plusieurs arrivants. Des camionneurs italiens, tous anciens fascistes, qui ont réussi à fuir l'Italie, avec quarante camions flambant neufs, plus puissants que n'importe quel camion de la route de Caracas. Quand un fasciste pousse volontairement un camionneur local dans le vide, tout le monde sait que c'est un combat à mort qui s'engage.

*
* *

Comme je le disais, La Plus Grande Pente s'adresse à ceux qui ont eu l'occasion de lire (de voir)   Le Salaire de la Peur . Les héros sont de la même trempe et c'est le même cocktail d'ennui, de violence, d'alcool, de filles faciles et de désespoir qui fait le décor. Georges Arnaud est un excellent conteur et on entre de plein pied dans ce western moderne. En plus, il sait de quoi il parle parce qu'il a justement vécu en Amérique du Sud de 1947 à 1950.

Le combat entre les fascistes et les camionneurs locaux peut paraître un peu gros mais il est très bien rendu. D'un côté, il y a les camionneurs italiens organisés en convois qui bloquent la route. Derrière eux, les camionneurs locaux ont des camions pourris mais plus maniables et plus rapides.

Pour l'anecdote, quand un camionneur italien voit les fascistes, il leur fait discrètement ce qu'il appelle le malocchio, les cornes du diable introduit dans le metal par le défunt Ronnie James Dio, ce qui tend a accréditer l'origine italienne du signe.

Les autres nouvelles reprennent le même cadre mais sous un éclairage différent avec tantôt un certain humour, tantôt un sens plus critique. Plus particulièrement, la dernière nouvelle, Le Voyage-En-Ville s'étend de manière amusante et faussement naïve aux rapports entre les Blancs et les Indiens.

Le livre a été publié chez Juliard en 1961 et réédité au Livre de Poche dans les années 1970. Il n'est plus édité aujourd'hui. Du coup, il faut se tourner chez les bouquinistes. Pour les fans, on peut aussi le trouver en Omnibus mais avec les autres Ĺ“uvres de Georges Arnaud.

Tryphoninus