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La Solitude du Coureur de Fond

Alan Silitoe, La Solitude du Coureur de Fond, 1959

Romans, Nouvelles & Théâtre

Alan Sillitoe
1959
180 pages

La Solitude du Coureur de Fond est le titre d'un recueil de neuf nouvelles d'Alan Solitoe qui décrivent l'Angleterre ouvrière des années 50. Il s'agit des Midlands qui, comme son nom l'indique, représentent le centre de l'Angleterre.

C'est aussi le titre d'une des nouvelles. Son titre en anglais, The Loneliness of the long distance Runner vous dit peut-être quelque chose. Eh oui, Iron Maiden dans " Somewhere in time ". Le Coureur de fond en question, c'est Colin Smith (rien à voir avec Adrian), et il court pour un Borstal. Sans entrer dans les détails, un Borstal c'est une maison de correction pour les jeunes qui privilégie la discipline et la formatio par rapport à la repression pure et dure. Si l'idée semble intéressante sur le papier, elle l'est moins dans les faits et le régime des borstals a justement connu des problèmes avec les pratiques parfois violentes du personnel d'encadrement.

Mais revenons à Colin Smith. Ses diverses courses poursuites avec la police ont révélé en lui une vocation de coureur de fond et le borstal y a vu une possibilité de rédemption. Donc tous les matins, il s'entraîne en vue de la grande compétition où il représentera le borstal. Seul dans la campagne endormie, il pense. Certes il aime courir mais il aime aussi la jungle industrielle dont il vient. Par contre, il déteste la morale bien-pensante des autorités. Et le problème, c'est que si il gagne la course, il confortera les autorités dans cette idée.

Les autres nouvelles du recueil ont le même fonds: l'Angleterre d'après guerre dans les cités industrielles. Et le portrait n'est pas réjouissant. Pour les jeunes, c'est un travail minable et la délinquance. Pour les autres, c'est une famille à nourir, le foot et l'alcool.

La force des nouvelles tient dans leur réalisme parce que Alan Silitoe a connu cette vie et a réussi à s'en extraire par l'écriture. Chaque nouvelle est un portrait, fait de désoeuvrement, de violence et de désespoir et toujours marquée par les deux guerres mondiales. Dans Oncle Ernest , un pauvre homme inoffensif est inquiété par la police pour avoir voulu aider deux fillettes perdues. Dans le Match , la vie de la famille Lennox est étroitement liée à l'humeur du père, elle-même en prise directe avec les résultats de l'équipe de foot. Dans un samedi après midi , un enfant aide un homme à se suicider. La dernière nouvelle du recueil est une espèce de guerres des boutons, façon prolétarienne.

Dans ce recueil, il pressent la révolte de l'individu face à une société qui l'oppresse. Il préfigure en cela l'Orange Mécanique d'Antony Burgess. Au niveau metal, le livre me semble important parce que, bien plus que la référence par Maiden, il renvoie aux origines du Hard Rock. Black Sabbath et Judas Priest sont deux groupes qui viennent de ce monde. Enfants en 1959, ils sont adultes au début des années 70. On a souvent expliqué la noirceur de Black Sabbath par le fait qu'ils venaient de Birmingham (dans les Midlands), ville industrielle qui a énormément souffert de la guerre. Tony Iommi rapporte qu'à part la musique, c'était l'usine ou la prison. Il a perdu quelques phalanges dans un accident de travail alors qu'il travaillait à l'usine. Judas Priest vient aussi de Birmingham. D'ailleurs dans Made in Hell (album " Resurrection "), Rob Halford raconte les débuts du metal:

From memories of 68 when the wizard shook the world
Metal came from foundries where the midlands sound unfurled
The bullring was a lonely place of concrete towers and steel
The coal mines and the industries were all I had to feel

Something inside took hold of me, I really didn't know
But overtime it came to be, I knew which way to go
I drove around in search of what would make this all come true
From jazz and electricity and good old southern blues

Pour revenir à la nouvelle, terminons en disant qu'elle a été adaptée au cinéma en 1962.Le livre est disponible en français chez Point et chez Folio.

Tryphoninus