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Le Brave Soldat Chvéik

Les Dernières Aventures du Soldat Chvéik, Jaroslav Hasek

Romans, Nouvelles & Théâtre

Jaroslav Hasek
1921 - 1923
Trois volumes

Les aventures du Brave Soldat Chvéïk commencent à Prague en juillet 1914 à l'annonce de l'assassinat de l'archiduc Ferdinand, qui sera le début de la Première Guerre Mondiale. Josef Chvéïk est alors vendeur de chiens à Prague, c'est-à-dire qu'il est sujet du vaste mais déclinant empire austro-hongrois.

Toute la complexité de la personnalité de Chvéïk peut cependant se résumer en une phrase du lieutenant Lucas : « Je me suis toujours demandé si vous faites semblant d'être con ou si vous êtes né con ». Effectivement, au premier abord, Chvéïk n'est pas très malin. C'est pas tellement qu'il ne comprend pas ce qu'on lui dit, c'est l'inverse : il applique les ordres avec une telle bonne volonté que cela devient n'importe quoi. En plus, il est incapable de parler sans raconter une ou plusieurs anecdotes.

Il semble que rien n'ait de prise sur lui et surtout pas la machinerie compliquée de la bureaucratie austro-hongroise. Chvéïk est tellement ahuri qu'il laisse pantois les mouchards, les juges, les militaires, les médecins militaires, les fonctionnaires. Il termine sa course en prison d'où il sort en tant qu'ordonnance de Katz, l'aumônier.

Katz est plus porté sur les alcools forts que le salut de l'âme de son prochain. Il perd Chvéïk au jeu et celui-ci se retrouve au service du lieutenant Lucas, une terreur pour les maris des villes de garnison où il séjourne. Après une nouvelle boulette de Chvéïk, les deux compères sont versés dans une unité combattante.

C'est le début d'une suite de pérégrinations où Chvéïk, tantôt seul, tantôt avec le lieutenant, pourra montrer toute l'étendue de son incompétence : il va notamment insulter un général en inspection, se perdre dans la campagne, se battre avec des Hongrois et, pour couronner le tout, être capturé en tant que prisonnier russe. Mais rien n'arrive à entamer sa bonne humeur et son optimisme.

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Le Brave Soldat Chvéïk est le produit de l'imagination de Jaroslav Hasek mais son succès en a fait un des héros du folklore populaire tchèque. Les aventures de Chvéïk se sont terminées en 1923 avec la mort de Hasek, avant même que Chvéïk n'atteigne le front proprement dit. Si bien qu'on ne sait pas s'il est vraiment crétin ou s'il fait semblant.

Sous ses aspects burlesques, Chvéïk incarne une certaine forme de résistance passive face à l'oppression étrangère (austro-hongroise en l'occurrence). En poussant un peu plus loin, on a aussi voulu y voir l'homme simple, proche de la terre, face à un conflit absurde qui le dépasse entièrement.

Cela se ressent jusque dans l'agencement du récit. Les péripéties de Chvéïk ne sont jamais le fait de circonstances graves ou héroïques de la première guerre mondiale, mais une suite d'incidents banals, de malentendus stupides. C'est ainsi que Chvéïk est arrêté au début du livre pour son zèle belliciste, relâché parce qu'il avoue tout de qu'on lui demande. Lorsqu'il est mobilisé, il a des problèmes parce qu'il veut se battre et il ira enfin se battre ... après avoir volé le chien de son colonel.

En plus des aventures de Chvéïk, Hasek a crée toute une galerie de portraits de personnage assez colorés. On peut citer l'aumônier Katz, qui est bourré tous les soirs et qui a oublié les éléments essentiels de son sacerdoce, à commencer par comment administrer l'extrême-onction. Puis le lieutenant Lucas, qui entre deux colères, ne peut s'empêcher de porter une certaine sympathie à Chvéïk. Il y a aussi Baloun, l'autre ordonnance qui ne pense qu'à bouffer, Dub le lieutenant qui croît toujours à la grandeur de l'Empire Austro-hongrois ou Marek, qui écrit la glorieuse histoire du bataillon à l'avance.

Il y a un autre personnage omniprésent, bien que caricaturé : l'Empire Austro-hongrois lui-même. En 1914, l'Empire est à l'agonie, rongé par les conflits de nationalités, notamment dans les Balkans. Contrairement à l'Allemagne ou la France, l'Empire (techniquement c'est un empire et un royaume), n'est soutenu que par un tiède élan patriotique et rentre dans la guerre en rangs dispersés.

Les Tchèques sont parmi les moins fiables. Ils vivent l'empire comme une occupation étrangère et ne sont pas chauds pour se battre contre les Serbes ou les Russes, slaves comme eux. Si Chvéïk montre une volonté certaine d'aller au front, ses compatriotes font tout pour être exemptés, par le biais de maladies imaginaires ou de mutilations volontaires. Le but plus ou moins avoué est d'être capturé par les Russes (Hasek d'ailleurs se battra à leurs côtés).

Pour compenser sa perte d'influence, l'Empire constitue un formidable état policier et totalitaire. Le pays est dirigé par une bureaucratie effrayante et inhumaine, digne de Kafka, rongée par l'arbitraire et la corruption. Les aventures de Chvéïk regorgent de généraux incompétents mais pistonnés qui ne comprennent rien à la situation. Leur incompétence se répercute dans la troupe où tout n'est que corruption, népotisme et copinage. Cela n'est évidemment pas sans conséquence sur le champ de batailles où l'armée impériale subit de sérieux revers.

Les Aventures du Brave Soldat Chvéïk se composent de trois volumes :
1. Le Brave Soldat Chvéïk paru chez Folio (n° 676)
2. Les Nouvelles Aventures du Brave Soldat Chvéïk paru chez Folio (n° 1663)
3. Les Dernières Aventures du Brave Soldat Chvéïk paru chez Gallimard, L'Imaginaire (n° 577)

Tryphoninus