La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Le Chat Murr

Le Chat Murr.jpg

Romans, Nouvelles & Théâtre

E.T.A. Hoffmann
1821
490 pages

Le livre contient les mémoires d'un chat, Murr, qui a appris à lire et à écrire tout seul et à l'insu de son maître. Mais Murr a oublié de retirer de son manuscrit les pages éparses d'un autre manuscrit trouvé chez son maître et qui lui ont servi de buvard. L'éditeur n'a pas fait attention non plus si bien que le récit de Murr est entrecoupé des passages d'une autre histoire, morcelée au hasard des besoins de Murr.

Dans ses mémoires, Murr raconte sa vie afin d'édifier ses lecteurs sur son parcours et lui livrer le fruit de ses méditations. On le voit successivement érudit prétentieux, amoureux transi, bourgeois philistin, membre d'une confrérie étudiante, membre d'une société de chiens mondains, etc.

L'autre histoire, que l'on découvre par bribes, est celle de Johannes Kreisler, musicien fou qui occupe les fonctions de « Kapellmeister » (que l'on peut traduire par maître de chapelle ou chef d'orchestre) auprès d'un duc allemand, Irénéus, sans plus aucun pouvoir politique mais qui tient à conserver une cour à l'étiquette rigide et désuète. Pièce par pièce, on découvre la personnalité étrange mais attachante de Kreisler, musicien exalté et dépressif très proche du romantisme.

Là où les choses se compliquent encore un peu, c'est que Murr est le chat de Maître Abraham, meilleur ami de Kreisler et également au service du Duc Irénéus. Donc, par moment les deux histoires se croisent.

La particularité essentielle du Chat Murr réside sans conteste dans sa construction où une histoire, somme toute banale, est parasitée par une autre, parcellaire mais nettement plus intéressante. C'est d'ailleurs ce côté qui donne à l'histoire de Kreisler une aura étrange mystérieuse. En effet, l'histoire de Kreisler est toujours coupée abruptement au moment où l'on s'y attend le moins : on tourne la page et on se retrouve face aux fadaises de Murr, là où on les avait laissées un chapitre auparavant.

Pour renforcer le côté énigmatique, Hoffmann ne conserve aucune cohérence entre les passages. C'est au lecteur de collecter les éléments épars du récit pour comprendre le dénouement du dernier épisode. Dénouement est d'ailleurs un bien grand mot puisque que dans l'esprit d'Hoffmann, une suite était prévue mais à la mort du vrai Murr (son chat), il a préféré laisser le récit en l'état.

Le personnage de Kreisler est présent ailleurs dans l'œuvre de Hoffmann et est souvent présenté comme son double (Hoffmann est un véritable passionné). Quant à en déduire que Kreisler pourrait être l'ancêtre du doom dépressif, je laisse à chacun le soin de se faire son idée.

A première vue, l'histoire de Murr peut paraître un peu fade mais en fait, au travers du récit pontifiant du chat, Hoffmann brocarde gentiment les milieux bourgeois bien éduqués, les aristocrates mais également les rites un peu mièvres des étudiants. Et il faut bien reconnaître que tout cela n'a pas vraiment vieilli.

Le livre n'est pas difficile à trouver. Il a été récemment réédité chez Libretto (image plus haut) mais il est également disponible chez Gallimard (collection L'Imaginaire) et chez Garnier-Flammarion (Œuvres d'Hoffmann, Vol. 3). Dans cette dernière édition, il semble cependant que la traduction soit un peu vieille mais je n'ai pas vérifié personnellement.

Tryphoninus