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Le Condamné Meurt à Cinq Heures

Le Condamné meurt à cinq heures, S.A. Steeman, 1959

Romans, Nouvelles & Théâtre

Stanislas-André Steeman
1959
190 p.

Au terme d'une lutte acharnée, l'avocat Werner Lejanvier vient de convaincre le jury de l'innocence de son client, Antonin Lazare, accusé du meurtre de sa femme. Mais le soir même de son acquittement, Lazare vient trouver le brillant avocat pour lui révéler qu'il était en fait coupable. En plus, il en profite pour le faire chanter en le menaçant de dire à la police qu'il a des remords et que c'est sur les instances de son avocat qu'il a nié les faits.

Lejanvier a une haute opinion de la justice mais il sait que les journalistes croiront Lazare et que sa carrière sera terminée. Ce n'est toutefois pas ce qui l'inquiète le plus : sa deuxième femme, plus jeune que lui, croira aussi Lazare et il risque de la perdre. Alors, il cède. Grave erreur parce que Lazare, revêtu de son aura d'innocence, s'installe dans la vie de Lejanvier, fréquente ses amis et, comble de l'ironie, sort avec Joëlle, fille du premier mariage de Lejanvier et qui est en pleine crise d'adolescence.Puis un nouveau meurtre est commis.

Lejanvier est coincé dans une machination infernale imaginée par un homme bien plus retors que lui. Pourtant, il croit toujours pouvoir faire triompher la justice, quitte à la tromper un peu. Mais il doit faire vite parce qu'en plus il est cardiaque.

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Stanislas-André Steeman (1908 – 1970) est un auteur policier belge, moins connu que Georges Simenon. Et c'est dommage parce que ses romans sont à la fois prenants, fantaisistes et profonds. Dans son œuvre, Steeman n'hésite pas à s'attaquer aux règles du genre (en interpellant son lecteur lorsque tous les indices sont réunis ou en mettant en scène l'inspecteur comme assassin). Ses œuvres les plus connues le doivent à leur adaptation cinématographique, dont « L'Assassin habite au 21 » et « Quai des Orfèvres » (le titre du livre étant « Légitime défense »), même si elles décevront l'auteur.

« Le condamné meurt à cinq heures » est un livre plus récent et Steeman y aborde le thème de la justice par rapport à la morale. Lejanvier est pris dans un engrenage parce qu'il a aidé, inconsciemment certes mais aidé quand même, à tromper la justice et à faire acquitter un coupable. Il y a d'un côté son sens moral qui lui dit de rétablir la vérité mais de l'autre la justice des hommes et lui faire faire machine arrière le broiera.

La seule solution pour lui est de détourner la machine judiciaire une seconde fois, consciemment cette fois, pour faire condamner un innocent, innocent aujourd'hui mais coupable hier. On retrouve un peu l'idée de Dürenmatt dans « Le Juge et son Bourreau » où un homme qui s'est érigé en juge truque la justice des hommes pour faire condamner un homme qui lui a échappé. La situation est un peu différente ici parce que le manipulateur, c'est Lazare, le criminel.

Lazare présente toutes les caractéristiques d'un homme irrémédiablement mauvais, dépourvu de tout sens moral ou de gratitude (Lejanvier lui a quand même sauvé la tête), il manipule sans vergogne ceux qui passent à sa portée. Par certains aspects, il fait parfois penser au Tartuffe de Molière. Son côté maléfique lui permet d'avoir toujours sur Lejanvier un coup d'avance. Mais personne, même invincible, n'est à l'abri d'un imprévu.

Le récit est riche en rebondissements et en faux-semblants. Il n'y a qu'après avoir lu la dernière page qu'on sait réellement où est la vérité.

Le livre est disponible au Livre de Poche Policier (n° 2820) ou aux éditions Le Masque.

Tryphoninus