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Le Golem

Le Golem, Gustav Meyrink, 1915

Romans, Nouvelles & Théâtre

Gustav Meyrink
1915
250 p.

Le ghetto juif de Prague au tournant du XXe Siècle est un quartier miteux et sinistre grouillant de personnages étranges. Il y a Wasserturm le brocanteur juif, animé par la seule cupidité et sa nièce Rosina, vaguement prostituée. Il y a aussi l'étudiant Charousek qui voue une haine inextinguible à Wasserturm, et puis Hillel, secrétaire du tribunal rabbinique qui semble détenir une sagesse d'un autre monde.

Le ghetto est un lieu d'intrigues sordides menées depuis la grande salle du cabaret "Loisitschek" où toutes les classes sociales se mêlent, pour le meilleur et pour le pire. Mais au dehors, ce n'est pas mieux comme les plans diaboliques de Charousek pour perdre Wasserturm et les tentatives de celui-ci pour venger la mort de son fils.

Le ghetto est enfin un lieu de légendes, dont celle du Golem, personnage qui aurait été créé par un rabbin kabbaliste juif au XVIIe Siècle. C'est un homme mécanique, sans pensée propre, destiné à effectuer des tâches ménagères. La légende veut qu'il ait un jour échappé à son maître et commis un massacre avant d'être neutralisé. D'après les gens du ghetto, il habiterait toujours dans le ghetto dans une pièce avec une fenêtre mais pas de porte et reviendrait tous les 33 ans.

Et puis, il y a Athanasius Pernath, tailleur de pierres précieuses, qui vit cloîtré dans son atelier, ballotté au milieu des intrigues du ghetto. Il ne sait pas exactement pourquoi il vit ni ce qu'il fait là. Il n'est même pas sûr d'être réellement Athanasius Pernath.

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« Le Golem » est le premier roman, et le plus grand succès, de l'écrivain autrichien Gustav Meyrink (1868 – 1932). Exactement à cheval sur deux siècles, Meyrink représente le croisement entre passé et modernité. Du passé, il reprend la tradition du fantastique de langue allemande lancée par Hoffmann mais annonce le futur puisqu'il sera une influence de Franz Kafka.

Le récit est teinté de poésie et évolue constamment entre monde visible et invisible, entre réalité et occulte. Le flou qui l'entoure et même son dénouement ouvrent évidemment la porte à bon nombre d'interprétations. Parmi celles-ci, les critiques actuelles voient souvent dans le Golem, être à la pensée mécanique, une métaphore de l'homme moderne, privé de son libre arbitre par une société qui l'exploite. Ce qui était déjà vrai en 1915 l'est encore sous l'ère de la société de consommation. La métaphore peut s'étendre d'ailleurs à Pernath qui lui aussi est jouet des ambitions de tous les autres protagonistes.

Meyrink était passionné d'occultisme, passion qui occupe une place importante dans son œuvre et particulièrement dans « le Golem ». Ici, l'occulte vient pour l'essentiel de la kabbale juive et des étranges pouvoirs de transmigration d'âmes que des rabbins kabbalistes auraient atteint en des âges reculés. L'occultisme donne au livre un caractère à la fois envoûtant et halluciné, fantastique et philosophique.

Un autre attrait du livre réside dans la description du ghetto juif de Prague. Le choix de Prague n'est pas innocent : le charme fascinant la capitale tchèque, à la croisée des chemins entre légendes et histoire, a fait rêver bon nombre d'écrivains. Le ghetto juif, tel que le décrit Meyrink, n'a rien d'envoûtant mais son aspect nauséeux, ses personnages misérables tant au physique qu'au moral donnent au roman un tour cruel et violent. Pourtant, le livre véhicule malgré tout une certaine énergie. Cela est certainement dû au fait que malgré son climat glauque, les descriptions n'ont rien de désespéré.

Le livre existe en français chez Marabout (n° 387) et chez Stock (La Bibliothèque Cosmopolite). « Le Golem » a fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques dont la plus célèbre est celle de Paul Wegener en 1920. Pourtant, elle ne s'appuie pas sur le livre de Meyrink.

Tryphoninus