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Histoire du cannibalisme

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DE PAR LA CHAIR SERA LA SUBLIMATION

Le corps humain est, en notre temps sacralisé, presque levé au rang d'idole alors que celui-ci n'a d'autre fonction d'aller vers la contribution du rattachement au monde réel et de périr bien vite. Le cannibalisme survit dans nos sociétés, dites modernes, et s'est même adapté à nos nouveaux uses et coutumes, d'autres se sont créés par l'interférences de récentes avancées technologiques. Le cannibale "évolué" s'arroge cette pratique qu'il ne reconnaît pas, il a bonne conscience en se persuadant de son bien fondé, mais au plus profond de son être cet instinct de survie se fait toujours ressentir. Les attitudes que nous adoptons face à des situations ambiguës, comme le désir de la chair humaine, sont conditionnées par le milieu social qui entretient une relation avec chacun de ses individus, et valable à toute époque. Après tout, l'Homme n'est rien de moins qu'un animal!

Le cannibalisme (du mot espagnol "canibal", qui lui même est une altération de "caribal" désignant homme hardi ou cruel dans une langue caraïbe) trouve ses racines aux temps anciens du Néolithique. Durant la période glaciaire, les conditions de vie étaient extrêmement difficiles. Peu de substances végétales à disposition, les animaux désertaient leurs territoires, l'instinct de conservation de l'espèce et de survie prirent le dessus. Les humains primaires devinrent carnivores par défaut, leurs seules ressources énergétiques étaient les cadavres dont la chair fraîche et le sang sont de parfaits reconstituants. Le cannibalisme de subsistance rime avec d'intenses famines, des catastrophes naturelles, économiques, la guerre. . . et se retrouve partout dans le monde et le temps. Il n'obéit cependant à aucune logique précise, des peuples ont préférés mourir par milliers plutôt que d'y avoir recours. L'Occident n'a pas échappé aux pénuries, l'Europe a connue de grandes misères du bas Moyen-Âge jusqu'à la Renaissance, dues à de très mauvaises conditions climatiques et à des explosions démographiques cycliques, l'anthropophagie fut d'usage. Les états communistes en sont les plus touchés: la Chine de Mao détient un beau palmarès avec quelques 30 millions d'individus morts de faim en 4 ans à la fin des années 1960. En Corée du Nord il était révélait, à la fin du 20ème siècle, la présence du cannibalisme de survie. Les gens tuaient leurs enfants pour les dévorer dans une espèce de folie contre leur propre mort. L'histoire aérienne est également marquée de ce sceau à de plusieurs reprises. Une des plus notoire s'est passée en 1972, où un avion s'écrasa dans la Cordillères des Andes. 27 rescapés survécurent, par - 40° pendant 70 jours, en festoyant de ceux qui avaient péri. J. Swift écrivit en 1729, lorsqu'une effroyable misère sévissait en Irlande sous domination anglaise, les Irlandais regardaient "comme un grand bonheur d'avoir été vendus pour être mangés à l'âge d'un an et d'avoir évités par là toute une série d'infortunes par lesquelles ils sont passés et l'oppression des propriétaires." Cela démontre que par moments la loi du plus fort rend les asservies psychologiquement supérieurs à ces derniers.

Il est avéré, lors de famines prolongées, de nombreuses personnes s'étant résolues à goûter le "met interdit" se voyaient ensuite hanter par un désir irrépressible de renouveler la transgression. D'abord, ils déterraient et savouraient les corps des cimetières, puis passaient aux meurtres. Ses congénères ne représentent plus que de la viande potentielle, l'état primitif qui sommeil en chacun a resurgit et prit le dessus, la civilisation n'a plus aucun impact à cet instant là. Freud l'a décrit et les nomme "les désirs instinctifs" représentés par le partage entre "la civilisation et l'état primitif de la barbarie: l'inceste, le meurtre et le cannibalisme"

Pour en venir à la guerre, dont les hommes partagent la passion, elle est aussi un de nos héritages ancestraux voulant plier les faibles et ceux en contradictions de nos idéaux. Des événements récents, l'usage voudrait que je les qualifie de barbaries mais je n'apportai pas de jugement, les cultures impliquées étant trop éloignées, se sont déroulés en République Démocratique du Congo dans le district de l'Ituri. Sans rentrer dans les détails politiques qui ne sont pas le sujet ici, deux milices ethniques s'affrontent, Lendus (majoritaires) et Hemas (minoritaires), depuis 1999 et sont principalement manipulées par des seigneurs de guerre établis aux pays frontaliers du Rwanda et de l'Ouganda. Ces derniers ont un grand intérêt de maintenir la violence: ils arment les deux parties, font du trafic d'or, de diamants. . . blanchissent de l'argent. Bon, ils pourraient très bien régler leurs problèmes eux-mêmes, si ce n'était que des observateurs militaires ont constatés des actes de criminels de guerre: des tortures, mutilations, des scènes de cannibalisme rituel, pillages, plusieurs charniers ont été mis à jour. . . en l'espace de six mois, environ 50 000 personnes ont trouvées la mort en Ituri. L'opinion occidentale est indignée, horrifiée par la situation. La Cour Pénale Internationale de La Haye a reçue six plaintes sur les exactions commises en RDC, ainsi que divers rapports démontrant que depuis 1998, entre 2.5 et 3.3 millions d'individus seraient morts dans des combats ou de causes indirectes. Un enquête serait en cours,. . . je répondrai qu'il est aisé de voir les dysfonctionnements d'une autre culture et de porter un œil critique, mais beaucoup moins d'appréhender ceux au sein de laquelle on appartient. . .

En faisant une petite rétrospective portant sur les tribus ayant eus recours à l'anthropophagie, il se révèle clairement que la plupart n'y ont eu, autrefois, qu'un besoin lors de graves épidémies et disettes. Ils étaient contraints de déterrer des corps en putréfaction avancée en guise de maigre nourriture. Comme à l'accoutumé, la religion et les superstitions s'emparèrent de ce terrain fertile pour gagner en puissance. Des Dieux haineux, avides de sang, furent institués avec une mythologie qui atteignit par endroits des niveaux très développées. Les prêtres invoquaient le courroux de leurs divinités pour appeler aux sacrifices humains qui les apaiseraient. Oui,. . . enfin seules leurs propres soifs du meurtres se manifestaient, soit. . . Puis il en vint la croyance sur la possibilité de s'approprier des qualités inhérentes de certains organes par leur ingestion, notamment les guerriers des tribus qui, par la même occasion, pensaient détruire totalement l'âme du vaincu. La magie est entrée en action, le courage et la bravoure seraient distillés par le cœur, le foie et la cervelle. Nous retrouvons ce mythe dans notre société où il est courant d'affirmer pour la viande animale, que la force vient par la consommation de bœuf, l'intelligence par du cerveau. . .

Le phénomène a été attesté de par le monde: au Tibet, des tribus d'Amérique du Nord telles les Algonquins, Huerons, Crees et Iroquois. On pensait (ou on pense encore. . . ) qu'il était présent en Afrique Centrale et Occidentale, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Sumatra, en Nouvelle-Guinée, en Polynésie et dans des régions reculées d'Amérique du Sud à une époque pas si lointaine qu'il n'y parait. . . Le cannibalisme chez ces groupes est complexe car admit culturellement et spirituellement. En Inde, les adorateurs de la secte de Kali mangeaient les personnes âgées et d'autres malades pour satisfaire sa jouissance. Au Mexique, les Aztèques sacrifiaient des milliers d'individus chaque année en l'honneur de leurs Dieux. Passé le massacre, les prêtres et la population s'en repaissaient dans la croyance d'un rapprochement divin. De ces pratiques cérémoniels, il est apparut deux types distincts d'anthropophagies: l'exo cannibalisme et l'endo cannibalisme. Le premier est associé à la guerre, les ennemis capturés sont dévorés pour apaiser la vengeance des morts du clan vainqueur. Ce rite a un déroulement bien précis où le hasard n'a pas de place. C'est une expression, comme tant d'autres, d'une structure autocratisée. Les indiens d'Amérique du Nord étaient exo cannibales mais uniquement envers ceux tombés aux combats, les captifs se voyaient intégrer en leurs tribus Quand au second, l'endo cannibalisme, il revêt de la cérémonie funéraire, là aussi les règles en sont bien strictes. Les indiens Guayaki au Paraguay en sont un exemple. M. Kilani a donné une très bonne citation "Le cannibalisme avant d'être une façon de manger est une façon de penser les relations sociales."

Finalement, en refermant sur les croyances religieuses, diverses, j'intègre le christianisme, tant respecté, dans ce vaste contexte d'instincts primaires. Il est bon de rappeler que cette religion est aussi de l'ordre de l'anthropophagie. "Par le miracle" de la transsubstantiation, le prêtre se nourrit du corps et du sang du christ, chaque fidèle reçoit dignement sa part lors de l'eucharistie. Généreuse offrande! Les moutons de Dieu sont toujours présents pour démasquer ce qui ne leurs plait pas à l'extérieur, ils feraient aussi bien de remettre en question leur secte et leur rite théophage !

Pourtant, pendant de longs siècles obscures, il arriva que le sang et la chair soient assimilés tels des aphrodisiaques et une possibilité de rester jeune, ou de rajeunir. En Afrique Noire, des repas de viande humaine précédaient des orgies sexuelles. Au début du 17ème siècle en Hongrie, la Comtesse Erzébet Bathory, épileptique filiale, fut découverte se baignant dans du sang. Plus de 600 jeunes filles ont été démembrées, éventrées par ses propres soins, elle leur dévorait également des parties corporelles. Cannibalisme, vampirisme se confondaient dans son esprit sadique. En égard de son rang, elle fut condamnée à être emmurée vivante dans son château de Csejthe. Gilles de Rais avait fait, au moins, aussi bien! Au début du 15ème siècle, le maréchal de Tiffauges sema la désolation dans sa quête originelle de la pierre philosophale.
Il ne faut pas oublier que nous, Européens, avons longtemps utilisés toutes sortes de médecines à base de cadavres, personne n'en était affectée pour autant car le motif invoqué était, lui, honnête: soigner de pauvres gens . . La majorité de ces remèdes s'appliquaient sous forme de pommade externe, onguents, fragments osseux. . . aussi bien utilisés au quotidien qu'en magie et sorcellerie. La graisse humaine rentre dans la quasi totalité des compositions. P. Aries donne la recette d'une "eau divine" efficace pour de multiples maladies selon un médecin de Dresde, Garman (1640 - 1708): "on prend le cadavre d'un homme auparavant en bonne santé, mais mort de mort violente, on le coupe en très petits morceaux, chair, os et viscères, on mélange bien le tout qu'on réduit ensuite en liquide dans l'alambic". La ressemblance des méthodes d'alchimiste est frappante et sur cette illustration, il est clairement démontré que l'ensemble de la carcasse était bonne et nécessaire en l'accomplissement de remèdes. La comparaison se fait, de nos jours, avec le cochon, rien ne se perd! Le charlatanisme aura été très loin! Une médecine préparée d'huile de cerveau et une seconde de poudre de crâne desséchées étaient sensées traiter l'épilepsie! Belle imposture!

Cet usage des restes de l'Homme se retrouve jusqu'au 20ème siècle, la manipulation est peu coûteuse , pas de longues recherches à investir pour trouver des substitues, cela convient à tous. Mais bien malheureusement pour les docteurs, patients (ce traitement est dans la plupart des cas de complaisance) d'autres conséquences sanitaires allaient rentrer en jeu. L'hypophyse, glande endocrine sous le cerveau agi dans divers régulations d'autres glandes et sécrète des hormones dont celle de croissance, a été prélevée sur des cadavres afin de la modifier en hormone de croissance, comme au temps jadis. Certains des organes étaient infectés, pouvant vraisemblablement franchir la barrière, souvent infime, des espèces, et qui allait ce révéler être une variante du kuru, le syndrome de Creutzfeldt-Jacob. Ce dernier a tout de même été signalé au sein de 50 nations.
Le kuru, ou maladie du frisson, est décrit dès 1957 dans la tribu des Foré de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Celui-ci présente des agents neuropathogènes infectieux chroniques, développant d'abord chez l'adulte des troubles de l'équilibre, une paralysie oculaire, des mouvements incontrôlés liés à des décharges électriques comitiales anormales Un coma succède et, enfin, la mort vient au bout d'environ un an. Cette pathologie a régressé avec la coïncidence de l'interdiction des autorités des rites endo cannibales. Les Foré s'auto - infectaient par leurs consommations des cerveaux et abats de leurs défunts. Le problème ne date pas d'hier. . .

En poussant encore plus la réflexion dans le domaine médical, les transfusions sanguines et les transplantations d'organes sont une anthropophagie émergés grâce aux avancées en toute matière dont l'Homme se targue de ses succès. Elles peuvent souvent conduire à des effets pervers. Oui, recevoir le fluide vital de l'un de ses frères, évidemment par la nécessité ou l'urgence, revient dans le cycle de l'ingestion et de la dissolution d'une partie de celui-ci. Le plus flagrant se décèle en ce concerne les transplants, qui ont de un caractère morbide supplémentaire. La personne en attente d'un organe concourant vers sa survie, guette à tous instants le mort potentiel lui donnant sa satisfaction de dévorer le cœur, le rein, le poumon. . . qui lui fait défaut et lui permettant de repousser les limites de sa mort dont elle était imposée, mais toujours inéluctable. En réfléchissant bien, cette nouvelle forme est un avatar du cannibalisme de survie, "l'autre" ne devient qu'un donneur qu'il serait près à déposséder à tout prix, et l'avidité investie de plus en plus ses pensées par le rapprochement de la fin, alors qu'il sait qu'il y a un moyen. Le trafic d'organes n'est il pas en essor dans les pays défavorisés. . .

Maintenant, les rares cas d'anthropophagie sont considérés comme relevant de la psychiatrie dans les sociétés civilisées où la nourriture est plus qu'en excès. Un tueur en série d'origine russe a, de 1987 à 1988 assassiné 7 jeunes filles pour sa joie de les manger, d'en faire partager ses amis (n'étant pas au courant) et également d'en faire le commerce. Ce gastronome, Alexei Soukletine, aidait de sa compagne Madina Chakirova, avait l'habitude de violer puis de supprimer au couteau ses victimes. Le festin pouvait commencer! Ses amis ont avoués ". . . qu'ils aimaient tant fréquenter sa table pour sa bonne viande qu'il y servait. . . " mais ils étaient maintenant dégoûtés. Preuve encore que la chair humaine est tout aussi raffinée que n'importe qu'elle autre pièce d'animal. Si la trame n'aurait pas été découverte, ils auraient continués de savourer la cuisine de leur hôte, l'hypocrisie les étouffe. . . . En conclusion de l'affaire Soukletine, il a été fusillé, Madina Chakirova et un autre complice purgent une peine de 15 ans d'emprisonnement.

Le véritable cannibalisme est un fantasme refoulé pour beaucoup de personnes. Dès lors que ce sujet est abordé, les dénonciation, réprobations fusent comme des réflexes, mais qui ne sont pas eux instinctifs, alors que l'anthropophagie est une partie intégrante de notre héritage ancestral, que l'on le veuille ou non! Notre culture actuelle est basée sur un totalitarisme de mythes anciens, nous amenant au rejet de "l'autre", celui qui est différent. Et par cela, oser passer à cet acte "abject" le métamorphose en fou furieux aux yeux des vautours envieux. Bien qu'en constatant le pas franchi, que nourrissent ils en leur fort intérieur? Les sanctions seront lourdes si la consommation de chair humaine est mise à jour... L'expérience vaut-il le risque ?

Kahlmah, novembre 2003