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Le Profil de nos Cousins Germains

Dossiers

Le dossier qui suit est un résumé en français d'un court article (« Extreme music for extreme people », Black and Death Metal put to test in a comparative empirical study ) de Sarah Chaker, qui prépare une thèse dans le département de musique de l'Université Carl von Ossietzky à Oldenburg en Allemagne. L'article est en fait un extrait de sa thèse et peut être consulté en entier sur le site www.inter-disciplinary.net/ci/mmp/mmp.html. Sa thèse devrait être terminée pour le printemps ou l'été 2009

1. Méthodologie

Pour faire court, l'auteur a procédé à une analyse sociologique des fans de death et de black metal en Allemagne en distribuant des questionnaires lors de deux festivals de metal extrême en Allemagne durant l'été 2007. La première surprise est le taux de réponses reçues puisque sur les 550 questionnaires distribués, 521 lui ont été renvoyés complétés et 507 avaient des réponses exploitables (réparties plus ou moins moitié moitié entre black et death). Tout cela a été trié via des logiciels statistiques spécialisés puis analysé. C'est la méthode quantitative.

En plus, l'auteur a procédé à certaines observations elle-même (c'est une métalleuse) et des interviews avec tous les intervenants dans la scène black & death metal : musiciens, journalistes, métalleux, organisateurs de concert. Elle a même suivi un groupe en studio. C'est la méthode qualitative.

Les deux types de méthodes sont commentés plus en détail dans l'interview donnée par Alexis Mombelet et Nicolas Walzer (voir rubrique littérature – Le Satanisme, quel danger pour la société).

2. Résultats

J'ai réparti les résultats selon quatre profils (général, social, émotionnel et politique). L'article ne parle presque pas, et en des termes très généraux, des aspects musicaux et religieux. Je n'ai donc pas repris ces deux aspects.

A. Le profil général

Les métalleux extrêmes ont commencé à écouter du métal extrême vers 15,6 ans. La plupart ont découvert le genre par des amis (82,8% pour le death, 74,0% pour le black). En deuxième lieu viennent les magazines et les fanzines (23,8% pour le death, 28,0% pour le black).

Le diagramme ci-après résume les réponses reçues (plusieurs réponses étaient permises, c'est pour ça que le total ne fait pas 100%) :

Premier contact avec le métal

En moyenne, le métalleux écoute du métal extrême depuis 10,1 ans pour le death et de 7,4 ans pour le black. La présence relativement longue (même si les black métalleux sont statistiquement plus jeunes) montre que l'attachement à la scène va généralement au-delà de l'aspect purement musical pour revêtir les aspects d'un mode de vie. Ce sont des phénomènes assez peu courants dans les autres courants musicaux.

Si on se penche sur l'âge moyen des métalleux, on découvre qu'il est de 25,8 ans pour le death et de 23,2 ans pour le black. C'est ici l'occasion de battre en brèche une idée reçue : le death et le black ne sont pas des musiques d'adolescents mais de jeunes adultes.

Enfin, les deux scènes sont toutes deux des scènes essentiellement masculines : 86,2% des death métalleux et 83,4% des black métalleux sont des hommes.

B. Le profil social

Au niveau scolaire, 53,8% des death métalleux et 38,1% des black métalleux ont leur bac (enfin l'équivalent allemand). Il ne faut pas en déduire que les death métalleux sont plus malins, la différence dans les résultats pouvant certainement être imputée à la différence d'âge entre les membres des deux scènes. Cette supposition se base sur le nombre relativement élevé de lycéens dans le black (16,2% contre 5,1% dans le death).

Les résultats complets se présentent comme suit :

Death Metal et parcours scolaire
Black Metal et parcours scolaire

Au niveau professionnel, les métalleux peuvent se répartir comme suit :

Death Metal et vie professionelle
Black Metal et vie professionelle

Ce tableau permet de constater que, contrairement à l'image véhiculée par les médias, les métalleux extrêmes ne sont pas issus des classes sociales les plus basses. Au contraire, ils sont plutôt membres de la classe moyenne. De même, le taux de chômeurs dans les deux cas est inférieur au taux national pour l'Allemagne (8,2% pour octobre 2007). Ces constatations doivent quand même être relativisées par le fait que les deux scènes, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, transcendent les classes sociales.

Au niveau social, il va sans dire que dans la plupart des cas, les hobbies des métalleux tournent autour de la musique. Il faut cependant remarquer qu'une part relativement importantes d'entre eux (30,8% pour le death et 28,6% pour le black) déclarent avoir des activités sociales ou politico-sociales : travail en centre pour les jeunes, maisons de retraite, pompiers volontaires, partis politiques, syndicats ou organisations environnementales). Assez bizarrement, 13 death métalleux et 10 black métalleux se déclarent volontairement impliqués dans l'église chrétienne.

C. Le profil émotionnel

Ici également, les chiffres contredisent les idées reçues (même si on le savait déjà) : les métalleux ne sont pas des dépressifs suicidaires ou des gens frustrés.

Dans le death, 68,7% des métalleux interrogés disent avoir une enfance heureuse, 26,7% une enfance normale et seulement 4,7% une enfance difficile ou très difficile. Les chiffres sont un peu différents pour le black métal : 58,6% pour une enfance heureuse, 32,9% pour une enfance normale et 8,5% pour une enfance difficile.

L'enfance a souvent un impact important sur la vie future et les chiffres le confirment : 64,7% des death métalleux (61,1% pour le black) sont satisfaits de leur situation de vie actuelle. 30,6% d'entre eux (29,7% pour le black) sont parfois plus ou mois satisfaits de leur situation mais seuls 4,7% (9,2% pour le black) sont vraiment frustrés de leur vie actuelle.

D. Le profil politique

C'est un peu délicat de définir le profil politique du métalleux sur base d'un simple questionnaire. L'auteur a choisi de demander pour quel parti ils voteraient si des élections législatives étaient tenues le dimanche suivant. Cependant, une partie des sondés a répondu qu'ils ne votaient pas (à peu près 20% pour chaque style) : cela signifie qu'on ne connaît pas leurs idées politiques mais en plus cela fausse les résultats obtenus. Néanmoins, les résultats ont fait l'objet d'enquêtes de type qualitatif qui correspondent avec les tendances dégagées par les réponses obtenues aux questionnaires.

Les résultats sont repris dans le tableau suivant :

Répartition des votes chez les amateurs de Death en Allemagne
Répartition des votes chez les amateurs de black en Allemagne

Pour ceux qui, comme moi, ne sont pas familiers avec les familles politiques allemandes, voici quelques explications :
• La CDU/CSU est le parti de la démocratie chrétienne, parti régulièrement au pouvoir depuis 1945 (Helmut Kohl, Angela Merkel). C'est un parti du centre comparable à l'UDF.
• Le SPD est le parti social démocrate, plutôt de centre gauche (Gerhard Schröder).
• Le FDP est le parti libéral, donc un parti de droite, comparable, tout proportions gardées, à l'UMP en France.
• Die Linke est un parti d'extrême de gauche.
• NPD, DVU, REP sont plusieurs partis d'extrême droite.
• Bündnis 90, Die Grüne est un parti écologiste.

L'enquête montre une différence assez nette entre les death et les black métalleux au sujet de l'extrême droite : 3% pour les premiers, près de 10% pour les seconds (ce qui laisse quand même 90% de non fascistes). La source de cette différence doit certainement être recherchée du côté du NSBM, phénomène qui, à ma connaissance, n'a pas de pendant du côté death.

Ceci est en mettre en relation avec les réponses obtenues à une autre question posée aux métalleux : existe-t-il des groupes qui ruinent l'image générale de la scène. Les death métalleux répondent oui à 30,5% alors que pour les black métalleux, le taux monte à 76,3%. D'une manière générale, les black métalleux pointent du doigt la scène NSBM. Cela tend à montrer que la scène black metal est consciente de l'existence de cette scène comme un groupe à part entière et le danger qu'elle peut représenter. Les divergences se font plutôt sentir sur les méthodes à mettre en œuvre pour les combattre.

Tryphoninus