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Abysmal Growls Of Despair : Irkalla Kur

Auto-production, 2017

Funeral Drone Ambient, France

LP Digital

La frontière entre le doom dans son expression la plus cryptique et la musique dark ambient a toujours été extrêmement ténue. Il suffit notamment d'écouter Abysmal Growls Of Despair dont l'art résonne d'une force tellurique pour mesurer le degré de perméabilité qui existe entre ces deux faces d'une même pièce aussi étouffante qu'hallucinée.

Après avoir gravé plusieurs offrandes qui sont autant de cyclopéennes galeries s'enfonçant dans les arcanes de l'indicible, l'entité solitaire aux allures d'excavatrice abyssale forant les entrailles ténébreuses jusqu'à la croûte terrestre, gomme encore davantage cette fragile limite avec ce Irkalla Kur tellement opaque qu'il en devient irréel.

Création uniquement digitale, l'oeuvre tire son nom du monde souterrain dans la mythologie sumérienne où règne la déesse Ereshkigal. De part sa dimension tellurique, le funeral doom ne pouvait que s'emparer des légendes de cette puissante civilisation qui domina entre le IVe et le IIIe millénaire avant Jésus-Christ, un vaste territoire correspondant peu ou proue à l'actuel Irak. Equivalent du royaume d'Hadès ou de Tartare chez les Grecs, du Shéol hébraïque ou de l'enfer chrétien, ce monde des profondeurs dicte à Abysmal Growls Of Despair un album-concept dont la seule piste longue de près d'une heure, grouille de sonorités sépulcrales et de gargouillis cauchemardesques, voyage vertigineux et sans retour peuplé d'âmes égarées dans une brume oppressante.

Grondements pétrifiés, hurlements étouffés, mélopées lointaines et nappes bruitistes aux confins de l'ambient forment la colonne vertébrale de cette lente exploration aux contours floues, comme noyée dans un épais brouillard qui se répand tel un linceul caverneux. La panse insondable de ce domaine tentaculaire palpite d'une sourde et obscure tension qui finit par emplir tout l'espace. Seule une écoute au casque dans la solitude d'une froide nuit d'hiver permet de ressentir toute la puissance souterraine de cette composition qui a quelque chose d'une incantation séculaire.

Avec peu, le maître des lieux parvient à rendre tangible ce monde des enfers dont les sons et les cris mordent la chair autant que l'âme. Chercher à le décrire par des mots semble vain car Irkalla Kur se ressent plus qu'il ne s'écoute.

Childeric Thor - 7/10