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Allobrogia : Sonnocingos

Asgard Hass Productions, 2016

Black Metal, France

Asgard Hass Productions

Le black metal a toujours été fortement lié avec la notion d'identité culturelle. Un passé que certains essayent de mettre en écho avec la construction d'une œuvre musicale. Et c'est un exemple tout à fait révélateur de cette tendance que nous allons aborder aujourd'hui. En effet, l'album qui nous est donné d'écouter (intitulé Sonnocingos et sorti sous la bannière du label helvétique Asgard Hass), se trouve être la dernière offrande du groupe de "pagan" black metal français Allobrogia (qui n'a de pagan presque que les thématiques comme nous allons le voir à travers les références sonores de cet album). Premièrement, le nom de la formation ne nous laisse que peu de surprises sur le contenu de l'album. Pour la petite minute historique, les Allobroges étaient une peuplade gauloise du IIème siècle avant J.C. habitant dans l'actuelle Savoie. C'est donc avec une intégrité forte et rafraîchissante que le combo nous propose une musique efficace, augmentée par des lyrics en patois local. Cette démarche amène ainsi un sentiment d'homogénéité et de sincérité dans la musique, chose malheureusement de plus en plus rare à l'heure à laquelle nous vivons.

Après une intro relativement sobre (seuls quelques chœurs augmentés par des percussions martiales relativement classiques), l'album débute avec le morceau Trinoxtion Samonii et son excellent riff introductif. Il est tout le temps bon de constater à quel point la saccade rythmique sur la fin de celui-ci amène une bouffée d'air avant de rentrer dans le vif du sujet, cassant ainsi la linéarité dans laquelle beaucoup de groupes tombent. Le son quant à lui reste vraiment ample et clair. Les détails (notamment sur les arpèges) demeurant aisément perceptibles. Ce premier morceau donne alors le ton de ce qui s'annonce comme un album de bonne facture. De plus, la composition solide se trouve relevée par un chant froid et perçant (ou au contraire par des chœurs chaleureux et vindicatifs). Les riffings, très black metal, amènent une palette sonore large tout au long de l'album. En effet,  après la première minute du morceau Evélyi, nous assistons au jeu de réponses entre deux guitares abhorrant des accords qui, pour ma part, me rappellent celles de la scène islandaise (notamment au Zhrine... l'exemple de telles sonorités est peut aussi se trouver à partir de la 40ème seconde du titre Alban Eilir). Celui se trouvant à 4min20, sur le même morceau, sonne quant à lui beaucoup plus "classique" (étant même accompagné d'un "ouuhhh") avant de se transformer en quelque chose avec une sonorité plus "pagan" (si cela a encore un sens dans l'époque de fourre-tout de nomenclatures dans laquelle nous vivons). D'un autre côté, le passage se situant à 2min50 sur le morceau éponyme de l'album rappelle tout de suite les Polonais de Mgla tandis que, en guise de dernier exemple, le morceau Beltan possède un côté très orthodoxe dans sa rythmiques et la construction de l'arpège (évoquant certains Deathspell Omega, Kriegsmaschine ou encore Medico Peste). Les influences du groupe (qui par ailleurs sont bien loin de ce que l'on pourrait attendre en voyant la pochette de l'album... Ce qui fait partie des énormes atouts de ce CD, à savoir l'effet de surprise) se font donc diverses, ce qui est un point plus que positif. Car, à mon sens, c'est à travers un corpus de sonorité/affects, qui nous est propre, que nous pouvons ainsi trouver les clés qui nous mènent à la création de "nos" sonorités. Il est ardu pour un musicien que d'arriver à avoir le recul nécessaire pour se détacher de ses "influences" afin de créer son son. Et ça, Allobrogia a très bien réussi à le faire (ce qui relève toute la maturité de la jeune formation). Car, même avec les références citées ci-dessus, il ne vient à aucun moment l'impression de "déjà entendu" ou de "copier-coller" qui diminue alors l'impact de l'effet de surprise ou le potentiel d'appréciation de l'œuvre.

L'album se dévoile,  au fur et à mesure que ces titres nous emportent. L'interlude de piano, au milieu de l'album, apporte d'ailleurs un peu de répit avant de donner suite au morceau qui avait été partagé par le groupe à titre promotionnel : Imbolc. Débutant avec ce "O Nemeton, lé ayôy l'on vi !!!", ce titre est celui de l'album qui, à mon avis, possède le potentiel scénique le plus fort avec notamment son introduction qui ne manque pas de faire naître un sentiment belliqueux en l'auditeur. Le reste suit sa progression, naturellement et sans fausses notes, perpétuant ainsi ce sentiment de continuelle découverte, cité ci-dessus, avec une fin en apothéose sur le titre Epitafa (ce riff à la 50ème seconde...).

Vous l'aurez compris, ce nouvel album d'Allobrogia est une valeur sûre de l'année 2016 et une écoute que je conseille très vivement à tous lecteurs. Intègre, efficace et surprenant sont les adjectifs qui collent le mieux à l'album. Le style du groupe se voit affuté et la maturité des compositions n'est plus à démontrer. Mention spéciale aussi au batteur pour sa diversité de jeu qui vient surélever des morceaux aux qualités indéniables. Pour ma part, j'adresse un coup de cœur pour les titres Evélyi, Beltan, Lughnasa, Epitafa. Asgard Hass sort ici ce qui est, à ce jour, l'une de ses meilleures productions (aux côtés de l'excellent album de Thergüu).

Pour rappel, le groupe sera présent au Forest Fest en Suisse, ainsi qu'au Ragnard Rock Festival. Ne manquez pas une occasion de voir ce groupe en concert ! Be there or be dead !!!

Pour se procurer l'album : http://www.asgard-hass.ch/boutique/

N. - 9,5/10