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Aurvandil : Thrones

AURVANDIL - Thrones

Eisenwald Tonschiemde, 2013

Black Metal, France

CD

Quorton est mort mais son âme survit à travers le temps. Etonnamment (ou non), il aura presque fallu que son créateur nous quitte pour que BATHORY, dans sa définition épique et paîenne ( ses premiers méfaits ont en effet été très vite cité en référence), devienne plus que jamais une source inépuisable d'inspiration. Le fait de ne pas être un grand technicien n'a pas empêché le Suédois de forger un art au pouvoir d'évocation immense, puissamment majestueux et charriant toute cette imagerie du Grand Nord dont le Black Metal s'est très tôt nourri et ce, quelque soi ses origines.

Aurvandil en témoigne, projet basé en Normandie qui fait partie de ces hordes qui, bien que né à des milliers de kilomètres de là, puise dans cet héritage scandinave. Que Fog, batteur et activiste passionné ait désormais rejoint celui qui a donné son nom au groupe, ne surprend pas, ce dernier trouvant dans ce socle cette roche glaciale qui est aussi un peu celle d'ANGMAR, son principal port d'attache. Préparé par une multitude de démos et autres splits, Yearning fut il y a trois ans l'acte de naissance de Aurvandil, oeuvre massive et montagneuse dont nous attendions depuis avec impatience le successeur.

D'abord édité fin 2013 en format tape par Psychic Violence Records, Thrones a droit aujourd'hui à une seconde publication en CD par le vénérable Einsenwald Tonschmiede. Bien que relativement plus court d'une dizaine de minutes, l'offrande possède plus encore que son aîné des allures de bloc, édifice gigantesque se dressant au milieu des reliefs figés par un froid hivernal. En pleine possession de ses moyens, le tandem n'hésite pas à se lancer dans l'érection de quatre très longues pulsations dont la troisième d'entre elles voisine même avec les 20 minutes au jus, périples mythologiques bouillonnant d'ondes frissonnantes.

Avec une force rare, ses auteurs réussissent à capturer la furie lugubre du blizzard. Une poignée d'arpèges (\"Ingens Lindring\"), quelques choeurs pleins de majesté leur suffisent à évoquer ces paysages grandioses et éternels, sentant les froides forêts de résineux. Mais loin d'arpenter des chemins atmosphériques, Aurvandil préfère sculpter des crevasses d'une furieuse âpreté. De fait, ces morceaux, s'ils égrènent des passages enivrants, comme lors de l'inaugural \"For Whom Burnest Thou\", palpitent d'une sève obscure, hampes tranchantes dont les racines sont ces guitares grésillantes, burin glacial raclant la roche de montagnes imposantes.

D'une démesure légendaire, ces titres, d'une beauté brutale, galopent avec rapidité, emporté par cette batterie torrentielle qui a quelque chose d'une falaise creusée par l'érosion, quand bien même le tempo sait à de rares moments devenir pétrifié, comme l'illustre \"Summon The Storms\" que déchirent des breaks envoûtants. Sèche et aride, la prise de son habille l'album d'un écrin crépusculaire, participant de cette dimension nocturne qui drape tel un suaire sinistre cet ensemble condamné à ne jamais voir le soleil. Vous l'aurez donc compris, Thrones est un gemme d'une tumultueuse noirceur, hommage monumental au Grand Nord.

Childeric Thor - 8.5/10