Autoproduction, 2009
Clowncore, France
Digipack (CD + DVD)
En 2005, le groupe de hardcore clownesque (ou clowncore) Bawdy Festival se lançait avec un petit EP, Back in da Wood , déjà chroniqué dans nos pages. Bien que souffrant de quelques défauts (trop) habituels dans le hardcore, cet EP était assez festif et rafraîchissant pour retenir l'attention et se laisser écouter en boucle pendant un peu de temps.
En 2009, le groupe récidive avec un album. Seulement, il ne s'agit pas d'un album comme les autres. D'abord, il a été enregistré entièrement en live, ce qui montre que BAWDY n'a pas peur de sortir des effets studio pour se confronter à la « réalité », si l'on peut dire, du concert. Ensuite, il est accompagné d'un DVD, où l'on a droit à tout le show live en images, accompagné d'une tripotée de bonus. Quand on y pense, c'est assez logique : BF est avant tout un groupe de scène, avec des zikos habillés en clowns, des airs de clavier très cirque... et même un public de fans qui viennent maquillés, comme en témoignent les images du concert !
Oubliez les groupes de HxC pré-formatés qui proposent tous le même metal bourrin et les mêmes accords pauvrets déjà entendus partout. Ici, même les riffs lourdingues sont agréables, et il est rare qu'ils ne soient pas accompagnés par des airs de clavier sacrément dévastateurs. Oui, je parle bien des airs joués au clavier et non des riffs de gratte quand je dis dévastateurs, quoique les seconds méritent aussi d'être cités. Avec Bawdy Festival, vous vous retrouvez pris dans l'ambiance d'un chapiteau maléfique. C'est bien la première fois que j'utilise le mot « ambiance » sur une chro qui parle de HxC, pardon, de HxCLOWN !
En dépit de l'enregistrement live, chaque instrument est clairement discernable, autant qu'en studio, avec en plus le côté spontané du concert (si on tend bien l'oreille, à certains moments, on peut entendre les plus gros fans du public qui connaissent par cœur les passages en français de certains titres). L'aspect festif est clairement mis en avant, notamment avec des lyrics complètement déjantés, tantôt moqueurs, tantôt chaleureux pour les parties en français (par exemple avec le titre \"Shake ta boulimie\", un hymne à l'obésité et au mauvais goût). Cachés derrière des peintures de guerre, les clown soldiers se déchaînent, envahissent le champ de bataille de la fosse avec une chaleur contagieuse. Si la musique est très sympathiquement jouée, le côté effrayant de la clownerie est moins une claque dans la gueule qu'une immense déconnade faite projet et exécutée avec un perfectionnisme que l'on ne soupçonne pas forcément. Preuve en sont le graphisme soigné du digipack et la richesse du DVD, où l'on a droit à un making-of assez complet et à une « galerie des horreurs » rigolote, ainsi que plusieurs clipes live, soit en tout davantage que bien des DVD de « grands » groupes !
D'ailleurs, depuis Back in da Wood , le chanteur a bien amélioré sa voix. Exit les vocaux suraigüs, il prend un ton plutôt death-thrash dont on reconnaît de temps en temps les intonations du premier EP, sans en avoir les désagréments. Pareil pour le titre \"Boogalion Mafia\" : autant je le trouvais vulgaire et trop « rappeux » dans sa version 2005, autant il est devenu ici beaucoup plus rigolo, sans que les lyrics aient spécialement changé. C'est simplement une question de ton, et peut-être aussi d'ambiance (j'insiste !).
Aujourd'hui, les groupes les plus intéressants sont probablement ceux qu'il est le plus difficile de cantonner à un sous-genre précis. Bawdy Festival, sans nul doute, est de ceux-là. On ne peut pas décemment parler de simple HxC, ni même de metal sympho, pour qualifier ce qu'ils font. Ça n'a ni le côté simpliste du premier ni le côté grandiloquent et parfois un peu lisse du second. Par contre, ça donne la fièvre en concert. Pour un peu, les gens de BF pourraient probablement conquérir le monde en montant une armée de clown soldiers , recrutés au fil des sets, qu'ils lanceraient à l'assaut des territoires où l'on a perdu le sens de l'humour en même temps que la civilité. Les cailleras du metal (et pas que) seraient punies à coups de batte dans le cul et les obèses forcés de headbanger jusqu'à ce qu'ils tombent d'inanition en lâchant leur Mars ou leur paquet de chips. Seulement, il y aurait fort à parier que nos clowns finissent eux aussi en piteux état, vu qu'ils pogovalseraient tout le temps...!
C'est pourquoi, au lieu de conquérir la planète en désossant des infirmières, BAWDY préfère profiter de ses shows hauts en couleur pour donner dans le message citoyen. Par exemple avec le rappel salutaire, à la fin de \"Shake ta boulimie\", de cette phrase trop souvent oubliée :
« Et n'oubliez pas - il faut manger cinq fruits et légumes par jour ! »