La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Black Cilice : Esoteric Atavism

Iron Bonehead Productions, 2022

Black Metal, Portugal

Album CD

Si depuis Mysteries (2015), Black Cilice avait ralenti la cadence fiévreuse avec laquelle il ruminait son black metal de gargouille, espaçant d'un an ou deux ( sacrilège !) chaque nouveau signe de mort, la créature lusitanienne semble avoir aujourd'hui retrouvé un peu de la fertilité de ses débuts. Ainsi sept mois à peine séparent Tomb Emanations - certes un simple 45 tours - de Esoteric Atavism, véritable successeur (enfin !) de Transfixion Of Spirits (2019).

Bestiole énigmatique, Black Cilice n'appelle aucune présentation, les fidèles savent de quoi il est question. Quant aux autres, il est somme toute peu probable qu'ils goûtent à cet art noir ferrugineux, enrobé d'un son étouffé comme s'il était capturé dans les profondeurs d'un caveau, le tempo à la fois bringuebalant et hypnotique, le chant hurlé, celui d'une bête malfaisante tapie dans la nuit depuis le fond des âges. Black Cilice ne s'explique pas en ce sens qu'il nous engourdit et nous entraîne dans de brumeuses entrailles où se tient un rituel occulte, cérémonie cryptique que dirige le maître des lieux, accesseur entre deux mondes, celui des hommes et des enfers. Et tant pis si les différences entre chaque nouveau méfait s'avèrent des plus ténues, au point d'avoir le sentiment d'avoir déjà entendu certaines plaintes.

Tel est le cas de 'Channelling Old Power' et de 'Spiritual Poisoning' qui garnissent ce sixième opus mais paraissent s'être échappés d'un disque précédent. L'impression d'écouter en boucle toujours le même titre est tenace, emporté par un torrent d'ondes noires que brisent à intervalles irréguliers des fissures sinistres dans les arcanes desquelles émane une bouillie inquiétante chargée de négativité. Mais outre le fait que la valeur de ce type de black metal ne se mesure ni à son audace ni à ses nuances, cette absence de variation d'une piste à l'autre (voire d'un album à l'autre) finit par gommer, effacer les frontières, les rendre opaques, formant en définitive un magma aux contours flous, masse grouillante qui hurle une décrépitude proche de la transe. De fait, Esoteric Atavism se pénètre d'un seul bloc, longue reptation dans les abysses les plus déglinguées et ténébreuses, secouée par des pulsions malsaines et morbides. La forme est sale comme le flot menstruel, corrosif comme une lèpre maladive, le fond, d'une insondable noirceur, fouillant l'âme jusque dans les moindres recoins. Mais comme toujours, il est permis de déceler une espèce de beauté fantomatique dans ce brouet infâme et rouillé.

Décidément, Black Cilice ne s'explique pas. Pas plus que Esoteric Atavism, procession frénétique et sentencieuse tout ensemble qui ravive l'esprit ancestral du black metal tel qu'il aurait toujours demeuré, art des ténèbres martelé par des créatures de la nuit, à l'image de ce spectre lusitanien perçant la brume. 

Childeric Thor - 8/10