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Deinonychus : Fatalist

Van Records, 2024

Black Doom autoritaire, Pays-Bas

Album CD

Certes depuis 20 ans, Deinonychus a pris la (mauvaise) habitude de laisser filer de trop nombreuses années entre deux saignées mais le fait est que nous n’étions cette fois pas loin de penser que "Ode To Acts Of Murder, Dystopia And Suicide", gravé il y a sept ans, fermerait pour de bon sa carrière. Ce qui était d’autant plus dommage que, à contre-courant de l’opinion générale qui considère les albums de la période courant de 1995 ("The Silence Of December") à 2004 ("Insomnia") comme étant ses meilleurs, nous pensons que Marco Kehren a justement atteint son apogée avec "Warfare Machines" (2007) et son successeur précité, fixant les atours sévères d’un black doom autarcique reconnaissable entre tous.

Ainsi, alors que nous ne l’espérions plus vraiment, "Fatalist" tire enfin de son sommeil cette entité culte. Le style qu’il déploie se veut dans la continuité de ses deux prédécesseurs, lourd comme un panzer, aussi glacial que mortifère, de cette dureté qui empêche toute trace de lumière de s’y accrocher même un tout petit peu. Amorce suffocante prisonnière d’une  gangue morbide, ‘Prays To God, Sleep With The Devil suffit non seulement à appuyer sur l’interrupteur mais balaie surtout en presque dix minutes ces sept longues années de silence. On y retrouve un Deinonychus tel qu’en lui-même et tel qu’on l’a laissé avec "Ode To Acts Of Murder, Dystopia And Suicide", vocalises hurlées du maître des lieux aux allures de scalpel arrachant la peau, rythme implacable et étouffant dont prétendre qu’il est massif et oppressant tient du doux euphémisme, claviers funèbres qui épandent une brume sinistre.

"Fatalist" démarre très fort et sous les auspices les plus effroyables. D’une intensité malsaine, les cinq autres titres poursuivent cette lente et inexorable procession dans les entrailles de l’indicible, le plus souvent ankylosés par une noirceur charbonneuse (‘The Human Heart Is A Cemetery’, ‘Beast Throne’), rarement survoltés à l’exception du morceau qui donne son nom à l’album ou du convulsif ‘A Cross To Bear With Sorrow’, mais parfois non dénués d’un réel pouvoir d’envoûtement à l’image du terminal ‘Lucifer, I Witness’ qui irradie une étrange et ténébreuse beauté.

Bunker dont les fentes suintent une noirceur suffocante, "Fatalist" démontre que Deinonychus n’a rien perdu de sa force souterraine et demeure unique en son genre dans sa capacité à fouiller les replis les plus obscurs, à curer les profondeurs de ce qu’il y a de plus sombres et vils dans l’âme humaine. L’album a quelque chose d’un étau qui se resserre, comprimant toute trace de vie et d’espoir, emporté par une houle funèbre grâce au chant plus que jamais halluciné dans sa frénésie racleuse d’un Marco Kehren possédé comme si demain ne devait plus exister.

"Fatalist" ne se rappelle pas seulement Deinonychus à notre terrifiant souvenir, il se dresse dans toute sa noirceur spartiate et sa fureur engourdie comme son disque le plus radical. 

Childeric Thor - 9/10