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Dépérir : Black Beast

Adipocere Records, 2022

Black Metal, Canada

Album CD

La sortie de Black Beast, second méfait de Dépérir, est une bonne nouvelle. Et doublement. D'une part, après le Crystal City de Rosenkreuz, elle confirme le retour aux affaires du label culte Adipocere Records après de trop nombreuses années de mise en sommeil qui l'ont vu limiter ses activités à celle, néanmoins précieuse, de VPCiste. Le simple énoncé de son nom suffit déjà à raviver des souvenirs émus chez les vieux cons que nous sommes (devenus). D'autre part, elle marque un autre retour, celui des Québécois dont la séminale et éponyme saillie n'a pas manqué de tailler dans la chair de profondes cicatrices. Mais c'était il y cinq ans déjà, presque une éternité à une époque où va très (trop ?) vite et certains auront peut-être oublié cette horde noire parmi les plus prometteuses venues de cette enclave francophone avec laquelle elle noue pourtant bien peu de liens tant esthétiques que musicaux, préférant braquer son manche rugueux vers l'autre bord de l'Atlantique dont les grands ancêtes norvégiens (Darkthrone...) servent de terreau à sa froide expression gorgée d'une haine incisive.

Depuis cette première cartouche, Dépérir a changé de visage : nouveaux hurleur (Bob Girard) et cogneur (l'ex Benighted Kevin Foley). De la formation originelle ne subsiste donc que le guitariste Nico Reymond. Ces ressources humaines renouvelées participent-elles d'un changement de direction musicale ? Réponse de Normand. Non parce que Black Beast ne déserte pas les rivages d'un black metal tranchant érodé par des agressions death et thrash. Oui car le groupe dévoile parfois une finesse mélodique inédite, ce qui évidemment ne l'exonère pas de sa brutalité coutumière et ne lui interdit pas non plus une noirceur toujours aussi bouillonnante.  

Mais accouplée à un niveau technique accrue (parties de batterie hallucinantes et riffing plus acéré que jamais), cette vigueur teigneuse apparaît plus implacable encore dans sa force de frappe âpre et impétueuse. Ajoutons à ce tableau la production de Thibault Bernard, à la fois rude et puissante, sans oublier des invités de luxe, par ailleurs plutôt éloignés de l'univers des Canadiens (Vincent Houde de Dopethrone, Julien Truchant de Benighted ou Fetus de Ultra Vomit), qui augmentent la valeur ajoutée de ce deuxième album. Il en découle une merveille d'équilibre entre agressivité et technicité, fureur fielleuse et atmosphères enveloppantes mais toujours glaciales. Avec la même aisance, Dépérir bétonne des bunkers saignants ('Deathsaw' et ses blasts démentiels façon lapin Duracel) ou répand des émotions belles à pleurer à l'instar du surprenant instrumental 'Empire', lente conclusion toute en guitare désespérée et en progression tragique. Mais le fait est que Black Beast témoigne d'un glissement très net vers un death metal nucléaire encrassé par une sévère dose de thrash ('Full Of Hate') aboutissant à un résultat d'une redoutable férocité.

Ce faisant, il ouvre pour les Québécois un nouveau chapitre, plus élaboré mais pas moins barbare. Et surtout meilleur ! 

Childeric Thor - 8/10