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Dødheimsgard (DHG) : 666 International

DØDHEIMSGARD (DHG) - 666 International

Moonfog, 1999

Avant-Garde Black Metal, Norvège

CD

La Norvège. Pour beaucoup, une terre mythique, celle qui consacra le mouvement Black Metal au cours de la dernière décennie. Mais pour d'autres, bien moins nombreux, la fameuse scène scandinave est aussi le symbole d'un certain renouveau du genre. Les anciens gardiens du temple se sont laissés séduire par les courbes affriolantes de l'expérimentation musicale et font, plutôt que de soutenir à contrecœur une scène traditionnelle éteinte depuis fort longtemps, évoluer le genre qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer. Les doux noms de THORNS , MANES ou encore VED BUENS ENDE viennent immédiatement en tête... ainsi que celui de DØDHEIMSGARD , illustre entité ayant récemment connu les déboires d'un retour sur le devant de la scène pas aussi intéressant qu'espéré.

Car si DØDHEIMSGARD aujourd'hui déçoit, c'est avant tout parce qu'il s'est imposé à la fin du siècle dernier comme un pilier, une constante essentielle du mouvement Avant-Garde touchant aujourd'hui bon nombre d'anciens activistes scandinaves. \" 666 International \", dans son ingéniosité, a métamorphosé le Black Metal d'obédience norvégienne.

Sur le fond, la base semble pourtant bien être la même : la fascination des norvégiens pour l'œuvre du Malin est encore loin d'être dissipée... avec un jusqu'au-boutisme toutefois susceptible de mettre la puce à l'oreille. \" 666 International \" a vu le jour en 1999 et comporte 66 pistes pour un total de 66 minutes et 06 secondes. Curieuses coïncidences.
Mais l'imagerie est, sur la forme, en rupture totale avec ce que le groupe a pu produire par le passé. Les mystiques sous-bois, pentacles rougeoyants et autres sauteurs à la perche ne sont plus vraiment à l'ordre du jour, et le groupe se pavane ici dans un accoutrement des plus déconcertants, composé de vêtements et maquillages pour le moins... colorés. De même, le visuel de l'album s'avère être d'un modernisme surprenant.

Musicalement, la surprise est plus grande encore. Bien que le très court EP \" Satanic Art \" ait quelques mois plus tôt déjà annoncé la couleur, DØDHEIMSGARD est méconnaissable. Reprenant là où s'était arrêté ce fameux mini, le groupe nous happe dès les premières secondes dans un univers versatile et cataclysmique. \" 666 International \" est un véritable blitz sonore, une onde sonique et destructrice, un immense labyrinthe aux limites perpétuellement changeantes. C'est le chaos, un gigantesque foutoir paradoxalement organisé et parfaitement maîtrisé. Les effets électroniques en tous genres prennent bien souvent le pas sur des guitares acides et tranchantes, amenant l'auditeur à la limite de la psychédélie en une transe cosmique et infernale.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. L'extrême violence de l'orchestre se meut parfois en un groove faussement enjoué et proprement incompréhensible, d'impromptus interludes au piano se mêlent aux denses incursions industrielles et autres effets électroniques en tous genres... Hautement hallucinatoire, l'ensemble reste constamment déstabilisant de par son aspect grandiloquent et théâtral, son hystérie dévastatrice et ses ambiances presque loufoques et décalées.

Elément clé de la musique de \" 666 International \", le chanteur Aldrahn est ici au sommet de son art. Il est le Diable qui, au paroxysme de la folie, fait de l'auditeur peu avisé une simple marionnette qu'il manipule au gré de ses délires les plus excentriques. Le Satan du 21e siècle est schizophrénique et, surtout, d'une incommensurable perversion : malmenant sa victime dans un dédale de couloirs multicolores, lui faisant miroiter une hypothétique (et inexistante) échappatoire, il rie aux larmes lorsque celui-ci sombre plus profondément encore dans la démence.

\" 666 International \", vous l'aurez compris, est une pièce définitivement à part dans la discographie de DØDHEIMSGARD , et fait encore aujourd'hui figure d'O.V.N.I. dans le paysage musical extrême norvégien. Mais bien que déroutante, l'expérience sonore à laquelle nous convie l'hétéroclite formation scandinave se doit en tous les cas d'être entièrement comprise et assimilée, avant d'être injustement blâmée. Trop souvent incompris, \" 666 International \" n'en reste pas moins un disque unique en son genre, et probablement l'un des plus géniaux qu'il m'ait été donné d'entendre tous genres confondus. Preuve que l'audace paie finalement bien plus qu'une prétendue préservation de certaines « valeurs » musicales aujourd'hui bien désuètes prônée par certains.

Krieg - 10/10