Sleeping Church Records, 2024
Sludge doom death, Finlande
Album CD
Vous l’aimez comment le doom ? Traditionnel, épique, funèbre, avec des seins ou plutôt méchant ? Goatroach correspond bien entendu à la dernière catégorie. Parler même de doom à son endroit semble presque inapproprié tant il patauge en vérité dans un stupre evil plus proche du vilain black metal que de Candlemass, Cathedral et consorts. Les Finlandais cochent ainsi toutes les cases de l’art noir le plus diabolique : nom du groupe qui fleure bon le satanisme de série B, titre d’albums à l’avenant, logo illisible, têtes de bouc dans tous les coins et chanteur (?) cagoulé dont le physique pas tellement rassurant rappelle un peu celui de son compatriote de Pasi Markkula (Bizarre Uproar). Mais tempos vicieux et brutalité goudronneuse dont les musiciens ouvrent avec largesse les vannes méphitiques doivent tout quant eux au sludge le plus rude. Bref, tout ça pour dire que Goatroach, bourru et malsain, ne rigole pas vraiment.
A première vue, "Satanic Decay" paraît être découpé dans le même patron que "Plagueborn" (2022), le menu trapu encadré lui aussi par une intro sinistre et une longue plainte rampante (à laquelle succède toutefois cette fois-ci une outro) en guise de conclusion sépulcrale. En fait, à l’exception de ‘Of Paperhats & Copied Sigils’ et ‘Cunting In Hell’ qui font les saigner les muqueuses, saillies préhistoriques néanmoins perforées de pesants coups de boutoir, ce second méfait s’enfonce plus encore que son prédécesseur dans la fente d’un death doom suffocant. Ainsi, à partir de ‘Unified In Ash’ léché par une brume lugubre et encrassé par des râles d’outre-tombe, chaque titre est a quelque chose d’une marche vers les entrailles de l’indicible.
Prisonnier d’une marée noire, ‘For Legacy’ n’enclenche jamais la seconde, ‘Horror Unending’ erre dans les corridors d’une bâtisse hantée, l’atmosphère corrompue et horrifique, la basse qui claque comme une peau tendue après des crocs de boucher. Annoncé par un ‘Satanic Decay’ qui, engourdi et morbide, semble ne jamais vouloir démarrer, ‘Intoxicated By Necromancy’ écarte durant plus de huit minutes les cuisses d’un doom putrescent, inexorable et agonisante descente dans les profondeurs charbonneuses de boyaux souillés par une absolue décrépitude. Instrumental possédé, ‘Chant Of The Armageddon Hybrid’ referme enfin sur nous la lourde porte de cette demeure impie, à la façon d’un caveau scellé à jamais.
Avec "Satanic Decay", reptation viciée dans une demeure habitée par des forces obscures, Goatroach a perdu en âpreté brutale ce qu’il a gagné en malfaisance sinistre. On ne s’en plaindra pas.