Les Acteurs de l'Ombre Productions, 2018
Black Metal, France
Digipack
2018 fut une année plutôt bonne en termes de black metal, bien que peu intéressé par beaucoup de sorties, certains albums ont su se démarquer du lot et rester dans le crâne un certain temps. J’ai découvert aussi certains groupes qui m’ont fortement marqué. Parmi ces groupes il y a BÂ’A, apparaissant de nul part sur un split sortit chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. C’est de ce split que nous allons parler aujourd’hui, entre deux masses immenses de travail, parce qu’il le mérite.
Tout d’abord, ce split est sortit en Octobre 2018. Il m’aura fallut 2 mois pour l’écouter sous tout un tas d’états physiques différents, pour l’analyser et en sortir le meilleur.
Trois groupes viennent ici interpréter 2 morceaux chacun, Bâ’A ouvre la danse, suivit de Verfallen et ensuite d’Hyrgal qui possède le plus de renommée dans ce trio.
Bâ’A ouvre donc la valse avec Les Terres de la Terreur. Des trois groupes, c’est celui que j’ai le plus aimé. On ne possède pas d’informations sur ce groupe, juste un nom et des morceaux. Le fait de ne pas avoir de visuel sur les membres du groupe ni de renseignements quelconques rend leur musique plus intéressante encore, et renvoie à l’époque où il n’y avait pas d’internet. De parfaits inconnus font de la musique et nous en mettent pleins les oreilles. L’aura de ce groupe est alors un peu mystique et c’est ce que montre leur musique, plongeant dans une atmosphère qui tient en haleine. On se retrouve dès les premières notes plongés peu à peu dans une eau sombre. Ils reprennent les codes assez classiques du black atmosphérique, à savoir pas mal de répétitions mais c’est ce qui leur permet d’installer justement ces ambiances pour toucher l’être, et sur Les Terres de la Terreur on peut également entendre avec plaisir une composition orchestrale au clavier du groupe qui arrive puis meurt pour laisser place au froid. Cette composition tient en haleine et nous propulse dans l’ether avant de nous suspendre par un fil dans le vide.
La Grande Désillusion possède aussi ses propres atouts comme un chœur en fond, apportant un plus dans l’immersion atmosphérique du groupe. Les mélodies restent en tête et on peut ressentir une forme de mélancolie dans les guitares. Le chant écorché n’est pas linéaire et on peut constater de l’émotion lors de la déclamation des textes. La progression et l’aura mystique du groupe contribuent à faire de Bâ’A un mystère, comme une image qui reste en tête pendant longtemps. On scrute le néant et on se laisse happer par la musique de ce groupe qui est certainement celui qui m’a le plus marqué dans ce split. On veut alors en entendre sur une plus longue durée.
Verfallen est un one-man band composé du batteur d’Hyrgal qui ici fait absolument tout. Derelictus est le morceau qui l’a fait connaître un peu plutôt. La composition se veut beaucoup plus rentre dedans que celle de Bâ’A. On sent même une petite touche d’Hyrgal dedans. Les riffs sont accrocheurs, variés et le travail sur la mélodie est monstrueux. On varie entre l’epic et l’agressif, en résulte un côté plutôt dramatique mis en avant par quelques breaks instrumentaux. On peut même y retrouver un passage de guitare acoustique, plutôt rare dans le style employé ici. Vient ensuite une montée progressive qui à un moment explose et déchaîne la fureur d’Asmyrdhen de Scythe jusque la fin du morceau. Asmyrdhen impose ainsi un black mélodique puissant et varié !
La valeur des ténèbres commence de manière beaucoup plus sombre, le chant raconte alors aux étoiles toute la peine et la haine à l’intérieur de son être. Place ensuite aux hurlements, qui s’accompagnent d’une instrumentation de plus en plus violente pour venir se déchirer et déferler tel un boulet de canon. La haine est souvent accompagnée du désespoir, ici représenté par des notes de guitare au loin, le chant clair résonne alors comme une main tendue vers le soleil. Mais en voulant trop s’approcher des astres on se brûle et on finit par chuter. On redescend dans l’enfer, avec toujours cette lumière en vue au loin. Le travail sur le chant est intéressant ici car poussé, polyphonique et mourant avec la musique.
Là aussi, Verfallen est une très bonne découverte et on a envie d’en entendre plus.
Hyrgal conclu ce split. Césure ouvre cette danse de 2 morceaux sur des rythmes plutôt lancinants, on se dandine de gauche à droite, lentement. Tout le morceau se veut être une exploration d’une nouvelle facette du groupe plutôt intéressante. Même en explosant à la toute fin, le groupe a su nous tenir en haleine jusque là ce qui n’est pas un exercice forcément aisé.
Sicaire se veut plus classique quant à lui. La pression s’installe dès le début, on est comme un fou enragé dans une camisole de peau. La colère veut sortir, et lorsqu’elle sort elle est contenue à nouveau par la prison de chaire. Les riffs rappellent beaucoup Serpentine et affirment ce qu’on avait pu entendre d’eux jusque là. Ça y est, le groupe confirme son identité, et c’est toujours aussi bon ! Le travail sur les vocaux est aussi intéressant, on peut noter ainsi la présence de backs apportant un côté mystique au morceau vers le milieu et accompagne le tout vers une mort lente pour laisser place à la pluie et à quelques notes mélancoliques de guitare au loin, concluant à la perfection 53 minutes d’une expérience auditive intense.
Même si les groupes opèrent dans un style déjà vu et revu de nos jours, le travail présenté est poussé et bien fait. Les musiciens se sont appropriés le genre musical pour y mettre leur propre patte ce qui donne une âme aux compositions et les rends intéressantes. Pour Bâ’A et Verfallen, on constate une grande maturité dans les compositions ce qui n’est pas donné pour des groupes plutôt jeunes. Pour Hyrgal, on peut espérer une excellente suite à Serpentine qui avait aidé le groupe à se hisser vers la surface.