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Kipling : Lives & Walls

KIPLING - Lives & Walls

M & O Music/No Clue Entertainment, 2009

Emo Rock, France

CD

Sorti en Octobre 2009, Lives & Walls de Kipling avait à l'époque secoué son petit monde. Débarqués rapidement depuis l'underground jusqu'aux plateformes de grosse distribution type Fnac, les outsiders Lyonnais ont fini par faire figure d'exemple pour le reste de la scène emo/melodic-hardcore. Une lueur était alors descendue des cieux pour illuminer Kipling de mille feux l'espace d'un instant. Mais le temps a passé. Le groupe doit désormais confirmer pour maintenir son statut. Aujourd'hui, le groupe court à nouveau après cette étincelle merveilleuse qui les a vus prendre de l'altitude au-dessus du rock indé français grâce à i] Lives & Walls .

Car non, « emo », ce n'est pas une insulte. Et Kipling assume une partie de cette dénomination. Mais le groupe a surtout compris que pour faire son trou il faut échapper aux idées pré-conçues. Alors oui, le combo est « emo » du premier coup d'oeil, c'est indéniable. La chanson d'ouverture Lives & Walls le confirme. Le chant mélodique est au premier plan, porté par des guitares s'offrant des arpèges cristallins au milieu de passages où la distortion reprend ses droits. La batterie impose un style nerveux où les D-beats entêtants se frottent à une basse à la présence forte. Sur le papier, on est en plein dedans. Mais Kipling n'a rien à voir avec le stupide emo sucré qu'écoute ta petite soeur qui se dessine des étoiles au marqueur pour poser sur Facebook. Le son est intelligent, les compositions posées, le tout comme gage d'une maturité certaine. On risque d'ailleurs d'être surpris en apprenant que le groupe s'est formé en 2007, à l'époque encore un peu plus inspiré par un stoner rock dont on sent encore l'ombre planer ici, comme sur la piste (Ghosts). Autre preuve de talent, la violence reste le plus souvent contenue, la rage n'éclatant qu'à quelques moments clé de la galette. Les fans de mosh-parts seront déçus : ils devront aller voir ailleurs. Alors non, la section rythmique ne cavale jamais après des riffs over-burnés à la ATREYU. Mais le groupe n'offre jamais en pâture l'horreur de mélodies de guitare dégoulinantes de sucre cachées derrière le rimmel d 'Escape The Fate non plus. Kipling se pose comme un corbeau au milieu de cette scène emo qui ne lui ressemble finalement pas tant que ça, quitte à en faire un constat plutôt pessimiste.

La musique s'égrène alors sans artifices mais dégage des instants enlevés (certains diront « post-hardcore »...), forts d'un songwriting inspiré. Mais cela ne suffirait pas à en faire une bonne formation. Le petit plus des Lyonnais, c'est ce chant toujours touchant mais jamais caricatural. A poil dans Heroin , c'est sur la superbe Black Eyed Doll , écrin emo-rock au refrain habité, que s'affirme la voix comme atout majeur de l'entité Kipling. Cette chanson porte d'ailleurs l'album, moins single que la chanson-titre, mais surtout moins téléphonée que le final Eyes Opened . Chaque instrument porte toute notre attention sur l'organe puissant du chanteur, pérégrinant délicatement entre les toiles tissées par les arpèges de guitare avant de se frotter à une section rythmique d'école lors de refrains catchy mais rarement racoleurs.

Loin de la hype putassière qui entoure le style la plupart du temps, Kipling mélange savamment ses influences heavy rock et screamo pour offrir une sorte de quintessence atteinte sur quelques morceaux de bravoure. Cet album sait se faire rageur ( Heroin ), burné ( (Ghosts) ), fédérateur ( Eyes Opened ) et même pop ( Lives & Walls , le refrain de Stolen Days ). C'est grâce à cette polyvalence maîtrisée que Kipling fait de Lives & Walls un album doux-amer touchant et abrasif. On attend la suite.

Azentrius - 8/10