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Léthifère : Imprécation

Ancestrale Production, 2022

Black Metal, France

Album CD

Une question pour commencer : Où Erroiak trouve-t-il le temps de participer à tous les projets qui l'occupent ? En effet, de Enterré vivant à Kaldt Helvete en passant par Suicidal Madness sans oublier ce qu'il grave sous son propre nom, on ne compte donc plus les albums où s'immiscent son chant, ses claviers ou autres. Dort-il ? Mange-t-il ? Va-t-il aux petits coins ? Est-il même un être humain ? Le mystère demeure. Toujours est-il qu'un nouveau disque sur lequel il figure vient gratter nos oreilles. Imprécation est le premier véritable opus ruminé par Léthifère dont le potentiel certain a été défloré par Envie la mort, petit effort d'une vingtaine de minutes qui nous avait furieusement donné l'envie d'en écouter davantage. Ce méfait nous en donne ainsi l'occasion.

Pour ceux qui auraient raté l'épisode précédent, sachez que ce groupe prend la forme d'un duo que notre stakhanoviste anime avec Bertrand Cunin (Aeterna Tenebrae), autre multi-instrumentiste tout entier consacré à la cause d'un black metal orthodoxe et séculaire. Habillé d'un noble digipack, Imprécation s'articule autour de cinq pistes dont la dernière, 'Dénouement', est un instrumental que tapissent les claviers aux teintes gothiques du sieur Erroiak soulignés par les lignes nocturnes mais toujours mélodiques du guitariste pour un résultat du plus bel effet évoquant les grandes heures de l'art noir dans sa définition emphatique.

Comme son prédécesseur, ce recueil sombrement poétique ne cherche nullement à rénover le genre, il s'inscrit au contraire dans une longue tradition écartelée entre l'école scandinave et une expression à la fois sèche et ténébreuse enracinée dans notre terreau national. Les progrès consentis depuis le EP séminal n'en sont pas moins évidents. Les compositions forgées par le tandem ont gagné en ampleur sinon en grandeur, cependant qu'elles s'accrochent bien plus à la mémoire que leurs devancières, le socle plus solide, la construction plus sinueuse. On en veut pour illustration le titre homonyme dont les plus de sept minutes aussi rocailleuses et torrentielles dressent dans la nuit un paysage rapide que creusent des mélodies obsédantes.

Même constat pour ce 'Conscience' qui conjugue la froide férocité du Grand Nord et l'éclat grésillant de guitares nourries au heavy metal. Leur durée plus étirée confère à ces plaintes une dimension épique inédite à l'instar de 'Révélateur' qui galope pendant près de neuf minutes sur un terrain meurtri que trouent de vertigineuses crevasses au fond desquelles bouillonne tout le fiel dont est capable un Erroiak plus possédé que jamais. Tout du long, Léthifère imprime une noirceur incisive que ne bâillonnent pas réellement les atours mélodiques qui grouillent sous la surface.

Imprécation confirme les belles promesses esquissées par Envie la mort, qu'il charpente d'un matériau plus étoffé, plus riche sans perdre cette simplicité granitique qui irrigue ce black metal venu du fond des âges, échappé d'un nuit sinistre et mystérieuse.

Childeric Thor - 7.5/10