Release Entertainment, 1998
Dark Ambient industriel, Suède
CD
Attention, chef d'œuvre ! Si Megaptera n'a, au cours de sa carrière, jamais commis de réel faux pas, il est certains de ses albums à largement outrepasser la masse de releases en tous genres produite par le groupe. Et l'album présent, comme le montre la première phrase de cette chronique de manière peu subtile (on n'est pas toujours au top), fait partie de ceux-là.
\" The Curse Of The Scarecrow \", ou un concentré de ce que Megaptera a su produire de mieux durant ses 15 années d'existence. Le Dark Ambient dans son ensemble, quelles qu'en soient les influences, est ici porté à son apogée : si le mastodonte suédois ne brise en aucun cas les limites strictement musicales du genre, son utilisation des composantes inhérentes à celui-ci force le respect. Les longues nappes malfaisantes, troubles et étirées à l'envi, posent le décor, et surviennent perpétuellement de lourdes percussions directement issues de la musique industrielle. Si leur tempo n'est pas des plus variés, ces rythmiques sont hypnotiques et terriblement angoissantes. Jamais la cadence ne varie, jamais le cycle infernal ne semble se briser. Tout juste peut-on noter, de temps à autres, l'arrivée de nouveaux effets sonores ou de samples, dont la présence ne viendra que renforcer l'opaque terreur dispensée par le groupe.
Megaptera s'étend et prend en consistance. Il répand son aura sinistre tel un voile sombre et, sans crier gare, nous happe dans un univers hostile, miroir du désespoir. C'est la chute. L'effondrement dans un abysse sans fond, dénué de tout chemin pour revenir à la surface. Les ténèbres qu'il décrit sont immuables, son tourment éternel. Le climat devient suffoquant, et l'ambiance se fait mortuaire.
Les portes se referment lourdement derrière vous. Vous voilà seul, l'unique écho de vos pas vous accompagnant. L'air est vicié, et l'obscurité ambiante semble progressivement s'emparer de votre être. L'angoisse. Que faites-vous ici ? Des bruits résonnent dans le lointain. La peur, viscérale et soudaine, incontrôlable. Il vous faut quitter cet endroit au plus vite. Les bruits se font de plus en plus pressants et répétés, à présents presque distincts : quelqu'un, quelque chose peut-être, crie. L'effroi, la panique. Il faut trouver une issue, et rapidement. Couloir après couloir, vous arpentez les méandres de ce qui pourrait être un vieil entrepôt désaffecté, une ancienne usine laissée à l'abandon, ou un hôpital psychiatrique depuis longtemps inusité. Quel qu'il soit, l'important est de fuir cet endroit.
Mais les ombres se resserrent. Et, même lorsque vous croyez enfin entrevoir un halo de lumière salvateur, l'éclat de celui-ci s'éloigne au fur et à mesure que vous avancez.
La folie. Confusion, désorientation ; perte des sens, et peu à peu votre vue se trouble. Profitez bien des quelques instants d'humanité qu'il vous reste : ce seront les derniers.
PS : Aux amateurs de sensations fortes ayant été tentés par cette modeste description, ne foncez pas bille en tête à moins d'être déjà familiers au genre, vous risqueriez de ne pas trouver satisfaction. La musique de Megaptera est en effet en tous points abstraite (la qualification même de « musique » peut être critiquée, si on s'en tient à une définition classique du terme), et il n'est pas toujours évident de se plonger dans l'univers qu'il dépeint. L'album idéal pour débuter est à mon humble avis le tout récent live \" Disturbance Ritual \", qui présente un Megaptera peut-être plus évident à cerner.
PS2 : Une très légère faiblesse en fin d'album m'empêche de mettre à \" The Curse Of The Scarecrow \" la note maximale. Rassurez-vous, ces derniers titres sont tout de même d'une qualité plus qu'honorable.