Cursed Monk Records, 2024
Post Doom, Belgique
Album CD
Oldd Wvrms est depuis toujours un groupe insaisissable, n’empruntant jamais les boyaux dans lesquels on croit qu’il va s’abîmer. Déjà son nom à l‘orthographe bizarre dit quelque chose de cette identité mouvante, fuyante qui macérait à l’origine dans un stupre à la fois bestial et marécageux (Not) avant de changer de peau à chaque nouveau rituel, plus doom et rugueux quoique toujours hachuré d’un occultisme charbonneux. Résultat, Ritae, Ignobilis et Codex Tenebris ne semblaient pas avoir été enfantés par les mêmes géniteurs qui ne nous avaient pas vraiment préparé à évoluer vers cette moelle entièrement instrumentale que leur troisième procession a étonnamment pétrie, malaxé, au burin.
Les Belges ne sont donc jamais là où on les attend, notamment lorsqu’ils décident de se saborder en 2019 (et lancer pour deux d’entre eux un nouveau projet baptisé Le monde par le feu) ou, contre toute attente, se reformer cinq ans plus tard alors que nous pensions Oldd Wvrms définitivement enterré ! Abysséphale scelle ce retour inespéré. Une première question se pose à son sujet : dans quel bois est-il taillé ? Il serait tentant de le décrire comme reprenant les choses là où les a laissées son prédécesseur, Codex Tenebris dont il fore la même roche instrumentale pour en découper des tranches aux dimensions cyclopéennes.
Ce raccourci paresseux ne résiste toutefois pas à une défloration attentive qui révèle encore une fois un groupe en perpétuel mouvement. Ainsi et quand bien même ce quatrième opus ne diffère pas radicalement de son devancier, le fait est que le groupe continue de travailler son matériau en fusion, le plongeant dans un baquet toujours plus sophistiqué qui n’en corrode pourtant ni la sourde tension ni la lourde charpente. Son découpage en deux segments (d’un quart d’heure environ chacun) n’est pas le caractère le moins singulier d’Abysséphale. Selon Ben, le guitariste, ‘Omniscient’ et ‘Omnipotent’ incarnent en quelque sorte les deux faces d’une même expression cathartique de la dépression, cérébrale (la première) et physique (la seconde).
Ce thème commande une approche désormais plus sinueuse, tout en progression, laquelle pousse l’oeuvre sur le chemin escarpé d’un post doom meurtri dans sa chair, qui n’est pas sans évoquer de part son bâti instrumental et quasi évolutif les travaux du défunt et injustement méconnu Caldera (Mithra et Centralia plus particulièrement), même s’il s’avère peu probable que les Belges aient consciemment pensé à lui. Dans tous les cas, ces deux pièces forment les deux étapes d’une seule et unique procession, accablée mais teigneuse, solennelle mais vigoureuse et dont la fin de parcours tient de l’orgasme funèbre lorsque le tempo s’emballe, néanmoins toujours prisonnier d’une gangue terreuse qui en avorte les fragiles velléités atmosphériques sinon lumineuses.
Résurrectionnel, Abysséphale marque le retour aussi inattendu qu’inespéré d’un Oldd Wvrms dont on devinait qu’il n’avait pas encore tout dit.