La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

Peine Kapital : Infraordo

Sludgelord Records, 2022

Sludge crasseux, France

EP Tape

Quelques mois à peine après nous être fait saigner les muqueuses par Ecchymoses, qui a en laissé de nombreuses dans notre chair mais aussi dans notre âme abîmée, étions-nous vraiment prêts à tendre déjà l'autre joue, à ouvrir la bouche pour sucer la nouvelle hostie infâme régurgitée par Peine Kapital ? Non (un peu) mais oui (surtout).

Non parce l'idée de se prendre encore en pleine gueule des crachats aussi nauséabonds, de s'infliger une expérience sonore aux allures de coloscopie un peu rude, tient quand même du masochisme pur et simple. Oui car la jouissance jaillit de la douleur, de la souffrance. Au surplus, à grand coup d'uppercuts (démo, EP et split divers), les Français se sont imposés comme une valeur (très) sûre en matière de sludge doom ferrugineux souillé de grumeaux punk et hardcore, raison supplémentaire pour dire tout le bien qu'on pense d'eux et de s'enfoncer dans le charnier fumant dont ils remuent le contenu obscur et malveillant, rempli de toute la haine, de toute la merde chiée par une humanité de plus en plus malade, de plus en plus ravagée.

Infraordo est donc le nouveau méfait dégueulé par Peine Kapital. A l'instar d'Ecchymoses, la chose ne dure pas très longtemps, moins de trente minutes. Elle en reproduit également la même négativité teigneuse et débraillée, la même noirceur nihiliste et révoltée. De ses entailles hurle toujours ce chant râpeux, biberonné au Destop. De ses viscères suintent ces guitares stridentes polluées par la rouille. De ses tripes gronde ce souffle percussif, coups de boutoir sismiques qui résonnent comme le pouls d'une société pestilentielle que ronge une tumeur en phase terminale ('Thanatocratie').

Mais contrairement à son devancier que ne dévorait qu'une seule piste de près de vingt-cinq minutes, ce nouvel EP est écartelé entre quatre morceaux. Il n'en reste pas moins un bloc de matière brute, dressé comme un vît gonflé d'une semence corrompue qui nous pénètre dans sa totalité asphyxiante. Les saillies s'enchaînent avec une agonie aussi malsaine que rampante, qui contaminent toute trace vie et de lumière, charriant un stupre méphitique. Survolté et fielleux jusqu'à la nausée, le trio déverse avec toute sa force crasseuse et sa férocité corrosive son flot engourdi, pétrifié jusqu'à la rupture ('Infraordo'), étirant la douleur avec une vicieuse gourmandise pour atteindre le point de non-retour dans les profondeurs suppliciées qui nous aspirent, nous mâchent et nous recrachent comme les déchets que nous sommes.

Avec encore une fois, au bout du manche, cette radicalité, cette brutalité définitive, cette laideur punitive qui fermentent l'identité des Strasbourgeois. On sort exsangues, lessivés d'un tel concentré de sévices atrabilaires et néanmoins heureux comme après un coït sévère mais intense.

Childeric Thor - 8.5/10