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Sinweldi : Acta Fabula Est

SINWELDI - Acta Fabula Est

La Caverne du Dragon, 2010

Neofolk, France

Full-lenght

Errant à la recherche de son identité, Sinweldi nous offre ici un nouveau full-lenght. Avec Albert S. aux commandes, parfois aidé d'une tripotée de malpensants qui viennent poser leur voix ou remixer un morceau, la formation neofolk a déjà su se trouver quelques fans parmi les amateurs, comme en témoignent les chroniques qui avaient accueilli son tout premier EP ( Is Europe dying ? ), malgré les défauts techniques de celui-ci. Il faut dire que le lyrisme du chant d'Albert, l'étrange charge émotionnelle d'accords de guitare sèche pourtant assez simples, avait touché juste. Qu'en est-il avec Acta Fabula Est , énième sortie du projet (après divers splits) et deuxième album \"officiel\" ?

Le premier titre s'ouvre sur une introduction au clavier, avec une sorte de beat un peu trip-hop (!) qui vient mettre du volume sur l'air binaire de l'instrument électronique. Simple, mais efficace ; on y en entend déjà quelques samples, l'un politiquement incorrect puisqu'il s'agit de l'extrait d'un discours prononcé par un certain Léon D., vétéran du front de l'est et auteur d'un livre interdit sur Tintin, l'autre plus lascif et probablement tiré d'un film pour adultes. Le deuxième morceau, véritable entrée en matière de l'album, se constitue d'un rythme très électro-dark quoique très calme et d'un joli chant féminin interprété dans la langue de nos voisins d'outre-Rhin.
Décrire chaque morceau gâcherait les surprises qu'on y trouve. Je dirais seulement que la plupart sont variés, avec des sons tantôt folk (guitare sèche, harmonica, instruments émulés au clavier), tantôt indus et lorgnant franchement vers l'électro. Bien que ces derniers soient tout à fait réussis, ma préférence va vers ceux joués à la guitare. Simples, dépouillés ou renforcés par une guitare électrique au rôle d'accompagnement, ils portent à merveille le chant d'Albert. Un chant parlé, lyrique, plus juste que dans les autres albums. Pas de doute, l'ami Sinweldi a compris les faiblesses de son propre travail et y a nettement remédié. On n'entend plus la boîte à rythme gâcher ou alourdir le reste du morceau ; au contraire, elle le porte d'une façon désormais agréable et insensible, c'est-à-dire assez naturelle pour être agréable à l'oreille. Quant au chant d'Albert, il n'a pas changé, à cela près qu'il est plus maîtrisé, plus modulé, moins brouillon. Tout est dans la nuance. Et toujours ces fameux samples, historiquement datés et politiquement incorrects, malgré une apparition du général de Gaulle !
Mention spéciale au titre \" Honneur \", empreint de puissance rentrée et de sincérité, ainsi qu'à la mise en musique du poème \" Mon pays me fait mal \" de Robert Brasillach, une valeur sûre de la littérature du XXème siècle mise au pilori par nos officiels et honorée par des artistes talentueux comme Sinweldi...
Si je devais faire un reproche à cet album, ce serait du chipotage, étant donné la qualité et l'émotion douce et consistante qui émane de l'ensemble. Enfin, je vais tout de même faire mon critique pointilleux : le titre \" Europe Jeunesse Révolution \" est assez peu original, trop typiquement faf à mon goût et pas assez dégagé des contingences politiques du moment. Cela n'empêche pas les autres morceaux de constituer un ensemble difficile à classer (on peut dire qu'il s'agit de neofolk, mais Acta Fabula Est est plus léger, plus indus, moins répétitif que les habituels projets du genre). Ici, point de gros bras ou de B.A.R. avec trois martèlements de tambour en boucle. Nous sommes plutôt dans la rêverie volontariste d'un esprit romantique et créatif qui ne sait pas trop trouver sa place dans le monde et qui, à défaut, s'entraîne et créée autant qu'il peut, avec une puissance émotionnelle sincère - et, au moins à partir de cet album, une certaine maîtrise de tout ce qui permet de réussir ses morceaux.

Ni programme politique achevé, ni simple galette neutre politiquement (bien au contraire !), AFE évoque une prière pour l'avenir de l'Europe, le désir d'une route à tracer que l'on matérialiserait en esprit à partir de paroles du passé et du présent. Du neuf avec du vieux et du neuf, en somme. Sans aucun doute, un album à écouter impérativement, qui aura en plus l'avantage de reposer les oreilles des chevelus traînant habituellement sur ce site.

M.O.I. - 9/10