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Etat Limite

Black Metal, France

08/08/2022

Avoir l'occasion de découvrir un véritable artiste est toujours un plaisir. En savoir plus sur lui et son parcours, permet à moi et à vous, chers lecteurs, d'appréhender encore mieux son oeuvre. Rencontre avec Wintersieg d'Etat Limite. Une prochaine offrande arrive d'ailleurs bientôt...

 

Tout d'abord un grand merci d'avoir accepté cette interview pour la Horde Noire. Peux-tu te présenter ?

Je suis Wintersieg, créateur/compositeur/interprète du projet de black metal atmosphérique Etat Limite, ancien chanteur de Lying Figures (doom/death) et Octavion (metal electro/indus), et compositeur de divers autres projets solo allant du dark ambient à l’electro.

Avant de parler plus précisément d'Etat Limite, serait-il possible de commencer par le dernier album de Deinos Mastema, A Funeral Show, ton projet musical qui a débuté il y a 20 ans et qui se termine par cet opus ?

Deinos Mastema est mon tout premier projet solo que j’ai créé en 2003. J’ai sorti quelques démos et albums sur des petits labels entre 2006 et 2008, avant de faire une pause pour me consacrer à mes autres groupes. En 2014, j’ai eu l’envie de recomposer du black, alors j’ai composé et enregistré un album nommé « The Forgotten Plain ». J’avais démarché quelques labels à l’époque mais je n’ai essuyé que des refus alors j’ai décidé de sortir cet album en écoute et téléchargement gratuit sur bandcamp en 2015, dans l’indifférence la plus totale. Puis j’ai remis ce projet en pause, toujours pour me consacrer à Lying Figures et Octavion. Début 2022, je réécoutais cet album et je me suis dit que c’était dommage de ne pas en avoir fait quelque chose car j’en étais assez fier. J’ai donc décidé de le produire moi-même en petite quantité. J’ai retravaillé sur le mastering, j’ai refait tout un artwork et ça a donné « A Funeral Show » qui est sorti en juin 2022, coproduit par le label Huard Productions. 

Vois-tu en Etat Limite la suite de Deinos Mastema ou plus comme une descendance de celui-ci ? Pourquoi arrêter l'un pour commencer l'autre ?

Oui Etat Limite est en quelque sorte le fils spirituel de Deinos Mastema. En 2020, j’ai composé et enregistré un album qui devait être un nouvel album de Deinos Mastema. Mais les compositions n’avaient plus grand-chose à voir avec Deinos, elles étaient plus élaborées et le son était bien meilleur que mes anciennes productions. Tout ce que j’ai sorti avec Deinos avant « A Funeral Show » est vraiment mauvais, que ce soit au niveau des compos ou du son. Malheureusement, tout est disponible sur Youtube et les premières choses sur lesquelles on tombe quand on cherche Deinos Mastema, ce sont tous ces morceaux inaudibles et dont je ne suis pas fier. Je ne voulais plus que l’on associe ma musique à de la musique bas de gamme et sans originalité. J’ai donc pris la décision de mettre un terme à Deinos pour créer un nouveau projet, repartir sur de nouvelles bases plus solides et ainsi naquit Etat Limite.

 

 

Avec L'affrontement de l'intime, le premier album d'Etat Limite, tu frappes un grand coup dans la famille du black metal. Comment se sont déroulés la composition et l'enregistrement de celui-ci ?

Ça a été très rapide en fait, pour ce qui est de la composition et de l’enregistrement en tout cas. J’ai composé et enregistré l’album en une semaine pendant le premier confinement. Ensuite j’ai mis près de deux ans à travailler sur le mixage et le mastering.

Ton art se veut envoûtant, cathartique même et pourtant apportant à chacun une interprétation différente. Quels sont les thèmes abordés par ce merveilleux disque ? Est-ce un concept-album ?

Ce n’est pas un concept album à proprement parlé dans le sens où il ne raconte pas une histoire particulière qui se suit de morceaux en morceaux. Cependant, les thèmes abordés gravitent plus ou moins autour de sujets récurrents et personnels qui se rejoignent. Mes textes traitent, en général, de la dépression, des troubles psychiatriques (en particulier l’état limite), des comportements autodestructeurs… Les textes de Usher sont dans le même état d’esprit.

Un prochain album est en route, pour la fin de l'année, si je ne me trompe. A quoi peut-on s'attendre ? Une suite de L'affrontement de l'intime ou autre ?

En fait, deux albums sont déjà composés et enregistrés. Le deuxième album, « Chaque être est un Hymne Détruit », devait être un EP à la base, regroupant tous les morceaux que je n’avais pas gardés pour « L’Affrontement de l’Intime », mais comme il fait plus d’une heure, avec 9 morceaux, j’ai décidé d’en faire un album. C’est un album plus personnel, plus direct, avec un côté plus doom sur certains morceaux. J’avais déjà enregistré le chant sur la plupart des morceaux à l’époque de l’enregistrement de L’Affrontement, Usher ne faisant pas encore partie du projet. C’est donc moi qui chante sur 7 des 9 morceaux, Usher va se charger des deux morceaux restant car je ne voulais pas le laisser totalement en dehors du projet. Cet album devrait sortir fin 2022, si tout va bien.
Pour l’album suivant, « Sur les Cimes du Désespoir », qui sera donc le troisième album d’Etat Limite, toute la partie instrumentale est terminée et mixée. J’ai déjà enregistré le chant sur 3 morceaux. Les compositions de cet album sont plus complexes, assez violentes tout en gardant ce côté mélodique et mélancolique.  

 

 

Tu as toujours - ou presque - réalisé ton art en one man band (le presque est par rapport à Usher). Tout contrôler t'assure-t-il un rendu exact de ce que tu as en tête ? L'idée de faire un groupe ne n'-t-il jamais traversé l'esprit ?

Ces 20 dernières années, j’ai essayé plusieurs fois de monter des groupes, mais à chaque fois, ça n’aboutissait jamais car je n’arrivais pas à trouver de musiciens. Peu de temps après l’enregistrement de L’Affrontement, j’avais dans l’idée de faire d’Etat Limite un vrai groupe. J’ai commencé à chercher des musiciens, mais encore une fois, impossible d’en trouver. Et j’avoue que je travaille mieux et plus sereinement seul. Quand je compose, j’ai des idées précises en tête, je sais où je veux aller et mes compositions sont le reflet de mes états d’âme. C’est un exercice cathartique que j’ai du mal à partager. 

Comment t'es venu l'amour de la musique en général et du metal extrême en particulier ? Aimer est une chose mais la pratique en est une autre. Par quel instrument as-tu commencé et quel est ton préféré aujourd'hui ?

J’ai vraiment commencé à m’intéresser à la musique vers l’âge de 8 ans. Mon grand frère était keupon et me faisait écouter plein de groupes de punk français comme les Bérurier Noir, Molodoï, Ludwig Von 88, les Garçons Bouchers… J’aimais l’énergie qui se dégageait de ces musiques et, étant quelqu’un d’assez timide et réservé, surtout quand j’étais gosse, ça me permettait de me défouler et de lâcher toute la pression que je me mettais inutilement. Vers l’âge de 11/12 ans, quand j’ai commencé à comprendre le sens des paroles des groupes de punk que j’écoutais et le côté très politique et militant de ce mouvement, j’ai complètement arrêté d’en écouter. J’ai alors découvert le metal avec des groupes comme Metallica, Judas Priest, Therion et Anathema. Puis je suis tombé sur l’album « Cruelty and the Beast » de Cradle of Filth, et là ça a été une révélation ! J’avais trouvé LE style de musique qui me correspondait le plus, à savoir le black metal. À l’époque, fin des années 90, on n’avait pas les réseaux sociaux, Youtube ou Bandcamp alors je découvrais les groupes à la médiathèque, en me fiant aux pochettes d’albums. Puis on a eu internet à la maison et j’ai pu creuser en profondeur pour trouver des groupes plus underground, plus extrêmes et j’ai découvert le DSBM avec des groupes comme Abyssic Hate, Xasthur, Forgotten Tomb… C’est à ce moment que je me suis dit « je veux faire ce style de musique », et j’ai créé Deinos Mastema. Aujourd’hui, je n’écoute plus beaucoup de metal, je n’écoute pas énormément de musique de manière général en fait. J’ai toujours préféré créer qu’écouter. Bien sûr, j’écoute toujours des albums de black ou de doom qui m’ont accompagné depuis l’adolescence, mais j’écoute plus de post rock, d’electro au sens large (psytrance, deep house, darksynth, minimal…) ou même de la trap, que du metal.
J’ai commencé à jouer de la guitare à l’âge de 13 ans environ. Mon père jouait de la gratte acoustique, du Clapton, Neil Young… et je lui ai dit que je voulais aussi jouer de la gratte mais électrique. Je voulais absolument jouer le morceau « Spirit Crusher » de Death. Il m’a prêté sa guitare acoustique, m’a expliqué comment on lisait une tablature et m’a dit « maintenant, tu te débrouilles et si tu ne te décourage pas au bout de 2 jours, on verra pour t’acheter une guitare électrique ». J’ai persévéré, j’ai eu ma premier gratte, mon premier ampli et j’ai vite eu l’envie et le besoin de composer plutôt que de jouer des morceaux de groupes. Je ne me considère pas comme un musicien mais comme un compositeur. Quand je prends ma gratte, c’est pour composer et enregistrer, je ne joue jamais pour le plaisir de jouer.

Peux-tu nous dresser une liste des 10 albums qui ont marqué ta vie ?

Sans ordre particulier :
-    Blut Aus Nord:“Memoria Vetusta I”
-    Anorexia Nervosa: “Drudenhaus”
-    Summoning: “Let the mortal heroes sing your fame”
-    Anathema: “Alternative 4”
-    Desolation Triumphalis: “Forever bound to nothingness”
-    Emperor: “Anthems to the welkin at dusk”
-    Cradle Of Filth: “The Principle of evil made flesh”
-    Forbidden Site: “Sturm und Drang”
-    Psychonaut 4: “Dipsomania”
-    Xasthur: “Nocturnal Poisoning”

Un très grand merci encore pour cette interview donnée à la Horde Noire. Je te laisse le mot de la fin...

Merci à toi pour ton intérêt et ton soutien et merci à toutes celles et ceux qui prendront le temps de jeter une oreille sur ma musique.

 

Mika Hell