La Horde Noire Webzine metal extrême depuis 2002

K.A

Death Metal, France

29/11/2020

La Horde Noire a eu le plaisir de réaliser une chronique de l'excellent dernier album de K.A.  "Transfiguration  , une interview se devait d'être faite avec le créateur de la bête ...

1) Bonjour et tout d'abord un très grand merci d'avoir accepté une interview pour la Horde noire.

Salut à toi et merci à la Horde noire pour l’intérêt porté à l'album et au groupe.


Pour ceux qui ne connaissent pas K.A. (honte à vous fidèle lecteur !) pourrais-tu te présenter ainsi que le groupe?

H.RaM, bassiste, guitariste, chanteur, auteur, compositeur, producteur... j'ai beaucoup de casquettes que je revêts en fonction des différents projets que j'aborde. J'ai commencé la zic au lycée comme beaucoup d'ados, ce qui fait maintenant... presque 30 ans. J'ai monté K.A tout de suite avec 3 comparses à l'époque. L’expérience de groupe m’intéressait d'avantage que la théorie musicale. K.A a depuis eu une histoire riche en rebondissements...cela risque d'être long, mais je vais essayer de condenser.


La période de 1996 à  2000 a vu la sortie très confidentielle de 3 maquettes et 1 album (Mystic Ruins). Cela a permis de se faire les dents. Nous officiions à l'époque sous le nom « Kickers Ass », ce qui ne veut absolument rien dire ... Le niveau était faible, la production inexistante. J'ai décidé de ne plus utiliser ce « franglais » et de changer le nom du groupe en K.A (Kaos Addict ) en 2001 à l'occasion de la sortie du premier vrai album du groupe, « Obsessions ». Puis, en 2003 vient « Close-Up », en 2004 « D.Termination » qui a vu le départ de mon batteur de l'époque et mon premier travail avec un batteur de session pour cet album. S'en est suivi une longue pause...quelque peu forcée par la vie.
En 2011 et avec un line-up entièrement nouveau, nous avons sortie « Gestation », puis « Reborn...Again » en 2013 qui a vu lui le changement du soliste du groupe. Cette période est importante, dans le sens où nous avons gagné en notoriété et pu côtoyer de gros noms de la scène nationale. Encore une longue pause...toujours pour les même raisons...la vie. Et nous voici en 2020 et la sortie complète de « Transfiguration » avec, encore une fois, un line-up totalement différent. Il manque bien sûr beaucoup de choses dans ce résumé mais l'essentiel est là.


3) Vous avez sorti cette année le magnifique album " Transfiguration ". Quel a été le processus de création ? La musique, les paroles, l'artwork...tout semble être en adéquation, peut-on parler d’un concept album?

Totalement. J'ai pensé et architecturé l'album d'un seul bloc. Une lente descente dans les bas-fonds de l’âme humaine en perdition. Malgré une période axée sur les « one shot » et les clips qui vont avec, j'ai décidé d'être à contre courant et de proposer un concept album qui pourrait très bien être en une seule et même piste. « The Wall » est probablement ce qui m'a le plus influencé à ce niveau. La rencontre avec Thomas Menudier et CheeSalis, respectivement guitariste rythmique et soliste du groupe, a été déterminante pour la composition. L'émulsion de nos ressentis sur la vie en général et la retranscription en musique a été unique. Même si cela nous a demandé énormément d'énergie, d'investissement, au point parfois de nous mettre dans un état d'esprit extrêmement négatif dans nos vies respectives. On ne plonge pas dans ce genre de compositions sans en payer le prix si l'on veut que cela soit « vrai ». Nous composions parfois dans le noir, après des discutions difficiles sur nos vécus respectifs.
Cela s’est amplifié d'avantage encore lorsque j'ai été diagnostiqué insuffisant rénal en stade terminal et que j'ai dû passer sous dialyse en attendant une potentielle greffe de rein. Le morceau « Gaunt » parle de cette période qui m'a dévasté physiquement et mentalement. Thomas a composé le morceau « Omnipresent », que l'on a certes agrémenté mais au final peu retouché, le soir où il a appris ma maladie.


L'artwork a quant à lui été fait par Headsplit Design. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. Nous avons échangé quelques fois par téléphone, mais l'essentiel a été fait par messagerie. Ce que je peux dire à son propos, c'est que c'est une personne aussi torturée que moi, je pense. Ça a été difficile de le lancer... mais une fois la machine en route, il a mis tout son talent dans l'expression de ce que je voulais dire et a proposé cette pochette absolument magnifique : l'homme face à la somme de toutes ses peurs et ses angoisses. La production n'a pas été en reste, puisque j'ai choisi de travailler avec Mathieu Pascal (Gorod) pour l'enregistrement et Mobo de Conkrete Studio pour le mix et le mastering. Deux personnes que j'admire pour leur travail et leur talent, mais aussi humainement. Des gens qui mériteraient bien plus de reconnaissance...des gens vrais eux aussi. Et c'est tellement rare dans le milieu de la musique... Au final, on peut critiquer cet album sur bien des points, mais certainement pas sur sa sincérité. Tout le monde a été impliqué a 200% et sorti le meilleur de lui-même pour arriver au résultat définitif.


4) L'album contient majoritairement du très bon death metal mais on ressent beaucoup d'autres influences artistiques. Se diversifier dans un style aussi rigoureux et après tant d'années dans le circuit est-il  important pour toi ?

Je dirais que c'est même essentiel. Chaque album de K.A est différent. Je n'ai jamais voulu être dans la reproduction d'un schéma pré déterminé par d'autres. Même si je peux comprendre que lorsqu'un groupe trouve une formule qui marche, il l'a reproduise pour contenter son public et assurer ses ventes, cela va à l'encontre de ma vision de l'art en général. Lorsque j'ai commencé à réfléchir à cet album, la première chose que je me suis dite c'est « le public nous attend là, allons de l'autre côté ». Finis les power cords et place aux accords diminués. Finis les passages mélos et place à la dissonance. Finies les structures trop prévisibles et place à quelque chose de plus progressif. C'est aussi la première fois que je compose des parties complètes en instruments virtuels. Expérimenter est, normalement, le propre d'un artiste quel qu'il soit. Et je m'en fais un devoir. Je sais que cet album est probablement loin d'avoir contenté tout les fans des 2 opus précédents, mais très honnêtement, je m'en fiche. Le copier/coller ne m’intéresse pas et même si je sais que l'on a gagné beaucoup de fans sur le diptyque Gestation / Reborn...Again, je ne renouvellerais pas l’expérience. Surprendre est de mise, et c'est au public de suivre, pas l'inverse. Et s’il ne suit pas, et bien tant pis. Donc oui, beaucoup d'influences hors metal dans cet album. Jazz, classique, progressif, rock... et même en restant dans le metal, l'influence Black metal est d'avantage présente maintenant.

 


5) La composition de cette nouvelle offrande a duré 3 ans si je ne me trompe pas, avec le départ de votre batteur entre temps, magnifiquement remplacé pour cet album par Mr Kevin Paradis que l'on ne présente plus dans le milieu.... comment as tu vécu tout cela ?

Comme le parcours d'un combattant légionnaire (c'est dire...). 3 ans oui... et c'est long. Personnellement, entre le début de la composition et la sortie finale, j'ai vécu milles choses. Quatre déménagements, une rupture désastreuse, une maladie qui aurait pu me coûter la vie, une greffe... bref, la vie quoi. Et mes acolytes ne sont pas en reste en terme de vécu aussi, mais je ne parlerais pas pour eux. Toutes ces péripéties ont contribué à faire de Transfiguration ce qu'il est. Le départ de R.U.L. 6 mois avant l'enregistrement a été... très difficile. Un crève-cœur comme on dit, car au-delà d'être le batteur de K.A, c'était aussi un ami... et à ce jour, je ne comprends toujours pas son geste. Mais je ne peux aller contre les choix de chacun ; et si tel était son besoin, je n'étais pas en droit de le retenir. D’ailleurs, m'aurait-il simplement écouté. Ceci dit, cela m'a permis de découvrir Kevin. Un très grand de la musique extrême, c'est une évidence. Je n'aurais pas assez de superlatifs pour définir son travail. Et il faut bien voir qu'il a enregistré l'album au moment où il rentrait dans Benighted... ce mec est juste incroyable. Une force de travail démentielle et une passion pour son instrument comme j'aime : dévorante ! Et heureusement qu'il a répondu présent, car des batteurs de session, j'en ai démarché moult. Et certains français se sont avérés... vraiment peu dignes de confiance.


6) Chaque chanson a son âme et pourtant l'album s'écoute d'une traite. Les textes nous montrent la douleur sous toutes ses formes, puis la lumière avec la " transfiguration " , et enfin un retour sur la douleur en montrant que tous les moments de la vie se répètent . Est-ce que j'ai juste? 

Tout à fait. La vie est un cycle et l'album peut parfaitement être écouté en boucle. Chaque plage en amène une autre traitant de la suite des événements. Pour être plus clair, la vie est douloureuse. En écoutant l’album, tu commences par la dépréciation de soi-même, puis la douleur qu’engendre l'amour, l’effondrement dans la dépression, la douleur du corps qui dépérit, l'enfermement dans le spleen, la lypémanie, l'impossibilité de mourir malgré la douleur, l'omniprésence de la mort, l'abdication devant l'inéluctable et enfin l'acceptation de son état de simple humain mortel. Ces phases, tout le monde les vit, de manière plus ou moins forte. Mais il n'y a pas réellement de fin, de « bout du tunnel », simplement une remise à zéro du compteur lorsque le cycle est terminé. C'est assez pessimiste je sais, mais c'est comme cela que je vois la vie. Je te citerais les paroles du dernier morceau. « On naît seul, on vit seul, on meurt seul, seul, toujours seul. Et même quand on baise, on est seul. Seul avec sa chair, seul avec sa vie, qui est comme un tunnel, qu'il est impossible de partager. Et plus on est vieux, plus on est seul, face à quelques souvenirs d'une vie qui se détruit au fur et à mesure. » Les plus cultivés qui liront cette interview reconnaîtront cette tirade tirée d'un très grand film français que j'ai traduite pour l'occasion.


7) Lorsque la situation sanitaire le permettra, pensez-vous défendre " Transfiguration " en live? As-tu, comme beaucoup d’artistes en ce moment, profité du confinement pour écrire du nouveau matériel ?

Bien sûr, nous aimerions défendre notre album sur scène. Mais le fait de ne plus avoir de batteur nous en a déjà empêchés. Kevin ne peut assurer les concerts de tous les groupes pour qui il enregistre. Le problème c'est de trouver un batteur capable de refaire, du moins en partie, les lignes de Kevin. Et comme nous ne disposons pas d'une énorme notoriété, ça ne se bouscule pas au portillon pour entrer dans le groupe. J'ai bien essayé de recruter suite à tout ce bordel... mais j'ai vu et lu des choses de la part de différents batteurs français qui m'ont...choqués. En gros, si tu ne disposes pas d'un label ou que tu ne les payes pas, ils s'y refusent. Et il y a un problème de travail personnel évident. Oui, le metal demande beaucoup et je dirais particulièrement au batteur. Mais tout vouloir tout de suite, c'est impossible. Les meilleurs viennent beaucoup d'Europe de l'Est maintenant et ce n'est pas un hasard de mon point de vue. Les musiciens français se sont embourgeoisés alors que pendant ce temps, tous ces pays de l'Est qui sortent de la guerre, qui ont vécu l'horreur et la misère, pansent leurs plaies. Et les musiciens qui en découlent ont « la dalle ». Ils ont besoin de s'exprimer à tout prix et cela engendre moult grands talents. Mais je digresse beaucoup, pardon... Le confinement m'a beaucoup inspiré oui. J'ai écrit un morceau de 12mn qui est en cours de production. Alors patience, il y aura du nouveau pour 2021. Mais comme je l'ai déjà dit plus haut, ne vous attendez pas à entendre un « Transfiguration » bis. C'est encore différent... et je m'en félicite.

 

 

8) Comment regardes-tu l'évolution du death metal depuis les années 90 ? J'ai senti pas mal d'influences thrash également dans vos productions, c'est un style que tu affectionnes particulièrement non ? 

Disons que je viens de cette branche du metal. Mes plus grosses influences en début de carrière étaient Sepultura, Pantera, Metallica, Slayer... même si le death metal s'est vite imposé dans mes oreilles à la première écoute de « Human » de Death et « Effigy of the forgotten » de Suffocation. Au niveau de l'évolution du style en lui-même, c'est très discutable. On a perdu beaucoup de choses avec l’avènement du numérique. La production ultra chirurgicale de maintenant « gomme » beaucoup de l'aspect rugueux de la chose. Le Metalcore a fait énormément de mal au death aussi. Ces groupes de deathcore remplaçables les uns avec les autres tellement ils sonnent TOUS pareils ont une prédominance maintenant. Je ne parle même pas de l'imagerie totalement aseptisée pour la plupart. Difficile, très difficile de trouver des groupes de qualités, qui savent composer et surtout jouer. Car même si le numérique permet effectivement beaucoup de choses dans la création, ça se résume souvent à un son guitare sans âme, une batterie plus proche de la programmation sur un soft avec le son qui va avec, particulièrement sur les caisses claires. Alors oui, certain groupe arrivent à tirer leur épingle du jeu, mais la plupart sont inintéressants, que cela soit ici ou ailleurs. Et le niveau sur scène a gravement chuté. Du moment qu'ils ont le jean slim, les petites socquettes et les chaussures qui vont avec, la casquette, le merch avec le string à l’effigie de leur groupe... bref, tout cela ne correspond pas à l'image « underground » que je me fais du metal extrême en général. Donc... je dirais que le death ne m’intéresse plus beaucoup. Je crois que le dernier album à m'avoir vraiment fait triper est « Retrogore » d'Aborted et « Koloss » de Meshuggah, même si ce n'est pas tout à fait du death metal.


9) Avec une telle longévité, de quoi es-tu le plus fier rétrospectivement ? As-tu encore des rêves et projets ? 

Des rêves et des projets, j'en ai à la pelle. J'ai un groupe de grind avec le tout premier batteur de K.A et quelques amis (F.I.S.T.), mon projet de grind perso « The H.GrinD » et d'autres choses encore. La création, c'est mon truc et donc je pense que je ne serais jamais en panne d'inspiration ou d'envie. Mais il est possible que cela sonne de moins en moins « Death » pour K.A. Pour reprendre une réflexion de Duplantier (Gojira), je fais de la musique avant de faire du Death ou du metal. Sur la carrière de K.A, je crois que ma plus grande fierté est d'être resté intègre malgré les propositions (parfois indécentes) que l'on a pu me faire pour signer. Je dirais aussi que j'ai formé beaucoup de musiciens de talent. Et même si ils ne sont pas toujours vraiment reconnaissants de ce que j'ai pu leur apporter, moi, je le sais, et c'est une grande fierté de voir un musicien s'envoler dans son art alors qu'il est arrivé tel un petit bébé dans mon groupe.


10) Je te remercie encore une fois et te laisse les derniers mots pour la Horde Noire 

Et bien j'engage les personnes qui veulent nous écouter à télécharger nos albums sur Bandcamp, à s'abonner à  notre Spotify ou Applemusic, poncer notre chaîne Youtube pour mieux nous connaître, le Facebook, l'Instagram, le Twitter...bref, vous connaissez la chanson. C'est une démarche importante maintenant pour les groupes, et particulièrement pour les indépendants. C'est la seule reconnaissance que nous ayons et elle dépend de vous. Ensuite, merci à vous de m'avoir donné la parole et du grand intérêt que vous avez porté à K.A. Car c'est aussi grâce à des zines encore intègres comme le vôtre que le metal extrême underground peu continuer à vivre et à être découvert. Et dans cette période plus que troublée, prenez soin de vous et de vos proches.

Stay true, stay brutal.
 

Mika Hell