Exu Rei Records, 2015
Avant-garde black metal, France
Album CD
Il ne faut jamais juger un album sur la foi d'un visuel à priori peu engageant car grand est alors le risque de passer à côté de quelque chose de grand. Tel est ainsi le cas ces Stigmates d'Hécate dont l'écrin visuel ne doit absolument pas vous faire fuir.
Ceux qui se souviennent, entre autres, de Maître des cérémonies cérébrales, offrande gravée il y a douze ans déjà, et auxquels cette modeste chronique s'adresse en premier lieu, savent de toute façon qu'Aryos, son géniteur, n'est pas tout à fait une entité comme les autres, laquelle mérite en cela qu'on s'arrête, plus que le temps d'une écoute distraite, dans sa caverneuse intimité. Car l'art noir que sculptent les Français à la lueur d'un pale éclairage ne s'offre pas dès la première caresse, ce qui explique peut-être pourquoi on lui prête cette maladroite étiquette d'avant-garde black metal, qui a au moins le mérite de souligner l'originalité sinon la singularité d'une musique qui grouille de kystes étranges.
De patients préliminaires se révèlent nécessaires pour en goûter, en savourer le fruit, niché au plus profond d'une antre ténébreuse, suintant une trouble moiteur. Les stigmates d'Hécate écarte les cuisses, nimbées de curieuses effluves électroniques puis Arede Quariani Eccliasiamo sort brusquement les griffes, ouvrant alors les vannes d'une engeance noire (faussement) classique. Les changements de positions, des guitares vicieuses et les parcimonieuses mélopées d'une prêtresse au charme qu'on devine vénéneux, entraînent ensuite cette ouverture de Charybde en Scylla dans des contrées obscures.
Riches de leurs nuances, les six chapitres qui suivent, baignent tous dans des relents d'interdit, ils exsudent une licence aussi tranchante qu'envoûtante. Une sensualité malsaine ourle des structures alambiquées, créant une oeuvre ambivalente, atmosphérique et évolutive tout ensemble. Labyrinthique, ce menu louvoie à travers un décor dépravé, que bordent des portes derrière lesquelles se cachent d'inavouées promesses. Silicate Aluminium Beryllium Chrome et ses courbes tordues, Ra-Hoor - Khuit (Litanie), saillie véloce emportée par un torrent menstruel, ou Chthonienne Totem, que cisaillent des riffs sournois aux allures de scalpel rouillé labourant dans la chair des stigmates, dressent un tableau versatile qu'achève en (sombre) beauté Les six profanes, apogée en forme d'orgasme lugubre teinté d'une electro mortuaire.
Gemme d'une noire sensualité , écrin d'un black perverti, Les stigmates d'Hécate fait partie de ces oeuvres qui se dévoilent par petites touches, avec au bout, comme récompense, l'extase divine. Il est aussi de ces albums dont la confidentialité n'a d'égale que la réussite.