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Burzum : Belus

BURZUM - Belus

Byelobog Productions, 2010

Black Metal, Norvège

CD, dble LP

Avant d'écrire cette chronique, je me suis replongé dans l'oeuvre de Varg, dans ses catharsis musicales... Il était évident que le bonhomme, après avoir passé tant d'années incarcéré, avait forcément évolué, et sa musique avec lui. Peu avant la sortie de Belus , il déclarait que Belus pouvait ressembler à du Black Metal. Mais voyons d'abord le cheminement musical de l'homme aujourd'hui âgé de 37 ans...

1992 : Burzum . A 19 ans, durant la pleine lune, notre Norvégien enregistre dans le studio de son ami Pytten un disque huit titres au nom éponyme et qui fera date. On y découvre un Black Metal à l'allure soutenue mais chevrotant, aux guitares sombres et abrasives, simples mais efficaces, un peu \"VENOMiennes\" sur les bords. Dans le même style, ça ne vaut pas la précision d'un Diabolical Fullmoon Mysticism d'IMMORTAL, sorti presque en même temps, mais faut avouer que Varg s'en sort bien et dégobille une floppée de tracks toutes plus \"cultes\" les unes que les autres. Idem avec Ask , E.P de trois pistes produit en 92, sorti en 93. A défaut d'être mystiques comme par la suite, les premiers disques de Burzum sont ésotériques et gorgés de haine et de désespoir. Mais également d'une sacrée volonté.
1993 : Det Som Engang Var . LP produit en même temps que l'E.P Ask , cet album donne le jour à un Burzum plus maîtrisé, et plus rageur, avec une personnalité plus définie. Toujours autant de haine et de hargne. Lui aussi compte son nombre de pistes reconnues pour leur qualité...

Puis vient le changement. La mystique prend le dessus sur l'occulte, et Burzum produit deux (autres) oeuvres majeures du Black Metal. Toujours composé et enregistré en 1992 (c'est assez incroyable mais bon) mais sortant en 1994, Hvis Lyset Tar Oss ne propose que quatre morceaux, qui eux aussi feront date – c'est ça le talent. Cette fois-ci, les pistes se font plus longues, plus introspectives, plus lumineuses dans leur obscurité... Une oeuvre magique en somme. Quelques mois passent et c'est à Filosofem – LE full-lenght majeur de Burzum selon moi – que Varg donne naissance en 1993 – mais la galette ne sortira qu'en 1996 alors qu'il est en prison et a déjà composé son premier disque d'Ambient : Daudi Baldrs . Bref, Filosofem est un diamant noir à lui seul et c'est à travers lui que j'ai appris à apprécier Burzum. De telles pistes ne peuvent être nées que d'une âme très torturée aux limites de la folie et de la mystique. Dunkelheit , la première des six, est un souffle venu des profondeurs inhumaines de l'homme.

Derrière les barreaux, Varg n'en a pas fini avec la musique et fait ce qu'il peut avec ce qu'il a : deux disques de musique électronique, réalisés au clavier, sortent en 97 ( Daudi Baldrs ) et 99 ( Hliðskjálf ) mais ils n'égalent pas la profondeur d'âme développée précédemment, même si l'on sait l'artiste fort habile pour retranscrire des ambiances touchantes. Le temps fait son oeuvre, et Varg accumule les années dans les murs de sa prison... Quelques coups d'éclat et le voilà sorti en 2009. Toujours aussi rapidement qu'avant sa mise sous écrou, il met en boite Belus , hommage à Baldr, le dieu tué, le dieu lumineux qui restaurera le monde après le Ragnarök. Belus compte huit titres pour cinquante minutes de musique. Varg Vikernes a-t-il finalement changé ?

Ma première question était de savoir si Varg faisait encore du Black Metal. Varg a-t-il gardé de la rage, ou est-il encore soumis au souffle du divin sacré ? Outre le fait que la pochette ne soit plus une peinture mais une photo et que le logo de Burzum ait évolué – mais il n'a pas changé de nom, ce qui n'est pas anodin – Belus frappe d'emblée par le son des guitares... Elles n'ont pas changé : le son reflète parfaitement celui de Filosofem . On remarquera également comme la dextérité de Varg Vikernes surpasse facilement celle de ses oeuvres précédentes. Même le grain de ses cris n'a pas changé, par contre, on y trouvera des doubles voix (Black/claires) et des déclamations entièrement en voix claire. La variété des tempos est à mettre au bénéfice du géniteur, tout comme celle des ambiances... Belus est un album extraordinaire, vous l'aurez compris.

Après une courte introduction faite d'un sample étrange (Varg joue-t-il avec le boulet de sa taule ?) Belus s'ouvre sur un magnifique Belus' Död . Mid-tempo, lancinant et hypnotique, Belus' Död dégage une véritable âme mystique... Cette première track signe comme une vengeance, du genre « je suis de retour et le cauchemar n'est pas terminé ». Burzum semble s'être arrêté dans le temps pendant quelques années et avoir repris vie aussitôt remis en liberté... Impressionnant. Rien que cette piste vaut l'achat de Belus . On continue par le long Glemselens Elv , de la même veine : un vrai régal, simple et efficace. L'ambiance nous plonge dans un univers fait de teintes grises. On ressent une certaine sérénité, une grande maîtrise : son géniteur sait où il veut en venir et y parvient avec une facilité déconcertante. La quatrième piste est elle plus rapide : les riffs tournent en boucle rapidement, et les déclamations, rauques ou claires, reviennent indéfiniment. Génial. La courte, dansante et rapide Sverddans (Sword Dance) prend le relai et nous emmène dans sa course folle aux teintes folk. Puis Keliohesten surgit sur un tempo encore plus soutenu. Celle-ci est faite de riffs pénétrants et hypnotiques, avec une coloration nettement orientale : cosaque, slave ou quelque chose de ce style. Morgenröde revient à un régime plus doomesque mais le jeu de guitare est lui toujours rapide. Toujours aussi bon. Tout comme la dernière, Belus' Tilbakekomst (Konklusjon) : un titre entièrement instrumental – électrique, non électronique, à l'ambiance lourde de ressentiments, voire menaçante et simplement fascinante, concluant magiquement, tel un galdr, ce fabuleux Belus ...

Bref, rien n'est à jeter dans ce Belus . Les jeux sont faits et Varg a choisi d'assumer son destin. Incroyable mais vrai – au regard de la vie de notre Norvégien - Belus est de nouveau un coup de maître de Varg Vikernes et m'a surpris à bien des égards. L'auditeur s'en délectera en multipliant les écoutes : il devra vouloir pénétrer l'oeuvre pour la saisir. Voilà un disque de Black Metal païen de haute qualité.
Je rajoute que je ne crois pas à l'idée d'un coup commercial de la part de Varg au sujet de cette sortie, sinon le travail aurait été gâché et ne serait donc pas de cette qualité incroyable. Burzum est bel et bien revenu et s'en est mieux sorti qu'IMMORTAL avec son dernier full-length – il faut le reconnaître et je soupçonne IMMORTAL d'être revenu sur le devant de la scène pour l'argent...
Vivement le prochain Burzum donc. Et vite. Haelsa Varg !

Guudrath - 10/10