Auto production, 2023
Post Black Metal, France
EP Tape
Il y a dix ans naissait Cepheide, groupe de black metal parmi les plus passionnants enfantés par la scène française. Arrimé maladroitement aux caveaux atmosphérique voire dépressif qui compartimentent le genre, l'entité s'est en vérité toujours refusé à appartenir à un de ces nombreux courants souterrains, très tôt affranchie des codes, des règles de toute façon faits pour être brisés. Chacune de ses offrandes, EP (Respire), albums (Saudade puis Les échappées) ou split (avec Time Lurker) n'ont cessé de brouiller les pistes tout en conservant malgré tout un visage furieusement torrentiel et une même muse cérébrale et philosophique dans sa dimension cosmique.
Publié sous la forme d'une cassette deux titres, Consequences n'est pas que la dernière d'entre elles mais la dernière tout court, probable ultime signal envoyé par ce projet si précieux, comme l'a annoncé Joseph Asparat (Gaetan Juif) avec lequel il s'est toujours un peu confondu en dépit des autres musiciens qui l'ont épaulé, dont le bassiste Hugo Beauzee-Luyssen qui enregistra Saudade en 2017 et qu'on retrouve à l'occasion de ce testament. Entièrement instrumentale, cette création a été envisagée par son principal géniteur comme un retour à l'âme et aux sons qui guidaient Cepheide à l'origine. Pour ce faire, l'ensemble a été capturé en une semaine de manière rudimentaire, sans artifices ni afféteries. Le rendu est brut mais jamais brouillon.
Il en découle un ouvrage puissamment immersif qui gronde dans ses arcanes infinies d'une sève tentaculaire. Que ces deux pistes portent comme titre un simple numéro participe à l'érection d'un bloc indivisible, long de près de vingt-cinq minutes bourgeonnantes et dont le caractère instrumental renforce la nature organique. De fait, Consequences a quelque chose d'un vertigineux trou noir qui nous happe et nous transporte dans un ailleurs lointain nimbé de mystères. Généralement, on se méfie de ce type de black metal vierge de chant pour sa fâcheuse propension à sombrer dans l'ennui ou dans le sirop. Rien de tout cela évidemment avec Cepheide qui réussit même - et au contraire - l'exploit de faire croire à l'existence de lignes vocales, comme l'illustre le premier segment de ce diptyque aux noueuses turgescences. Sur fond de percussions métronomiques, la guitare dresse un mur cosmique qui explose en une myriade de sonorités froides et abrasives.
Du haut de ses seize minutes au compteur, la seconde partie se montre plus foisonnante encore, multipliant les échappées tour à tour véloces ou plus contemplatives mais toujours obsédante. Derrière ses fûts, le maître des lieux imprime une énergie cataclysmique qui s'étale, emplit tout l'espace qui lui est offert sans jamais rogner les émotions, à la fois intimes et déchirantes que répandent ces riffs grouillants et saturés.
En définitive, on ne peut que regretter la mise en sommeil de Cepheide car Consequences, en renouant avec l'esprit originel, s'impose contre toute attente et après des Echappées mitigées, comme un des sommets de sa carrière. Son écoute laisse donc un goût amer mais au moins achève-t-il, peut-être, la trajectoire de son créateur de la plus belle des manières...