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Cepheide : Respire

Misandre Productions, 2015

Depressive Black Metal, France

Album tape

Nous avions découvert Cepheide en 2014 par l'entremise de sa première démo, baptisée De silence et de suie, titre superbe s'il en est, dont la teneur dépressive se conjuguait (déjà) à une approche du genre extrêmement travaillée sinon évolutive, lui permettant de se distinguer d'emblée au sein d'une chapelle au bord de l'asphyxie. Et ce n'était pas faire preuve de chauvinisme que d'affirmer qu'on tenait dans ce duo une des plus douloureuses - et donc une des plus belles - découvertes d'un style où le meilleur (parfois) côtoie le pire (souvent). Il ne restait plus au groupe qu'à confirmer ses promesses, aujourd'hui chose (bien) faite avec Respire.

Peut-être simple EP sur le papier, celui-ci a pourtant tout du grand disque, dans la forme déjà grâce à ses trente-six minutes au garrot, ce qui le rend plus long que bien de "vrais" albums, et dans le fond surtout, réceptacle cendreux d'un art noir  plus cyclopéen encore dans son expression désespérée. Ce faisant, Cepheide ne fait pas que transformer l'essai, il franchit encore un palier, soulignant une inspiration qu'on devine démesurée, associée à une exigence qui est tout à son honneur. Au programme, deux pistes d'une durée forcément des plus conséquentes.

Encore une fois, écrire de (très) longues compositions n'est pas difficile mais que celles-ci soient réussies, l'est bien davantage. Sans jamais ni s'égarer ni ennuyer (ceci expliquant sans doute cela), l'hydre à deux têtes ne déçoit donc pas. Certains décèleront peut-être dans cette masse compacte des influences plus Post black, évolution qui se nourrit de ce format dilaté. Possible. Reste qu'à l'écoute de ce Respire, on mesure combien ces étiquettes n'ont au final que très peu de sens, volant en éclat sous les coups de boutoir de musiciens que guident avant tout une muse mélancolique. Plus que jamais affranchi d'un quelconque carcan, le groupe libère sa sève créatrice que rien ne vient museler, galopant à travers les terres dévastées d'une (in)humanité au bord de sa chute. Sur un socle toujours aussi contemplatif et tortueux, atmosphérique et rocailleux  à la fois, Cepheide se lance dans l'érection d'un mausolée dont les lignes noires se perdent dans l'immensité d'un ciel crépusculaire. Il prend son temps pour installer des ambiances aux couleurs funéraires.

Après de longs et répétitifs préliminaires, Le souffle brûlant de l'Immaculé ne démarre ainsi qu'au bout de pétrifiés instants. Le chant lointain et inaudible, hurlements possédés qui percent la nuit, donne le branle à un inexorable désespoir qui explose, propulsé par ces guitares aux froides morsures qui dressent les murs massifs d'une triste forteresse. La chute d'une ombre lui répond, marche funèbre plus belle encore, dont l'intimité n'écarte ses lèvres ténébreuses qu'à la faveur d'une entame presque immobile égrenée par une guitare aux sobres atours. Peu à peu, on sent la tension monter, vibrant sous la terre de plus en plus craquelée. Les percussions surgissent, tranquillement. Puis c'est l'éjaculation vocale qui crache un mal-être infini dans la nuit noire. Sur fond de batterie qui se fracasse, des instants pétrifiés, fantomatiques, étendent ensuite leur funeste suaire avant que la violence des sentiments se déchaîne à nouveau jusqu'aux dernières mesures d'un grandiose désespoir.

Que dire de plus si ce n'est que Respire est un monument à la gloire d'un art noir torrentiel...

Childeric Thor - 8.5/10