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Dysylumn : Abstraction

Signal Rex, 2025

Black Metal, France

Album CD

Black metal progressif, post black, sont des étiquettes qui font un peu peur à celui qui reste viscéralement attachés à une expression orthodoxe du genre ou à tout le moins porté sur les atmosphères. Arrimé à ces sous-chapelles dont l’approche se veut plus moderne que traditionnelle, Dysylumn n’avait à priori que peu de chance d’enthousiasmer votre serviteur pour qui l’art noir se doit de conserver l’essence pure du mal originel. C’est ainsi une oreille plus curieuse que réellement intéressée qui s’est posée sur "Abstraction", quatrième voyage des Lyonnais à travers les limbes d’un cosmos halluciné.

Or contre toute attente, la magie (noire) a immédiatement opéré. Les raisons en sont multiples. Après un "Cosmosgonie" dont le menu pantagruélique (80 minutes quand même) fêtait ses 10 ans de carrière, le groupe a la bonne idée de renouer avec l’architecture resserrée du séminal "Conceptarium". La forme a d’ailleurs toute son importance tant ce programme divisé en cinq parties a quelque chose d’un bloc indivisible, mégalithe ténébreux dérivant dans la froideur abyssale de l’espace. Corollaire de cette structure massive, "Abstraction" semble d’être constitué que d’une seule et unique piste dont les différents segments épousent la progression d’un long périple à la fois sonore et émotionnel.

Si l’album est court, ses cinq mouvements affichent en revanche une durée souvent conséquente, sans que l’intérêt ne faiblisse à aucun moment. Ce qu’ils doivent autant à leur construction, complexe et néanmoins limpide, qu’à ces lignes de guitares dont la teneur dissonante n’en grève jamais la sève mélodique et entêtante (‘I’). Le duo sait balayer des paysages épiques qui envahissent l’espace, relief véloce mais toujours hypnotique à l’image du terminal ‘V’ qui meurt en glissant tout doucement dans les profondeurs de l’infini, poussé par cette guitare pointilliste aux notes vibrantes. A cette emphase parfois presque éthérée dans sa glaciale noirceur s’oppose le chant âpre et meurtri, vigie terrifiante dont les remugles plus death (doom) que purement black metal abîment l’ensemble dans un trou noir béant.

Après cinq longues années de silence discographique, Dysylumn délivre une création trapue et bourgeonnante, fidèle à son style torrentiel dont la beauté noire et souterraine n’a d’égale que la force abrasive propice à un voyage intérieur à la fois contemplatif et insondable.

Childeric Thor - 7.5/10