Nordvis Produktion, 2013
Black Metal, Suède
EP
Des notes squelettiques empreintes d'une tristesse immense, crachées par un violon lointain, comme étouffé, introduction d'un lugubre dénuement qui ouvre la porte d'une église battue par le vent et le froid, dressée au centre d'un village figé dans le temps. Tel est le premier contact avec Grift dont Fyra Elegier est le premier signe de mort, EP d'une bonne vingtaine minutes publié sous l'estimable bannière Nordvis Produktion. Ce qui est à la fois peu mais néanmoins suffisant pour affirmer que ces Suédois, sans être la plus grande invention offerte par le Black Metal depuis BATHORY, ne sont pas à ranger trop vite au fond du panier des traîne-savates et autres faces de ghoules du dernier rang.
Hydre à deux têtes, Grift n'est pas formé de créatures totalement inconnues, J. Hallbâck (batterie) et Perditor (tout le reste) promenant depuis quelques années déjà leur soif de négativité au sein de groupuscules certes à l'aura modeste, ce qui ne les exonère pas d'un intérêt certain, de FLAGELLANT à ARSFYND et ORCIVUS. Les amateurs comprendront. Ce nouveau projet les voit façonner un art noir souvent lancinant, toujours mélodique quoique dans le bon sens du terme. Guitares grésillantes, chant écorché sont bien alignés en rang d'oignons mais les Suédois savent sinon transcender ces invariants (trop) propres au genre, au moins les exploiter non sans une finesse de touches leur permettant se distinguer du tout venant.
Macérant dans une sombre mélancolie, ces quatre plaintes valent mieux en définitive que ce que les premiers va-et-vient laissent deviner. L'hymen une fois déchirée, chacune d'entre elles dévoilent une intimité précieuse. \"Dödens Dad\" et son sinistre entame, \"Den Fangne\", mid-tempo tavelé de mélodies désespérées où le chanteur crache son mal-être comme si demain ne devait plus jamais exister et surtout le terminal \"Bortgang\", que scarifient des riffs pollués cependant que Perditor pose son chant parlé noyé sous un blizzard d'effets, respiration pétrifiée et répétitive aux accents Doom Death, finissent par se nicher dans la mémoire, y laissant de profonds et inespérés résidus.
Carte de visite prometteuse, Fyra Elegier donne envie de suivre ses géniteurs dont on attend désormais forcément une offrande plus consistante qui, si elle est à la hauteur des qualités entrevues lors de ce EP, annonce un spleen frissonnant et ce lustre sinistre à la suédoise...