Osmose Productions, 2025
Black Metal, Ukraine
Album CD
Musicien nationaliste (ce n’est pas un gros mot), une bonne partie de l‘œuvre de Roman Saenko est fièrement enracinée dans la terre ukrainienne qui l’a vu naître. Sa géographie, sa culture, son folklore, son histoire nourrissent ainsi au premier chef les offrandes de Drudkh mais également celles de Hate Forest, quoique d’une manière différente, plus brutale et belliqueuse. Et en toute logique, il ne pouvait trouver meilleur carburant haineux que le conflit qui pilonne son pays depuis 2021.
Résultat, depuis cinq ans et le résurrectionnel "Hour Of The Centaur", Hate Forest redouble à la fois d’inspiration (trois albums et autant de EP) et surtout d’une fureur que rien ne semble plus pouvoir enrayer. Renouant avec la radicalité primaire de "Sorrow" (2004), "Against All Odds" désigne sans la moindre équivoque l’ennemi à abattre, véritable appel à la résistance et au-delà. Des titres tels que ‘Coprophagus Empire’ ou ‘Mariupol’ se passent de commentaire. Le mal y est désigné, dans toute sa perfidie et sa cruauté effrénée, réduit à tout ce qu’il y a de plus bas et dégueulasse dans l’(in)humanité. A l’opposé, la combativité, la résilience du peuple Ukrainien sont justement louées, glorifiées (‘Courage’), tissant un parallèle historique entre le combat contre l’impérialisme russe et celui des cités Grecques luttant victorieusement contre les Perses (‘Ukranian Termopylae’).
Ce combustible guerrier dicte à "Against All Odds" sa bestialité autoritaire, pilonnage en règle d’à peine plus de trente minutes, sans faire ni prisonniers ni concession. De ‘Werewolves’ à ‘Courage’, c’est une boule de haine qui ravage tout sur ton passage, crue torrentielle qui s’abat en un éclair de fer et de sang. Rythmique bruitiste, guitares aux allures de blockhaus funestes et borborygmes fielleux irriguent ces saillies féroces et sans comptromis. Respirations ambient et crevasses acoustiques dont peut être coutumier l’Ukranien ont cette fois-ci été remisées aux oubliettes, de même que les mid-tempos, à l’exception relative de quelques pesantes saignées qui ne suffisent néanmoins jamais à briser la violence épidermique d’un ensemble tendu comme une verge gonflée d’un pus noir et malfaisante. Il n’est plus l’heure de la paix.
Tabassant tout du long un black metal définitif dans sa rage grouillante et ferrugineuse, "Againt All Odds" a quelque chose d’un bloc unique et sévère en cela que les huit blitzkriegs qui le composent s’enchaînent à un rythme infernal en une masse dévorante et uniforme aux frontières floues dont on peine à distinguer des nuances qui en vérité n’existent pas. De là, l’impression d’écouter en boucle le même titre durant tout l’assaut.
"Against All Odds" n’est pas le meilleur album de Hate Forest qui parfois se répète, ne se renouvelle pas (et ne cherche pas à le faire d’ailleurs) mais son intérêt est ailleurs, dans son existence même et dans ce cri de guerre et de haine qu’il incarne avec une force tragique qu’on ne saurait confondre avec du désespoir...