Auto-production, 2016
Dark Rock, France
Album CD
Heureusement, à l'heure de la musique standardisée, qui ne fait que vomir des produits lesquels, bien souvent ne sont qu'un agrégat de chansons mises bout à bout, il existe encore des artistes qui conçoivent leur travail comme un tout cohérent. Plus que dans la lumière, c'est dans la pénombre qu'il faut généralement chercher ces résistants qui semblent ne pouvoir s'épanouir qu'à la marge, connus et vénérés par une poignée de fidèles veillant sur des offrandes aux allures d'inestimables trésors.
Hercynia Silva fait partie de ces projets rares, duo enraciné dans une terre Lorraine riche en pouvoir d'évocation qu'animent Fabrice Bernardin (batterie) et Alban Blaising (tout le reste). Plus encore peut-être que son devancier éponyme, offert il y a deux ans, Dyeus Pater se présente comme une oeuvre d'art total où artwork, composé de photographies animalières, réalisées par le multi-instrumentiste, textes et musiques sont connectés à la nature, dont se nourrissent nombre de mythes séculaires et de poèmes dont le tandem s'inspire.
La porte d'entrée de cet univers est incarnée par ces images d'animaux sauvages (renard, sangliers...) capturées dans la campagne et forêts de Lorraine, visuel qui fait de l'auditeur le témoin privilégiés d'une nature précieuse et le prépare à un voyage intime, comme suspendu dans le temps entre gothic rock et post-punk, auquel le chant en français confère une identité étrange. Par rapport à son prédécesseur, parfois maladroit, ce deuxième album n'est pas seulement plus maîtrisé, il sonne plus rock, ancré dans un substrat des plus personnels, metal et synthétique, qui n'est pas sans évoquer Paradise Lost, comme l'illustre E Quindi Unscimmo a Riverder Le Stelle.
L'opus impressionne aussi par sa richesse instrumentale, témoin ce Dyeus Pater, sombrement envoûtant avec ses accords osseux, ses percussions pulsatives. Depuis Les fantômes de la forêt aux Convulsionnaires, l'ensemble a quelque chose d'un long et tranquille passage de l'obscurité à la lumière, baignant dans une ambiance douce-amère. Mieux que d'autres et avec une économie de moyens admirable, Hercynia Silva parvient à capter cette dimension païenne et solaire, à l'origine de nos civilisations.
Composé de quatorze pistes, nous pourrions disséquer l'intégralité de Dyeus Pater, ce que nous ne ferons pas, afin de ne pas violer la magie de ce sanctuaire dont la part de mystère contribue à son charme unique, à sa beauté mythique. (2016)