Auto-production, 2017
Dark Rock, France
Album CD
Projet aussi rare que précieux, Hercynia Silva bâtit peu à peu, pierre par pierre, un édifice insaisissable en cela qu'il s'affranchit des genres, impossible à enfermer dans une case bien précise sans qu'il ne déborde. De fait, chacune de ses offrandes se révèle très différente de celle qui l'a précédé. Si Dyeus Pater (2016) se distinguait du séminal album éponyme par ses traits plus rock sinon plus metal, Le culte des forêts part lui aussi baguenauder le long d'un chemin singulier qui aboutit dans une clairière inconnue riche d'une myriade de trésors.
Cette identité mouvante s'accompagne également d'une réussite de plus en plus franche, l'entité gagnant au fil des années en maîtrise sans pour autant se départir d'une forme de modestie dans le rendu dont le caractère artisanal, loin de l'appauvrir, lui confère une authenticité chaleureuse. A l'origine simple duo, Hercynia Silva accueille depuis peu un second guitariste, Didier Ducouloux, lequel vient en épaissir la palette pulsative et synthétique, hypnotique et organique tout ensemble. Mais c'est le travail sur le chant de Alban Blaising qui frappe tout d'abord et ce, dès l'inaugural 'Axis Mundi', tantôt trafiqué par des effets ou écorché par une âpreté granuleuse. Multi-instrumentiste, l'homme est le guide en même temps que le compteur de ces psaumes teintés d'une poésie étrange dont la muse demeure cette nature froide et mystérieuse.
Plus encore que ses devanciers, Le culte des forêts se pare d'une dimension chamanique et quasi cosmique qui fait de lui une œuvre sacrée au sens religieux du terme. Cette inspiration boisée dicte au groupe une partition aux couleurs sombres et terreuses entre metal gothic (dans sa définition la plus noble), electro et post-punk où Paradise Lost n'est parfois pas loin (Evhémérisme). Sur un socle aux lignes fixées depuis l'origine, les Nancéens plantent, ici de lourdes percussions comme sur le nocturne Baba Yaga, là des guitares mordantes (Le cosmos chamanique) tandis que les claviers étendent un tapis aux accents rituels (Un temple et ses piliers). A l'écoute de ce menu aux aplats obsédants et aux éclairs électriques (Les morts impurs), on devine que l'aube ne se lèvera pas, laissant la nuit s'étirer et avaler ces paysages où se détachent des silhouettes animales. L'album nous plonge dans un monde glacial et crépusculaire (Le grand hiver), théâtre d'un culte païen séculaire où la nature est déifiée.
Avec Le culte des forêts, Hercynia Silva continue de travailler un art extrêmement personnel qui vibre d'une beauté aussi obscure qu'entêtante. Moins squelettique qu'à ses débuts, son dark rock se couvre encore une fois de nouvelles influences qui lui donne plus de corps et de matière sans le vider de cette âme sombre et forestière qui n'appartient qu'à lui. Ce faisant, le groupe accouche de sa création la plus aboutie.