Distant Voices, 2014
Depressive Black Metal, France
CD
A l'instar de bien d'autres âmes tourmentées, macérant dans le jus d'un Black metal dépressif, Misery souffre de diarrhée créatrice le voyant multiplier les offrandes. Stakhanoviste, la créature se faisant appeler Fille de Misère qui se cache derrière ce projet, a déjà ainsi forgé près d'une dizaine d'efforts depuis 2009.
Si certaines mauvaises langues ne manqueront bien entendu pas de souligner - à tort - que le style, par sa (fausse) pauvreté sonore, permet justement ce genre de frénésie artistique, l'entité mérite franchement mieux que ces basses médisances, ne serait-ce déjà que par sa capacité à toujours subtilement se renouveler, évitant de fait de s'embourber dans le syndrome d'un STRIBORG rétif à toute évolution.
Comparer Black Craft Elegies au récent EP, Mélancolie permet ainsi de mesurer les nuances, véritables, d'un art moins figé qu'il n'en a l'air de prime abord. Alors certes, les invariants propres au DSBM sont bien alignés, comme des pinces à linge sur un fil, du chant hurlé perçant la nuit aux notes volontairement répétitives, des complaintes étirées au tempos pétrifiés mais Misery possède une manière bien à lui d'agencer toutes ces composants obligés, débouchant sur un tertre singulier.
Là où Mélancolie dégorgeait une froide et forestière beauté, sentant la terre et les feuilles humides, Black Craft Elegies se veut plus rugueux, plus minéral également, mais tout aussi passionnant et réussi. On touche d'ailleurs là du doigt cette magie de l'art noir suicidaire dont on croit avoir tout entendu et toujours capable néanmoins de faire frissonner l'échine quant il est l'oeuvre de musiciens sincères parvenant à capter ce feeling désolé aux allures de graal doloriste. Fille de Misère fait partie ce ceux-ci. Incontestablement.
Il suffit par exemple de se laisser happer par l'inaugural \"Self-Hatred Redemption\", pour en avoir l'éclatante confirmation, plainte de plus de 17 minutes au compteur dont les riffs grésillants qui raclent la peau tel un scalpel rouillé confinent à une forme de transe hypnotique.
Hurlant tout son dégout, toute sa haine, l'homme y installe un climat qui engourdi avant de vous plonger au fond d'un gouffre sans fin, il distille peu à peu son venin, empoisonnant l'esprit par son univers de décrépitude (\"SYTD\") qui n'est pas sans évoquer les travaux de TRIST par ses atours déglingués et maladifs. Sous une apparente et trompeuse monotonie, ces marches flagellantes sont émaillées de touches acoustiques, à l'image du terminal \"The Negative Anthem\" qui ne démarre vraiment qu'après de longues minutes endormies, nuit noire que déchirent des cris de désespoir.
Elégie d'une noirceur contemplative, cet album est un gemme d'une beauté déchirantte, pierre supplémentaire de cet édifice mortuaire que Misery fait chaque année sortir de terre un peu plus.